Pétrole : Moscou fustige l'embargo de l'UE sur les produits raffinés russes

Par latribune.fr  |   |  893  mots
Dans les faits, les cargaisons de kérosène, essence, bitume, fioul ou encore de diesel ne pourront plus rentrer dans l'espace européen. (Crédits : DADO RUVIC)
Pour le Kremlin, l'embargo européen sur les produits pétroliers raffinés russes exportés par voie maritime qui doit entrer en vigueur ce dimanche 5 février est une mesure « négative » qui va « déséquilibrer davantage » les marchés. L'Union européenne la voit comme une manière de limiter encore davantage les revenus russes qui financent la guerre en Ukraine. Selon plusieurs spécialistes du marché pétrolier, cette sanction pourrait entraîner une hausse des prix à la pompe en Europe.

La Russie ne voit pas d'un bon œil les nouvelles sanctions de l'Union européenne sur son pétrole qui entreront en vigueur ce dimanche 5 février. Le brut russe transporté par voie maritime fait déjà l'objet d'un embargo depuis début décembre, couplé à un plafonnement du prix du pétrole russe à 60 dollars par baril. Deux moyens, selon les décideurs européens, de limiter les importantes ressources russes issues des hydrocarbures. D'après la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, présente à Kiev ce jeudi, cette limitation coûte « environ 160 millions d'euros par jour » à la Russie.

Cet embargo va s'étendre dès dimanche à l'achat de produits pétroliers raffinés russes, auquel s'ajoutera un plafonnement du prix de ces produits. Dans les faits, les cargaisons de kérosène, essence, bitume, fioul ou encore de diesel ne pourront plus rentrer dans l'espace européen.

Lire aussiA partir du 5 février, l'embargo sur le pétrole russe va mettre la pression sur le diesel

« Cela déséquilibrera davantage les marchés internationaux de l'énergie », a déclaré ce vendredi 3 février le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Il assure par ailleurs que la Russie « prenait des mesures pour couvrir (ses) intérêts contre les risques qui apparaissent ».

En représailles des premières mesures, Moscou a interdit depuis le 1er février la vente de son pétrole aux pays utilisant le prix plafond. Et en début de semaine, le gouvernement russe a interdit aux exportateurs nationaux de pétrole et aux organes de régulation de respecter les plafonds sur les prix imposés par les Occidentaux sur son brut russe.

Lire aussiQuel est l'intérêt d'imposer un plafond au prix du gaz qui ne s'appliquera pas ?

Un plafond qui a déjà porté ses fruits

Le plafond du pétrole russe mis en place par l'UE depuis début décembre a déjà impacté les revenus de la Russie. Selon les économistes du KSE Institute, un think tank basé à Kiev, le pays a représenté en décembre 2,1 milliards de dollars de revenus pétroliers en moins par rapport à la moyenne des revenus mensuels de 2021. « Nous anticipons un effondrement des revenus du pétrole et du gaz en 2023, ce qui va rendre la Russie vulnérable », estiment-ils. Ils soulignent par ailleurs que d'ores et déjà « le différentiel entre le Brent et l'Ural est passé de 20-30 dollars par baril à 35 dollars en décembre ». Avec cette décote que la Russie accorde à ses nouveaux clients (la Chine, l'Inde et la Turquie), le pays a perdu l'équivalent de 50 milliards de dollars en 2022.

Le nouveau plafond sur les produits pétroliers raffinés devrait pénaliser davantage la Russie. En effet, la Chine, l'Inde et la Turquie sont intéressés par les prix bradés du brut russe pour pouvoir le raffiner, car ces pays disposent d'importantes capacités pour le faire. Ils devraient donc être moins intéressés par les produits déjà raffinés par Moscou et, cette fois, ne pas se substituer aux clients européens. Seules solutions pour la Russie : consentir une décote très importante pour certains clients en Asie ou réduire l'activité de ses capacités de raffinage, ce qui la conduira à une nouvelle perte importante de revenus.

Lire aussiPlafonnement du prix du pétrole russe : la Commission européenne propose 100 dollars pour le baril de diesel

L'ombre d'une augmentation des prix à la pompe

Mais ce nouvel embargo ne sera pas sans conséquence pour les Vingt-Sept. Selon plusieurs spécialistes du marché pétrolier, l'embargo européen qui sera mis en place ce 5 février pourrait entraîner une hausse des prix à la pompe en Europe. Car les pays européens vont devoir rapidement trouver d'autres sources d'approvisionnement, sur un marché déjà en tension. Certains pays, ainsi que le Royaume-Uni, ont déjà commencé à se tourner ces derniers mois vers les États-Unis, mais aussi l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis pour anticiper cette baisse.

Reste que, malgré une forte diminution depuis près d'un an, plus d'un quart des importations de diesel par l'Europe venait toujours de Russie début 2023, selon des données de suivi des pétroliers dans le monde analysées par S&P Global. Ce qui représente un volume quotidien de près de 450.000 barils, selon cette entreprise spécialisée dans l'analyse financière et de données.

L'UE prépare encore de nouvelles sanctions

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé jeudi depuis Kiev que l'UE prévoyait de nouvelles sanctions contre la Russie à l'occasion de l'anniversaire de l'invasion de l'Ukraine. « D'ici au 24 février, exactement un an après le début de l'invasion, nous visons à mettre en place le dixième paquet de sanctions », a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

« Aujourd'hui, la Russie paie un lourd tribut car nos sanctions érodent son économie, la faisant reculer d'une génération », s'est-elle félicitée. Parmi la multitude de sanctions mises en place depuis un an par les Vingt-Sept, le plafonnement du prix du pétrole russe est l'une des plus marquantes.

(Avec AFP)