L’humanité peut-elle encore enrayer le dérèglement climatique ?

Quelques jours avant la publication d’un résumé technique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui tombe au milieu d’une avalanche de catastrophes naturelles survenant dans plusieurs pays, les inquiétudes se multiplient. Car, alors que la température de la planète a déjà gagné plus de 1°C depuis l’ère pré-industrielle, les effets du dérèglement climatique semblent d’ores et déjà inévitables.
Marine Godelier
Dôme de chaleur et canicules, inondations et incendies: l'été boréal a été marqué par des catastrophes naturelles en cascade, dont l'ampleur et la fréquence pourraient avoir été aggravées par le réchauffement climatique, selon les climatologues. (Photo d'illustration: le 17 juillet dernier, après les pluies diluviennes qui se sont abattues sur l'Allemagne, des soldats de la Bundeswehr participent aux opérations de secours, ici à Erftstadt-Blessem)
Dôme de chaleur et canicules, inondations et incendies: l'été boréal a été marqué par des catastrophes naturelles en cascade, dont l'ampleur et la fréquence pourraient avoir été aggravées par le réchauffement climatique, selon les climatologues. (Photo d'illustration: le 17 juillet dernier, après les pluies diluviennes qui se sont abattues sur l'Allemagne, des soldats de la Bundeswehr participent aux opérations de secours, ici à Erftstadt-Blessem) (Crédits : THILO SCHMUELGEN)

Décembre 2015. Quelque 200 dirigeants issus des quatre coins du globe se réunissent à Paris, dans le cadre de la COP21, pour signer un accord historique - chacun s'engageant à participer à limiter le réchauffement de la planète à un niveau « bien en deçà » de 2°C, si possible à 1,5°C, d'ici à la fin du siècle par rapport au niveau pré-industriel. Ambitieux, l'objectif doit permettre de contrer les effets désastreux du dérèglement climatique à venir, vu comme synonyme de cataclysmes futurs. Pour cause, à l'époque, un rapport pour le moins inquiétant est dans toutes les têtes : celui du Giec, le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat de l'ONU, publié un an plus tôt.

« Celui-ci expliquait qu'il y aurait une très grosse différence d'impact entre +1,5°C et +2°C, cette dernière hypothèse entraînant des conséquences sans commune mesure, avec des phénomènes irréversibles mettant en danger l'humanité », explique Jérôme Boutang, directeur du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa).

Six ans et une sortie provisoire des États-Unis plus tard, l'accord de Paris reste sur le devant de la scène. Car les effets longtemps anticipés de l'augmentation des températures semblent se faire déjà sentir, faisant fi de la prise de conscience des États: tandis que les six années depuis sa signature ont été les plus chaudes jamais enregistrées, la multiplication des catastrophes naturelles fait désormais la une des journaux, entre précipitations exceptionnelles en Chine et en Allemagne et chaleur hors norme au Canada.

Dans ce nouveau contexte, le Giec est plus que jamais attendu au tournant : son « résumé pour décideurs », dont la publication est prévue le 9 août prochain, doit mettre à jour l'évaluation et les prévisions climatiques, sept ans après son dernier rapport et trois mois seulement avant la COP26. Et devrait permettre de répondre à une question essentielle : peut-on encore inverser la tendance, ou est-ce déjà trop tard ?

40% de chance d'atteindre +1,5°C d'ici à 2025

Car certains doutent que le défi puisse encore être relevé, alors que la planète s'est déjà réchauffée d'environ 1,1°C, et que chaque fraction de degré en plus apporte son lot d'événements extrêmes supplémentaires. Une fuite d'un document du Giec médiatisée en juin dernier, donne en effet le ton : il y dresse un tableau apocalyptique de l'humanité, à l'aube de retombées cataclysmiques, entre famines, inondations et exodes massifs - et ce, avant même 2050. Pour y échapper, la rengaine est la même : il faut à tout prix ne pas franchir le seuil fatidique de +1,5°C, y martèlent les experts.

