Pénurie d'essence : TotalEnergies sous la pression du gouvernement

Par latribune.fr  |   |  865  mots
Les stations de l'enseigne TotalEnergies, qui applique une remise de 20 centimes à la pompe, en plus de la ristourne de l'Etat, sont victimes de leur succès. (Crédits : BENOIT TESSIER)
Alors qu'environ 15% des stations-service du pays rencontrent des difficultés d'approvisionnement en carburants, Matignon a appelé vendredi les directions des groupes pétroliers et les représentants du personnel à faire preuve de « responsabilité » afin que les « négociations salariales aboutissent » et mettent fin aux grèves qui durent depuis plusieurs jours.

Nouvelle journée de frénésie dans les stations-service. Le mouvement de grève pour les salaires, notamment chez TotalEnergies, qui dure depuis dix jours, continue de bloquer plusieurs raffineries et dépôts pétroliers du pays. A cela s'ajoute le fait que les stations de l'enseigne TotalEnergies, qui applique une remise de 20 centimes à la pompe en plus de la ristourne de l'Etat, sont victimes de leur succès et rencontrent des difficultés d'approvisionnement. En bout de chaîne, 15% des stations-service sont paralysées selon le gouvernement. Une proportion qui s'élève à 30% dans les Hauts-de-France.

Dans ce contexte, le gouvernement français a accentué vendredi la pression les entreprises pétrolières, et notamment TotalEnergies qui gère près du tiers des stations françaises, pour mettre fin au conflit social dans les raffineries. La Première ministre Elisabeth Borne a appelé vendredi les directions des groupes pétroliers et les représentants du personnel à « la responsabilité », afin que les « négociations salariales aboutissent et ne pénalisent pas les Français ».

Précédemment plusieurs membres du gouvernement avaient déjà passé le message. « J'appelle les entreprises concernées, qui, pour la plupart, ont quand même de bons résultats, à considérer aussi les demandes d'augmentation de salaire », a déclaré dans la matinée Olivia Grégoire, ministre déléguée aux Petites et moyennes entreprises, sur Franceinfo. « Nous attendons des entreprises (...) des efforts à l'endroit des salariés », a-t-elle dit, sans citer l'entreprise pétrolière qui a réalisé 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre.

De son côté, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a également formulé une demande à TotalEnergies sur BFMTV, indiquant que le gouvernement était « extrêmement attentif à ce que ce mouvement social trouve une solution le plus rapidement possible », alors que les blocages des grévistes entraînent une baisse des livraisons de carburant, les stations-service sont donc plus souvent en rupture de stocks d'essence ou de diesel.

Du mieux dans « deux, trois jours a priori »

La veille, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait laissé entendre que la situation devrait s'améliorer dans « deux, trois jours a priori ». « Nous sommes en train de renforcer les approvisionnements pétroliers depuis la Belgique et depuis Rouen, par bateau (...). Par ailleurs, effectivement, nous avons libéré quelques stocks stratégiques pour plus rapidement venir en soutien des pétroliers », avait-elle expliqué sur BFMTV.

« Nous faisons tout pour que dans les prochains jours cette situation puisse se résorber » et le gouvernement est « en lien avec Total pour essayer de faciliter le dialogue social », a renchéri de son côté le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, vendredi matin sur LCI. Les camions-citerne seront exceptionnellement autorisés à circuler dimanche en raison des « difficultés assez localisées, mais importantes », a aussi annoncé le ministre, qui doit réunir dans la journée les fédérations des transporteurs « pour voir localement où on peut améliorer l'approvisionnement ».

Si les difficultés d'approvisionnement se font sentir dans toute la France, en particulier dans les stations TotalEnergies depuis quelques jours, les manques sont particulièrement criants dans le Nord et le Pas-de-Calais avec certaines villes comme Arras ou Béthune, très affectées. Afin d'apaiser la situation, le gouvernement a déjà activé ponctuellement les stocks stratégiques de l'Etat, afin de réapprovisionner les stations-services en difficulté. La préfecture du Nord a aussi annoncé la mise en place d'un accès prioritaire au carburant au bénéfice des transports sanitaires et des professionnels de santé.

Grève dans les raffineries

Chez le pétrolier français, outre sa raffinerie de Normandie, les grévistes étaient encore massivement mobilisés vendredi au dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque (Nord), à la « bio-raffinerie » de La Mède (Bouches-du-Rhône) et au dépôt de carburants de Grandpuits (Seine-et-Marne) notamment, afin de limiter au maximum la sortie de produits pétroliers selon la CGT.

La mobilisation était nettement moins importante - 10 à 30% de grévistes - à la raffinerie de Feyzin (Rhône), mais concentrée sur le service stratégique des expéditions, où la CGT revendiquait « entre 80 et 100% de grévistes », a indiqué à l'AFP Pedro Afonso, élu CGT de cette raffinerie.

La grève ne touche pas seulement les raffineries TotalEnergies. Les deux raffineries françaises du concurrent américain Esso-ExxonMobil, en Seine-Maritime et dans les Bouches-du-Rhône, sont aussi à l'arrêt. Dans les deux cas à l'appel de la CGT, afin d'obtenir une hausse des salaires.

A ce mouvement social qui perturbe l'approvisionnement des stations-service, s'ajoute le fait que les stations de l'enseigne TotalEnergies, qui appliquent une remise de 20 centimes à la pompe, en plus de la ristourne de l'Etat, sont victimes de leur succès et rencontrent des difficultés d'approvisionnement. TotalEnergies se refuse à communiquer le nombre de stations à sec, mais sa carte en ligne montre que la plupart de ses 3.500 points de vente manquent d'un ou plusieurs carburants.

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(Avec AFP)