Le rapport du GIEC, "avertissement le plus sévère jamais lancé" à l'Humanité dixit Alok Sharma

Par latribune.fr  |   |  1183  mots
Photo d'illustration : le secrétaire britannique aux Affaires, Alok Sharma, assiste à une conférence de presse virtuelle, au milieu de l'épidémie de Covid-19, au 10 Downing Street, à Londres, en Grande-Bretagne, le 12 novembre 2020. (Crédits : Leon Neal / Pool / via Reuters)
"La maison brûle", au sens littéral du terme. Avec la multiplication des incendies en Méditerranée (Grèce, Turquie...), les effets du réchauffement climatique deviennent de plus en plus tangibles pour tous: la COP26 sera notre dernière chance, alerte son président qui souligne l'importance cruciale du dernier rapport du GIEC (qui sort demain lundi). Mais les ONG environnementales soulignent le risque de perte de crédibilité d'un président de la COP26 qui est aussi le ministre britannique qui vient d'autoriser de nouvelles explorations de gisements de gaz et de pétrole au Royaume-Uni...

"Nous sommes au bord de la catastrophe" a averti dans un entretien à The Observer le président de la COP26, Alok Sharma, qui décrit le rapport du GIEC (le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat de l'ONU), attendu lundi, comme "l'avertissement le plus sévère jamais lancé" à l'Humanité sur sa responsabilité dans le réchauffement de la planète.

"Il s'agira de l'avertissement le plus sévère jamais lancé sur le fait que le comportement humain accélère de manière alarmante le réchauffement climatique", a déclaré le ministre britannique dans une interview au journal The Observer,édition dominicale du Guardian, insistant sur le caractère décisif de la grande conférence climat prévue en novembre à Glasgow.

Il y a urgence, insiste-t-il:

"Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre deux ans, cinq ans, 10 ans", a-t-il poursuivi, estimant qu'il est encore temps, mais "nous nous rapprochons dangereusement du moment" où ce sera trop tard.

Un échec de la COP26 serait "catastrophique"

Le rapport du Giec "va être un signal d'alarme pour tous ceux qui n'ont pas encore compris pourquoi la prochaine décennie doit être absolument décisive en termes d'action pour le climat", insiste Alok Sharma, qui ajoute que "nous allons également comprendre très clairement que l'activité humaine est à l'origine du changement climatique à un rythme alarmant".

Un échec de la COP26 serait "catastrophique, il n'y a pas d'autre mot", estime le Britannique, qui souligne que "l'année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée, la dernière décennie a été la plus chaude jamais enregistrée".

Les conséquences du réchauffement climatique sont déjà évidentes, a-t-il poursuivi citant les inondations en Europe et en Chine, "les incendies de forêt, les températures record que nous avons vues en Amérique du Nord".

|Lire: Inondations meurtrières en Europe : un électrochoc pour accélérer la lutte contre le changement climatique ?

"Chaque jour, on verra un nouveau record enregistré d'une manière ou d'une autre dans le monde", a-t-il ajouté.

Le rapport du GIEC décrit l'impuissance face aux chaleurs extrêmes

Cette version préliminaire du rapport, que certains dont l'AFP ont pu consulter, conclut que seul un réchauffement mondial maintenu nettement sous les 2°C - l'objectif de l'Accord de Paris - "permettrait de maintenir les agglomérations côtières, les sites du patrimoine culturel, les écosystèmes terrestres et marins dans un état viable dans la plupart des zones du bassin" méditerranéen.

La Méditerranée, sans être la région du monde qui souffrira le plus des hausses de températures, est, avec ses 500 millions d'habitants, qualifiée de "point chaud du changement climatique" par ce rapport.

Friederike Otto, de l'université d'Oxford, interrogée par  l'AFP explique notamment comment le réchauffement du climat augmente la probabilité des canicules et des sécheresses et par ricochet, des incendies. "Les canicules sont le type d'événements climatiques extrêmes pour lesquels le changement climatique change vraiment les règles du jeu", explique-t-elle. Les chaleurs extrêmes sont la plus grande menace pour la Méditerranée car "de loin les événements (climatiques) extrêmes les plus mortels en Europe", poursuit-elle.

