A partir du dimanche 5 février, il sera officiellement interdit aux pays de l'Union européenne d'importer de Russie des produits raffinés du pétrole (diesel, essence, mazout, kérosène...). S'inscrivant dans le programme des sanctions imposées par l'Europe, en rétorsion à l'envahissement russe de l'Ukraine, cette nouvelle interdiction vient après celle du charbon au début du mois d'août 2022 et celle du pétrole brut le 5 décembre 2022.
Cet embargo sera accompagné - comme cela fut le cas pour le pétrole brut - d'un autre mécanisme voulu par les Etats-Unis, l'UE et leurs alliés du G7, qui restreint les conditions d'exportation, notamment en imposant un prix plafond (60 dollars pour le baril de brut russe) et en obligeant les entreprises occidentales qui financent, assurent ou expédient des cargaisons maritimes de produits russes, à ne pouvoir le faire qu'en dessous de ce prix plafond.
Des modalités qui restent à définir
Même si des discussions ont eu lieu notamment entre le Trésor américain et la Commission européenne, les modalités ne sont pas encore fixées. Contrairement à un embargo strict généralisé, ce mécanisme vise à réduire les revenus de l'Etat russe tout en évitant une forte volatilité des prix internationaux par un retrait de l'offre pétrolière russe. Dans le cas du brut, il a été efficace, puisque le prix du baril de Brent évoluait autour de 86 dollars début décembre contre 88 dollars ce lundi. Et selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les revenus du pétrole pour la Russie étaient en baisse de 3 milliards de dollars en décembre par rapport à novembre, tombant à 12,6 milliards de dollars, son plus faible niveau mensuel depuis février 2021.
Néanmoins, les sanctions sur ces produits raffinés russes pourraient entraîner des perturbations plus importantes que pour le brut, la Russie étant le principal fournisseur de diesel aux pays européens. En effet, si Moscou ne trouve pas de débouchés à ses produits, son secteur du raffinage pourrait réduire son activité, et finalement entraîner une réduction de l'offre à l'échelle mondiale, synonyme de hausse des cours. « Les marchés des produits, spécialement le diesel, sont plus à risque juste au moment où la demande repart à la hausse », avertissait l'AIE, la semaine dernière (voir graphique).
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De son côté, Moscou a d'ores et déjà annoncé, comme elle l'avait fait pour le brut, que la Russie ne vendrait plus de produits raffinés aux pays qui appliquent les sanctions.
Sources alternatives
Du côté européen, on se veut rassurant. « Nous pensons avoir donné suffisamment de temps à nos marchés pour s'adapter et trouver des offres alternatives », affirmait, Kadri Simson, la commissaire européenne à l'Énergie, le 15 janvier. « Nous avons cartographié toutes ces sources alternatives. Nous pensons que nous sommes préparés, et, surtout, nous avons des réserves stratégiques qui nous donnent confiance », assurait-elle. Les 27 Etats membres de l'UE sont tenus de disposer de stocks de ces produits raffinés équivalents à au moins 60 jours de consommation.
Ils ont d'ailleurs rempli leurs stocks de diesel russe. En décembre, « les exportations russes de diesel ont bondi à un niveau record de 1,2 million de barils par jour (mb/j), dont 720.000 barils par jour étaient destinés à l'Union européenne », soit 60 %, souligne l'AIE, dans son rapport mensuel sur le pétrole. Pour remplacer ce volume, l'Union européenne peut se tourner vers d'autres pays. « Une récente offre de nouvelles capacités du Moyen Orient et de la Chine apportera un soulagement bienvenu. Du diesel chinois est déjà en train d'arriver en Europe, après que Pékin ait augmenté le quota d'exportation l'année dernière », indique l'AIE. Le Koweït a déjà multiplié par cinq ses exportations de diesel vers l'Europe, qui étaient, il est vrai, assez faibles (50.000 b/j). En 2022, outre la Russie, l'Union européenne importait quelque 200.000 b/j de la seule Arabie saoudite et un volume équivalent d'autres pays du Golfe et de l'Afrique. Par ailleurs, quelque 340.000 b/j provenaient de pays asiatiques non OCDE, principalement l'Inde et la Chine, selon les données de l'AIE.
« On risque surtout d'importer du diesel de Chine et d'Inde raffiné à partir de brut russe », ironise une source au sein de l'industrie pétrolière, pour qui « l'inconnue est de savoir si le marché a déjà intégré cette nouvelle donne ». En effet, autant des pays comme l'Inde, la Chine ou certains pays africains sont intéressés par l'achat de brut russe décoté, autant ils le sont moins pour acheter directement des produits raffinés car ils disposent eux-mêmes d'importantes capacités de raffinage. « Il n'est pas impossible de voir en France le prix du litre de diesel dépasser les 2 euros à la pompe en février », avertit cette source. Ces derniers jours, il est en moyenne de 1,90 euro en France.
La pression de Volodymyr Zelensky
In fine, tout dépendra du niveau du plafond qui sera fixé pour chacun des produits raffinés. Il faut qu'il soit suffisamment haut pour inciter la Russie à continuer à exporter mais suffisamment bas pour réduire véritablement les revenus pour la Russie. Pour le brut, certains pays comme la Pologne avaient demandé un plafond du prix du baril de brut russe à 30 dollars, avant de l'accepter à 60 dollars, à condition que le prix soit à nouveau discuté selon l'évolution du marché. Un plafond que le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait également jugé trop élevé pour avoir un réel impact sur les revenus russes permettant à Moscou de poursuivre son effort de guerre.