Lire aussi 6 mnFamines, catastrophes naturelles, exodes : "le pire est à venir", alerte le GIEC

Mais pour ce faire, les moyens requis seraient gigantesques : concrètement, il faudrait réduire chaque année les émissions de 7,6% en moyenne entre 2020 et 2030, estime l'ONU. Or, dans les faits, ces émissions ont augmenté de 1,5% par an sur les dix dernières années, pour atteindre un record en 2019 de +2,6% par rapport à 2018. Et la chute observée en 2020, davantage liée à la pandémie du Covid-19 et à la mise à l'arrêt de l'économie mondiale qu'à une prise de conscience brutale, devrait laisser place à un rebond : tandis que les plans de relance ont investi six fois plus dans les énergies fossiles que dans les renouvelables, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prédit des « émissions record » d'ici à 2023.

De quoi pousser l'Organisation météorologique mondiale, sous l'égide de l'ONU, à tirer la sonnette d'alarme : non seulement le seuil de +1,5°C risque d'être atteint avant la fin du siècle, mais il pourrait même l'être d'ici à 2025, a-t-elle prévenu fin mai dernier. Plus précisément, il y a 40% de probabilité pour que cette température moyenne soit dépassée au moins une fois dans les quatre prochaines années, sous les effets du changement climatique. Rendant l'objectif à 2100 de l'accord de Paris « hypothétique », voire « problématique », note Jérôme Boutang.

« Il faut attendre les conclusions du Giec pour y voir un peu plus clair, mais c'est préoccupant. Le Covid nous a fait gagner deux ou trois ans de réflexion, grâce à des émissions évitées contre notre gré. Mais on ne pourra pas le répliquer en 2021 », avance-t-il.

Surtout que, dans certaines régions du globe, cette hausse des températures a déjà été atteinte, même temporairement... y compris en France. « En région Méditerranée, les températures annuelles moyennes sont aujourd'hui environ 1,5°C au-dessus des moyennes avant la révolution industrielle, et supérieures aux tendances mondiales en matière de réchauffement », alertait en 2018 le Mediterranean Experts on Climate and Environmental Change (MedECC). Un constat d'autant plus inquiétant que le bassin méditerranéen apparaît particulièrement vulnérable face aux effets du changement climatique, qui menacent la biodiversité locale, et augmentent le niveau de la mer.

Engagements insuffisants

Pourtant, face à cette perspective funeste, les pays ne sont pas restés les bras croisés: dans le monde entier, ils ont « enregistré des progrès gigantesques » ces dernières années, affirme Jerôme Boutang. Alors que l'Europe, qui vise « zéro émission » à l'horizon 2050, s'est doté d'un tentaculaire plan climat, la Chine, premier investisseur dans les énergies renouvelables, a mis en avant la neutralité carbone pour 2060. Des engagements égrenés par les dirigeants lors du sommet international virtuel sur le climat, organisé par Joe Biden en avril dernier et signant le « retour » de l'Amérique dans la lutte contre le dérèglement climatique, après la sortie de Trump de l'accord de Paris. Mais insuffisants pour freiner le train des émissions, lancé à toute vitesse ? À la suite des annonces de chacun d'entre eux, l'instance indépendante Climate Action Tracker a ramené ses projections de réchauffement (si et seulement si toutes ces politiques climat étaient effectivement mises en oeuvre) de +2,6°C... à +2,4°C.

Lire aussi 6 mnClimat : Les dirigeants affichent leurs ambitions au sommet mondial de Biden

« Cela est beaucoup moins élevé que les modélisations de fin 2015 qui tablaient sur un cumul d'environ 4°C. Mais on reste loin de l'objectif de rester "bien en-deçà" de +2°C. Et ce, pour plusieurs raisons : l'accord politique a précédé les actions, les acteurs économiques et les États ont eu du mal à se mettre en route afin de se coordonner, et ils peinent à bénéficier d'une expertise suffisante pour changer la donne », commente Jérôme Boutang.