Selon le brouillon du Giec, jusqu'à 93 millions de personnes supplémentaires pourraient être confrontées à des canicules sur la rive nord de la Méditerranée d'ici 2050.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le risque pour les personnes âgées de mourir de fortes chaleurs pourrait être multiplié entre 3 et 30 d'ici à 2100 et les morts pourraient se monter à 20.000 par an en Méditerranée septentrionale d'ici 2050.

Les gouvernements peuvent agir face à certaines menaces comme les incendies ou les inondations. Avec la chaleur, c'est différent, avertit Ilan Kelman, de l'université UCL (University College London). "Le changement climatique nous emmène à des niveaux où ne pouvons pas survivre."

"La seule option pour survivre est la climatisation 24h/24, sept jours sur sept et les gens ne peuvent pas se le permettre. Il va y avoir des coupures de courant."

| Lire: L'humanité peut-elle encore enrayer le dérèglement climatique ?

Pertes de crédibilité d'Alok Sharma et message brouillé du Royaume-Uni

Les ONG environnementales ont néanmoins averti que le Royaume-Uni risquait de perdre toute crédibilité sur la scène mondiale au moment crucial où il accueille sur son sol la COP26.

En effet, l'exécutif britannique, et notamment Alok Sharma, a défendu le projet controversé du Royaume-Uni d'autoriser de nouvelles explorations de gisements de gaz et de pétrole, alors que l'Agence internationale de l'énergie a averti en mai que le monde devrait renoncer dès à présent à tout nouveau projet pétrolier ou gazier s'il veut encore pouvoir limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Les ONG, Greenpeace notamment, ont fustigé le soutien du gouvernement britannique au nouveau champ pétrolifère de Cambo (près des îles Shetland), tandis que d'autres nouvelles licences d'exploration en mer du Nord ont été ouvertes plus tôt cette année et qu'une nouvelle mine de charbon potentielle en Cumbrie n'a pas été exclue.

L'industrie avait salué l'accord du North Sea Transition Deal, affirmant qu'il sécurise les approvisionnements énergétiques et les emplois, mais il a rapidement été critiqué par les ONG environnementales, qui ont souligné par comparaison les décisions prises par le Danemark et l'Irlande de mettre fin aux nouvelles licences de forage.

Mel Evans, responsable de la campagne pétrolière de Greenpeace UK, a déclaré :

« Bien que le gouvernement ait reconnu à juste titre la nécessité de donner l'exemple à l'échelle mondiale en mettant fin au financement des combustibles fossiles à l'étranger, ses plans nationaux pour le pétrole et le gaz continuent d'échouer terriblement, donnant des messages mitigés sur la scène mondiale."

Le Dr Jonathan Marshall, chef analyste à l'Energy and Climate Intelligence Unit (ECIU), a déclaré que l'absence d'une date de fin pour l'extraction des combustibles fossiles de la mer du Nord est une « omission flagrante ».

"Le Royaume-Uni accueillant pour la première fois le sommet des Nations Unies sur le climat cette année, le moment est certainement venu d'agir audacieusement pour mettre fin à notre dépendance aux combustibles fossiles", a-t-il conclu.

Mais Alok Sharma a également été épinglé dans la presse britannique et par l'opposition pour s'être rendu en avion dans 30 pays en sept mois - comme si la visioconférence n'existait pas, ont critiqué nombre de commentateurs. Au passage, on apprend que certains de ces pays sont classés en rouge par le Royaume-Uni en raison de leur situation sanitaire due au coronavirus, mais qu'il a bénéficié d'une exemption ministérielle pour éviter la quarantaine à chaque retour - attitude jugée "totalement irresponsable" par la députée LibDem, Christine Jardine. Alok Sharma s'est justifié en insistant sur le caractère essentiel et décisif des rencontres en personne dans de telles négociations.

|Lire: Alok Sharma is trying to save the world. Should he be able to fly to do it?

(avec AFP)