Retenues d'eau pour l'agriculture : des milliers de personnes manifestent contre les "bassines" dans les Deux-Sèvres

Par latribune.fr  |   |  646  mots
(Crédits : Abaca Press via Reuters)
Malgré l'interdiction de manifestation de la préfecture des Deux-Sèvres, le risque d'écoper d'une amende de 135 euros et la forte mobilisation des gendarmes, plusieurs milliers de personnes sont attendues ce week-end sur la plaine de Sainte-Soline pour crier leur opposition à la construction d'une réserve d'eau, autrement appelée « bassine ». Cette retenue permet de stocker l'équivalent de 260 piscines olympiques. Destinée à l'irrigation agricole, elle se trouve au cœur d'une bataille pour l'accès à l'eau dans le Marais poitevin.

MAJ : article publié à 10h19, le 29/10/22, mis à jour à 14h36.

Dans le Marais poitevin, et plus précisément dans la plaine de Sainte-Soline, des milliers de manifestants entendent braver ce samedi 29 octobre l'interdiction de la préfecture des Deux-Sèvres pour crier leur opposition aux méga bassines, près du chantier d'une nouvelle réserve d'eau destinée à l'irrigation agricole.

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Alors que la France connaît une sécheresse historique, quelque 10.000 personnes sont attendues selon le collectif « Bassines Non Merci », qui rassemble des associations environnementales, organisations syndicales et groupes anticapitalistes opposés à cet «accaparement de l'eau » destiné à l' «agro-industrie». Un campement a même été installé depuis mardi dans un camp monté sur le champ prêté par un paysan, à proximité du chantier.

Selon l'AFP, vers 14h00, quelque 4.000 manifestants, répartis en trois cortèges, se sont très vite heurtés aux 1.500 gendarmes déployés pour protéger le chantier. Des gaz lacrymogènes ont été lancés. L'objectif des organisateurs? «Réussir à atteindre la bassine, à enlever toutes les grilles qui protègent le chantier, à reboucher le début du trou, empêcher la reprise des travaux», explique un tract diffusé sur place.

L'eau, une ressource qui se raréfie

La préfète des Deux-Sèvres Emmanuelle Dubée a, elle, évoqué vendredi aux alentours de «5.000» manifestants attendus à partir de 10h00 dans ce village d'environ 350 habitants devenu le nouvel épicentre d'un conflit sur l'usage de cette ressource qui se raréfie avec le réchauffement climatique.

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Les opposants aux réserves d'eau, qui ont prévu des événements sur place tout le week-end, ont intenté un référé contre ces arrêtés, rejeté vendredi par le tribunal administratif de Poitiers. Les participants à cette manifestation encourent une amende de 135 euros, a rappelé le tribunal.

Ces bassines sont des cratères à ciel ouvert, recouverts d'une immense bâche en plastique, pompent l'eau des nappes phréatiques superficielles l'hiver pour en stocker jusqu'à 650.000 m3 (soit 260 piscines olympiques), avant de la restituer pour l'irrigation l'été, quand les précipitations se raréfient. A l'heure où se pose, de manière de plus en plus accrue, la question de l'accès à l'eau, ces retenues visent ainsi à faciliter le captage et l'utilisation des eaux de pluie par les agriculteurs pour qu'ils puissent arroser leurs terres en période de sécheresse, et ainsi irriguer les grandes cultures.

Tensions entre le monde agricole et les défenseurs de l'environnement

De tels projets se multiplient dans l'Hexagone, mais les tensions entre le monde agricole et les défenseurs de l'environnement se cristallisent dans les Deux-Sèvres, deuxième zone humide de France en superficie. Dans le sud de ce département, un projet de création de 16 bassines a été lancé.

Les associations environnementales estiment que ces réserves d'eau constituent un « accaparement » de l'eau et dénoncent l'impact écologique de ces mégastructures qui captent les ressources des nappes phréatiques.

 « Les bassines ne concernent qu'une minorité d'agriculteurs, ceux qui sont sur un modèle d'un certain âge. Principalement des cultures de maïs destinées à l'alimentation du bétail et à l'exportation. Et non des productions maraîchères qui vont servir à l'alimentation du bassin de vie local. Résultat : 10 % d'agriculteurs vont avoir un accès privilégié à l'eau et priver d'un bien commun les 90 % restants », détaille Christine Graval, conseillère régionale écologiste de Nouvelle-Aquitaine, citée en juin dernier par La Tribune.

Les opposants aux bassines prônent d'autres leviers à développer en priorité : agro-écologie, changement de cultures, retour des prairies, avant de construire éventuellement des réserves d'eau, et qui soient plus petites.

(Avec AFP)