EDF : les syndicats appellent à la grève pour lutter contre le "pillage" du groupe

Par latribune.fr  |   |  956  mots
(Crédits : CHARLES PLATIAU)
L'intersyndicale d'EDF appelle à la grève le 26 janvier pour protester contre le "pillage" du groupe public, après la décision du gouvernement d'obliger EDF à vendre davantage d'électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents. Cette annonce intervient dans la foulée d'un message du PDG Jean-Bernard Lévy aux managers, indiquant que cette mesure qui a été vécue comme un choc a été imposée par l'exécutif.

Il ne manquait plus qu'un appel à la grève pour ajouter du piment au dossier EDF déjà sous haute tension. Se déclarant « scandalisés » par la décision de l'Etat d'imposer à EDF de vendre davantage d'électricité à prix cassés à ses concurrents pour soulager la facture énergétique des Français, les quatre principaux syndicats du secteur énergétique ont, en effet, lancé un appel commun à la grève des salariés d'EDF, le 26 janvier prochain. L'appel est indépendant d'un autre mouvement social destiné à défendre une revalorisation des salaires dans l'ensemble du secteur de l'énergie, à l'appel de la seule FNME-CGT. Cet appel à une grève reconductible à compter du 25, a déjà suscité localement quelques mouvements de grève, notamment dans quelques centrales thermiques à flamme d'EDF, des centrales électriques fonctionnant au gaz, fioul et ce qui reste du charbon, à Martigues par exemple.

"La colère gronde"

"On a eu une réunion interfédérale hier soir, les quatre organisations, FO, CCFE-CGC, CFDT et FNME-CGT, on fait un appel commun le 26 janvier", a indiqué à l'AFP Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT, en charge de la politique revendicative.

Les quatre syndicats de branche appellent, selon lui, "à protester contre cette décision scandaleuse d'augmentation du plafond de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique, ndlr), qui vient spolier le rôle d'EDF, voire organiser la destruction d'EDF".

Dans son communiqué, FO-Energie et Mines estime que "le gouvernement confirme son hostilité au service public de l'électricité et à l'entreprise, EDF, qui l'incarne", "en faisant ce choix d'aider les concurrents d'EDF au lieu de remettre en cause la concurrence".

Il dénonce aussi "des enjeux politiciens dans le cadre de la prochaine campagne présidentielle".

"La colère gronde et la résistance s'organise pour faire entendre raison au gouvernement et combattre cette fuite en avant", ajoute le syndicat en appelant à soutenir toutes les actions communes de l'intersyndicale, dont l'arrêt de travail du 26 janvier.

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Afin de limiter la hausse des prix de l'électricité pour les consommateurs, dans un contexte de flambée des prix de l'énergie, le gouvernement français a demandé jeudi dernier à EDF, dont l'Etat possède 84%, d'augmenter de 20% le volume d'électricité nucléaire vendu à prix réduit à ses concurrents cette année. Le groupe va donc vendre à un prix réduit jusqu'à 40% de sa production électrique en 2022, au lieu de vendre aux prix forts du marché, ce qui va impacter les recettes d'environ 8 milliards d'euros -

Une décision qui a ému jusque à la tête du groupe. Lundi, dans un message interne que La Tribune s'est procuré, le PDG Jean-Bernard Lévy a indiqué qu'il l "partageait l'émotion" de ceux qui lui ont fait part de "leur soutien, voire de leur indignation". Les mots utilisés dans ce courrier sont forts. « Beaucoup d'entre vous m'ont fait part de leur soutien, voire de leur indignation, et je partage votre émotion. Sachez que le comité exécutif et moi-même restons très combatifs », a-t-il écrit. Imposée par le gouvernement alors qu'EDF proposait une autre solution, la décision a constitué un "véritable choc" pour l'entreprise, car elle « va peser lourdement sur nos résultats ».

Lire ici- Prix de l'électricité : "Après l'avoir combattue", EDF vit la décision de l'Etat "comme un véritable choc", dit son PDG Jean-Bernard Lévy

« Ce n'est pas ce que nous avions proposé au Gouvernement pour faire face à la hausse inédite des prix de l'électricité. Nous recommandions des alternatives ciblées au bénéfice des clients les plus sensibles à la hausse de prix, principalement les TPE et les usines les plus exposées ».

Après l'avoir beaucoup combattue, nous vivons cette décision comme un véritable choc. Naturellement, cette décision s'impose à nous. Elle va peser lourdement sur nos résultats, avec une perte de recettes d'environ 8 Md€ sur l'année 2022.

EDF a subi une lourde chute en Bourse vendredi et lundi après avoir également annoncé une révision à la baisse de ses perspectives de production nucléaire pour 2022 - en raison d'arrêts de réacteurs liés à des problèmes de corrosion -, ainsi qu'un nouveau retard et un surcoût supplémentaire du projet d'EPR de Flamanville (Manche).

 « Il se trouve que le même jour, nous annoncions une révision à la baisse de notre cible de production nucléaire pour 2022 à la suite de problèmes techniques de corrosion identifiés lors de contrôles sur cinq réacteurs du parc français. Toujours la semaine dernière, nous avons dû annoncer le décalage au deuxième trimestre 2023 de la date de chargement du combustible de Flamanville 3 et l'augmentation de 300 M€ du coût du projet », explique dans son courrier Jean-Bernard Lévy..

Vers une action en justice ?

« Ces mauvaises nouvelles ébranlent le Groupe. Pour autant, elles ne doivent pas occulter les efforts accomplis par l'ensemble des équipes et je sais ce que les succès de notre Groupe doivent à votre engagement », ajoute-il en précisant :

 "Avec le comité exécutif, nous examinons les mesures appropriées pour renforcer la structure bilancielle du groupe et toute mesure de nature à protéger ses intérêts. Ce qui est en jeu, c'est notre capacité à préserver notre développement stratégique. Nous comptons rendre ces mesures publiques sous un mois."

La CFE-CGC, de même que l'association Energie en actions, qui représente des actionnaires salariés et anciens salariés d'EDF, ont fait savoir ces derniers jours qu'ils se réservaient la possibilité d'attaquer en justice la décision du gouvernement sur l'Arenh.