Nucléaire : comment EDF tente de faire face au réchauffement des cours d'eau

Par latribune.fr  |   |  881  mots
La centrale nucléaire de Saint-Alban-Saint-Maurice fait partie de celle bénéficiant d'une dérogation permettant de relever limites réglementaires de température de rejet de l'eau à ne pas dépasser. (Crédits : Reuters)
Conséquence des fortes chaleurs, la température des cours d'eau a grimpé contraignant plusieurs centrales nucléaires à « effectuer des baisses de charge » pour ne pas dépasser la limite de température fixée pour l'eau rejetée par les centrales. Mais pour d'autres, elles pourront bénéficier de dérogations environnementales leur permettant, jusqu'au 11 septembre, de s'affranchir de ces seuils.

Alors que le parc nucléaire français rencontre des difficultés suite à la récente découverte d'un défaut de corrosion sur plusieurs infrastructures et au décalage des maintenances du fait du coronavirus, c'est désormais la chaleur qui vient peser sur son fonctionnement. Plusieurs réacteurs nucléaires d'EDF ont été contraints d'abaisser leur production en raison des températures élevées des cours d'eau utilisées pour leur refroidissement, a indiqué l'entreprise vendredi.

Pour rappel, les centrales pompent l'eau pour le refroidissement des réacteurs, avant de la rejeter. Or, depuis 2006, chaque centrale a ses propres limites réglementaires de température de rejet de l'eau à ne pas dépasser, afin de ne pas échauffer les cours d'eau environnants et d'en protéger la faune et la flore.

« Les conditions climatiques exceptionnelles actuelles se traduisent par une montée de la température de la Garonne qui a atteint 28 degrés », indique EDF. « A la demande du gestionnaire de réseau d'électricité national (RTE), l'unité de production n°2 de la centrale de Golfech reste en production (puissance minimale) », poursuit le producteur d'électricité. Cette puissance minimale correspond à environ 300 MW, contre 1.300 MW normalement. Le second réacteur de la centrale située dans le Tarn-et-Garonne est pour sa part en arrêt programmé. « Les conditions climatiques exceptionnelles que nous connaissons depuis quelques jours se traduisent par une montée de la température du Rhône, qui a atteint plus de 25 degrés », constate également EDF dans un point distinct sur la centrale du Bugey. « Les unités de production n°2 et 5 ont été maintenues sur le réseau dans le respect des dispositions relatives aux situations climatiques exceptionnelles », indique le groupe. Ces deux réacteurs ont « dû effectuer des baisses de charge », autrement dit réduire leur puissance, a précisé une porte-parole d'EDF à l'AFP. Les deux autres réacteurs de la centrale sont pour leur part en arrêt pour une maintenance programmée.

EDF avait prévenu qu'il pourrait être contraint d'abaisser sa production nucléaire ces prochains jours et même arrêter un réacteur de la centrale du Tricastin (Drôme) en raison des températures élevées des fleuves. Ce n'est pas inhabituel de rencontrer des baisses de production pour ces raisons en période estivale, mais, cette année, elles sont intervenues plus tôt qu'à l'accoutumée - dès le mois de mai. En effet, de telles dérogations n'avaient jusqu'ici été utilisées qu'une fois, en 2018 pour la centrale de Golfech, et ce pour 36 heures. Cette année, EDF a déjà dû réduire la puissance d'un réacteur pendant quelques heures en mai au Blayais, puis en juin à Saint-Alban. EDF relativise, toutefois, la portée de ces événements, soulignant que depuis 2000, les pertes de production ont représenté en moyenne 0,3% de la production annuelle du parc. Mais, selon RTE, les canicules ont déjà provoqué des indisponibilités simultanées de réacteurs atteignant près de 6 GW, soit environ 10% de la capacité installée, et ce problème devrait s'accroître dans les années qui viennent.

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Les limites de température de rejet d'eau réhaussées

D'autres centrales échappent, elles, à un arrêt ou à une baisse de production grâce à des dérogations environnementales leur permettant, jusqu'au 11 septembre, d'outrepasser les limites de température de l'eau rejetée. Un arrêté publié ce samedi au Journal officiel fixe, ainsi, « de nouvelles limites de rejets thermiques applicables aux réacteurs de la centrale nucléaire du Bugey, du Blayais, de Saint-Alban-Saint-Maurice, de Golfech et du Tricastin ».

Ces dérogations sont justifiées par le fait qu'« en l'absence de modification temporaire des limites actuelles de rejets thermiques, l'exploitant devrait arrêter le fonctionnement de ces centrales nucléaires ou diminuer leur production afin de limiter l'échauffement de l'estuaire de la Gironde pour la centrale du Blayais, du Rhône pour les centrales de Saint-Alban-Saint-Maurice et du Bugey, de la Garonne pour la centrale de Golfech et du canal de Donzère-Mondragon pour la centrale nucléaire du Tricastin », alors même que « le maintien à un niveau minimum de production électrique des réacteurs des centrales nucléaires (...) constitue, au regard de la sécurité du réseau électrique, une nécessité publique »Et pour cause, plus de la moitié des 56 réacteurs nucléaires sont déjà à l'arrêt pour cause de maintenance ou de problèmes de corrosion.

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Mais cette décision n'est pas sans conséquences écologiques, comme l'a signalé l'ONG France Nature Environnement (FNE). « La centrale nucléaire du Bugey vient d'être autorisée à rejeter des eaux plus chaudes qu'à l'accoutumée. Voilà qui ne va pas contribuer à améliorer la biodiversité dans le Rhône qui souffre des canicules de l'été, comme tous les cours d'eau français », a-t-elle réagi sur Twitter. L'arrêté assure, lui, que la mise en oeuvre de ces mesures sera « associée à un programme de surveillance renforcée de l'environnement ».

 (Avec AFP)