D'autant que, selon l'ONU, la plupart des États ne font en réalité pas preuve de volontarisme: seulement un peu plus de la moitié (110) des pays signataires de l'accord de Paris ont soumis à l'organisation leurs nouveaux engagements climatiques au 31 juillet, sans la Chine, l'Inde ou l'Afrique du Sud, s'était inquiété samedi dernier la responsable climat de l'ONU, Patricia Espinosa. C'était pourtant la date butoir, déjà repoussée à cause du Covid, afin d'être pris en compte dans l'évaluation globale publiée avant la COP26 de novembre.

Marine Godelier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 32
à écrit le 08/08/2021 à 13:32
Signaler
La bonne question à se poser est : l'humanité peut-elle encore enrayer l'idéologie mortifère du réchauffement climatique anthropique, qui ne repose que sur de la pseudo-science, et les médias peuvent-ils cesser de la diffuser ?

à écrit le 07/08/2021 à 9:22
Signaler
L’accord de Paris est en fait un non-accord, présenté comme une victoire par la rouerie fabiusienne. En effet, la somme des déclarations d’émissions de CO2 indiquait une augmentation des émissions au moins jusqu’en 2050, les PED ayant besoin d’une él...

à écrit le 06/08/2021 à 11:05
Signaler
« les six années depuis sa signature ont été les plus chaudes jamais enregistrées » Voici comment la propagande leurre les citoyens avec cette présentation manipulatoire dont le but est de faire croire à la poursuite du réchauffement, alors que, sel...

à écrit le 06/08/2021 à 11:03
Signaler
Pour enrayer un dérèglement climatique, ce qui suppose qu’il y aurait un « bon climat de référence » qui aurait perdu la boule, encore faudrait-il qu’il y en ait un. Il suffit de lire (ou de relire) les travaux de Leroy-Ladurie sur le climat en Franc...

à écrit le 05/08/2021 à 10:47
Signaler
Si nous en supprimons les "causes" au lieu d'en gérer en permanence les "conséquences" pour des rentier! Nous aurons peut être de la chance!

à écrit le 05/08/2021 à 7:41
Signaler
Remplacer depuis plus de 100 ans le pétrole par de l’eau sous la terre , c’est sur que c’est très nature «  comme procédé ! La nature se déchaîne et ce n’est pas finit ! Construire des baies artificiels en retraçant les bords de mers … L’homme a t...

à écrit le 04/08/2021 à 16:34
Signaler
Le problème de ne pas être précis c'est que l'on s'expose à tous les trolls et leur mauvaise foi caractérisée, le réchauffement climatique tandis que 80% des insectes ont été anéanti, tandis que 60% des espèces vivantes ont été massacrées, tandis la ...

à écrit le 04/08/2021 à 14:30
Signaler
« Les six années depuis sa signature ont été les plus chaudes jamais enregistrées » Voici comment la propagande leurre les citoyens avec cette présentation manipulatoire dont le but est de faire croire à la poursuite du réchauffement, alors que, sel...

à écrit le 04/08/2021 à 14:23
Signaler
la nature s'autorégule et la bestiole humaine est impuissante

à écrit le 04/08/2021 à 10:33
Signaler
Oui c'est possible en maitrisant les naissances, le reste c'est du baratin d'écolos !

le 04/08/2021 à 16:25
Signaler
Tu vas tuer tous les gens donc ? Ce genre d'idées a toujours mal tourné dans l'histoire. Mais que pour toi ton petit confort personnel vaut plus que la vie de 8 milliards d'humains c'est pas étonnant hein maintenant de ce fait ton avis ne vaut rien.

le 04/08/2021 à 20:32
Signaler
@citoyen blasé Vous faites semblant de ne pas comprendre!

le 05/08/2021 à 13:39
Signaler
@ multipseudos: "@citoyen blasé Vous faites semblant de ne pas comprendre!" NOn non je te garantie ta vie ne vaut pas celle de 8 milliards d'humains aussi riche soit tu ! C'est mathématiques pense à internet et son fonctionnement "peer to peer". ...

