
Les inondations qui ont causé la mort d'au moins 187 personnes en Allemagne et en Belgique, selon un dernier bilan qui ne cesse de s'alourdir de jour en jour, vont-elles contribuer à accélérer la lutte contre le changement climatique ? C'est l'un des scénarios que l'on peut espérer.
Angela Merkel, venue constater ce dimanche 18 juillet les dégâts causés par les inondations meurtrières dans l'ouest de l'Allemagne a appelé à accélérer la lutte contre le changement climatique, constatant que les dommages causés par les phénomènes météorologiques extrêmes sont "plus importants que dans le passé".
"Nous devons être plus rapides"
"Nous devons nous dépêcher, nous devons être plus rapides dans la lutte contre le changement climatique", a estimé la chancelière lors d'un échange avec la presse et les habitants, après avoir arpenté le village dévasté de Schuld.
"C"est terrifiant", a-t-elle également dit à des habitants de la petite ville d'Adenau dans le Land de Rhénanie-Palatinat. "La langue allemande n'a presque pas les mots pour décrire la dévastation qui a eu lieu".
L'ouest de l'Allemagne a subi ce qu'on appelle le phénomène de la "goutte froide". "Des masses d'air, chargées de beaucoup d'eau, ont été bloquées en altitude par des températures froides, qui les ont fait stagner pendant quatre jours sur la région", a expliqué à l'AFP Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC, le groupe d'experts climat de l'ONU. Résultat: des précipitations intenses, entre le 14 et le 15 juillet, qui ont atteint "100 et 150 millimètres" soit l'équivalent de deux mois de pluies, selon l'Organisation météorologique mondiale.
Quel rôle des émissions humaines ?
Si ce phénomène est connu, son intensité et son ampleur ont choqué les climatologues, qui ne s'attendaient pas à ce que des records soient battus à ce point, sur une zone aussi étendue et aussi rapidement, ramenant indéniablement sur la table la question du lien entre ces inondations inédites et le réchauffement climatique. Toutefois, ces mêmes scientifiques ont indiqué qu'il faudrait plusieurs semaines pour analyser son rôle dans les averses qui ont touché la région sans discontinuer.
"Pour le moment, on ne peut pas dire avec certitude que cet événement est lié au dérèglement climatique", mais de tels phénomènes extrêmes deviennent "plus fréquents et plus probables" à cause du réchauffement, estime Kai Schröter, hydrologue à l'Université de Postdam, interrogé par l'AFP.
La hausse de la température de la planète augmente mécaniquement l'évaporation de l'eau des océans et rivières, ce qui apporte des "masses d'eau plus importantes dans l'atmosphère". Ce phénomène peut accroître le risque de précipitations intenses et violentes, précise le chercheur.
Multiplication des événements extrêmes
Même si les scientifiques auront besoin de plus de temps pour évaluer dans quelle mesure les émissions de gaz à effet de serre ont rendu ces inondations records plus probables, ces dernières s'inscrivent dans des tendances mondiales plus générales. La catastrophe qui a touché l'Allemagne et la Belgique intervient ainsi seulement deux semaines après qu'une canicule meurtrière ait frappé les Etats-Unis et le Canada, avec des températures dépassant les 49,6 °C.
"Alors que la température moyenne du globe n'a augmenté 'que' de 1,2 degré, nous assistons déjà à une intensification de phénomène extrêmes, le cycle de l'eau est perturbé, des canicules, des incendies, et des inondations ont fait des centaines de morts, détruits des quartiers, des villages, déplacé 30 millions de personnes sur la planète rien que cette année. Veut on voir ça tous les ans ? Veut on voir ce que ça donnera à +2, +3 ou +4 ? Ça fait 40 ans que les cris d'alarmes ont été lancés, ça suffit" s'est indigné sur Instagram le réalisateur militant Cyril Dion.
L'ampleur de ces événements et les questions qu'ils suscitent ne peuvent que rappeler l'urgence d'agir. Urgence que soulignait récemment un projet de rapport du Giec, que s'est procuré l'AFP quelques jours seulement après que le Haut conseil pour le climat (HCC) alertait sur le fait que la France ne se préparait pas assez au choc climatique.
L'urgence d'agir et de s'adapter
"Les impacts d'un climat qui change se font déjà sentir. Deux tiers de la population française est déjà fortement ou très fortement exposée au risque climatique. Nous devons être proactifs dans notre réponse à l'adaptation", avait alerté Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat (HCC), lors de la présentation de son troisième rapport annuel.
Pour la première fois, ce document consacrait un chapitre entier aux enjeux de l'adaptation, grande oubliée des politiques climatiques davantage concentrées sur les questions de diminution des gaz responsables du réchauffement de l'atmosphère.
Des engagements politiques forts pour la lutte contre le changement climatique sont attendus d'ici la fin de l'année à l'occasion de la COP26, qui doit se tenir en novembre à Glasgow. A quelques mois de cet événement majeur, marqué par le retour des Etats-Unis dans les négociations, Bruxelles a présenté, le 14 juillet dernier, un paquet législatif explosif pour mettre en musique son Green Deal. Objectif : parvenir à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'Union européenne d'ici à 2030.
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