à écrit le 04/08/2021 à 10:05
Signaler
Pour enrayer un dérèglement climatique, ce qui suppose qu’il y aurait un « bon climat de référence » qui aurait perdu la boule, encore faudrait-il qu’il y en ait un. Il suffit de lire (ou de relire) les travaux de Leroy-Ladurie sur le climat en Franc...

le 04/08/2021 à 11:30
Signaler
@ Bardinet : Merci et bien d'accord avec vous : toute cette littérature écolo bidon pour constater (avec effroi, comme il se doit) que le climat change, alors qu'i n'a jamais cessé de changer. La seule chose dont on puisse être sûr en matière de met...

à écrit le 04/08/2021 à 8:15
Signaler
Et pourtant, David Vincent, C G B Spender, Alex Krycek, Fox Mulder et Dana Scully nous ont déjà alerté. En réalité, l'humanité va être remplacée par une autre civilisation, qui est en train d'adapter le climat de la planète en vue de sa colonisatio...

à écrit le 04/08/2021 à 7:43
Signaler
Une prophétie pour aujourd'hui et demain : APOCALYPSE - Isaac Newton a prophétisé la fin du monde pour 2060.

à écrit le 04/08/2021 à 5:16
Signaler
L'intervention de l'homme sur le climat. Vaste foutage de gueule. La nature se regule sans l'humain et c'est heureux. Tout ce que touche l'homme sera pollue.

à écrit le 03/08/2021 à 21:22
Signaler
Il n'y a aucun problème pour ramener le réchauffement climatique à pratiquement rien. Par contre ceci entraînera de tels changements et perturbations macro économiques que beaucoup ne veulent pas en entendre parler. Imaginez ce qui va se passer si le...

à écrit le 03/08/2021 à 19:27
Signaler
Le climat suivrait des règles mais lesquels? Il y a une norme ISO pour cela?

le 03/08/2021 à 20:06
Signaler
Face à un problème, dont les causes sont incertaines, il est au moins possible de prévoir les conséquences et de s'en prémunir : moins de terres arables et de terrain constructible impose à minima moins de population, des inondations et de la séchere...

à écrit le 03/08/2021 à 19:15
Signaler
Et la réponse est : NON. Ce qui implique que c'est individuellement qu'il faut se préparer à l'évolution du climat.

à écrit le 03/08/2021 à 19:04
Signaler
Non, l'homme étant ce qu'il est, le profit demeurera la priorité.

à écrit le 03/08/2021 à 18:13
Signaler
Non mais elle peut réduire la pollution, la surconsommation des matières premières, les guerres, et régulier dans certaines zones la démographie.

à écrit le 03/08/2021 à 17:38
Signaler
Et vous n'avez pas encore tout vu.

à écrit le 03/08/2021 à 17:29
Signaler
Cela fait combien de temps que le Cub de Rome a alerté la population ? 1972, cela fait 50 ans et personne n'a réagi, René Dumond en a fait la pub aux élections en 1974 et il a juste donné l'idée à des petits malins qui ont senti la fin de la gauche d...

à écrit le 03/08/2021 à 16:55
Signaler
Il va falloir changer les habitudes et devenir des amish s, au grand déplaisir du grand "start-up peur" national !

à écrit le 03/08/2021 à 16:05
Signaler
Hum, et sinon la dernière fois que le climat était réglé, c'était quand ?

le 03/08/2021 à 16:33
Signaler
Heu... hiver printemps été automne, ça te dit rien ? Tu fais partie des extraterrestres ? Ben la vache vous avez vachement merdé les gars hein ! ^^

à écrit le 03/08/2021 à 15:40
Signaler
Il faut inverser la question, le dérèglement climatique va t il enfin enrayer l'humanité

à écrit le 03/08/2021 à 15:24
Signaler
Le dérèglement climatique, il fallait y penser en 1972, lorsque le Club de Rome du MIT avait publié son rapport, "Les limites à la croissance" (The limits to growth). Maintenant, il est bien trop tard pour réagir, et surtout, l'absence de réaction lo...

à écrit le 03/08/2021 à 15:16
Signaler
Quand je pense qu'on le savait depuis au moins trente ans vu que je l'ai appris à l'école, c'est incoyable d'ailleurs et les propriétaires des outils de productions et de capitaux n'ont strictement rien fait, une information en soi exposant qu'ils s'...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.