Canicules intenses, gigantesques feux de forêt, rivières asséchées, orages violents...les vacances de l'été 2022 ont viré au cauchemar pour un grand nombre de Français. En quelques semaines, de nombreux événements météorologiques liés au dérèglement climatique ont frappé les esprits. L'ensemble du territoire a connu des températures anormalement élevées depuis le mois de juin et une grande partie des départements ont été placés en situation de crise.
Les relevés de Météo France témoignent de sécheresses et de canicules plus intenses et plus fréquentes depuis au moins un demi-siècle. « La vague de chaleur de 2022 aurait été exceptionnelle au cours du 20ème siècle, elle ne l'est plus aujourd'hui. Nous avons des événements d'amplitude comparable en juin en 2011, 2017, 2019, et très peu avant. Il faut craindre que ce type d'événement se multiplie dans les décennies à venir en France. Par ailleurs, les extrêmes climatiques de différentes natures se multiplient aussi dans le monde, dans des pays dont l'économie est très vulnérable », a déclaré le chercheur et directeur de l'institut Simon Laplace Robert Vautard.
Selon les météorologues, le mois de juillet 2022 marqué par un déficit record de précipitations est devenu le mois de juillet le plus sec depuis 1959. « Les vagues de chaleur sont de plus en plus précoces, longues, plus intenses et étendues sur le plan géographique. En juin dernier, les vagues de chaleur ont été précoces à un moment où la durée du jour était très longue », a expliqué Olivier Chanel, chercheur au CNRS interrogé par La Tribune. Dans ce contexte brûlant, ces épisodes de fortes chaleurs vont mécaniquement avoir des répercussions économiques et sociales considérables en France et dans le monde.
37 milliards d'euros, le coût immense des conséquences sanitaires en France entre 2015 et 2020
En France, la multiplication des épisodes de canicule ces dernières années a eu des répercussions particulièrement néfastes sur la santé de la population. Dans une récente étude, l'agence Santé Publique France a tenté de proposer une estimation monétaire de l'impact sanitaire des épisodes de canicule entre 2015 et 2020. « D'un point de vue économique, il s'agit de distinguer les coûts directs et indirects. Parmi les coûts directs, on peut citer les effets liés à la consommation d'activité médicale comme la durée d'hospitalisation, le passage aux urgences, les consultations de SOS médecin. Concernant les coûts indirects, les épisodes de canicule peuvent amplifier l'indisponibilité de la main d'œuvre par exemple »,a détaillé l'économiste co-auteur de ce travail.
« Au total, le coût de ces épisodes de canicule entre 2015 et 2020 représentent environ 31 milliards d'euros pour la mortalité, 6 milliards d'euros pour la perte de bien-être et 31 millions d'euros pour le recours aux soins » ajoute-t-il. S'agissant de 2022, « il est difficile pour l'instant d'avoir une estimation fiable sur les effets sanitaires en lien avec la canicule. Globalement, on devrait être dans l'ordre de grandeur de 2019 et 2020 ». Compte tenu de l'intensité et de l'étendue des vagues de chaleur, il est possible que ces estimations portant sur la période 2015-2020 soient dépassées.
Au moins 150.000 décès par an dans le monde.
A l'échelle de la planète, le nombre de décès directement liés au changement climatique est estimé à 150.000 selon une récente étude de la Banque de France. Ce chiffre est sans doute sous estimé en raison de la difficulté à classer les décès liés au réchauffement climatique. « Il y a des événements pour lesquels les effets sur la population sont directement visibles comme les accidents de voiture, le Covid. Pour les canicules, la classification des décès est plus difficile. En outre, le phénomène est très étendu sur le plan géographique. D'un point de vue économique, les canicules peuvent apparaitre comme moins coûteuses que des inondations ou des feux de forêt, pour lesquels les assurances donnent parfois un bilan chiffré des dégâts."» souligne Olivier Chanel.
Des pertes de productivité importantes
Outre les coûts économiques des conséquences sanitaires, ces périodes de fortes chaleurs ont des répercussions sur la productivité des travailleurs. Chaque année, des heures de travail seraient perdues en raison des fortes chaleurs. Evidemment, tous les pays du globe ne sont pas exposés de la même façon à ces pertes.
Dans un récent article publié dans la revue spécialisée Environmental Research Letters , plusieurs chercheurs ont estimé que le nombre d'heures perdues liées au chaleur humide s'élevaient à 650 milliards chaque année, soit un niveau supérieur à celles engendrées par la période de Covid. L'Inde et la Chine sont les deux pays les plus touchés par ce phénomène.
Agriculture : des baisses de rendement importantes, les éleveurs inquiets
L'agriculture a été percutée de plein fouet par tous ces épisodes d'intenses températures. La sécheresse et la succession de trois vagues de chaleur, directement imputées par le consensus scientifique au changement climatique, ont sévèrement fait chuter les débits des cours d'eau dans de nombreuses régions, multipliant les mesures de restriction d'eau, concernant parfois les usages agricoles.
En France sur un volume annuel d'eau consommé estimé à 5,3 milliards de mètres cubes par an, l'agriculture est la première activité consommatrice d'eau (c'est-à-dire prélevée et non restituée aux milieux aquatiques) avec 45% du total d'eau consommée, devant le refroidissement des centrales électriques (31%), l'eau potable (21%) et les usages industriels (3%), selon le ministère de l'Agriculture.
Ce déficit de précipitations a fait des ravages dans les champs de céréales. Beaucoup de céréaliers ont fait part d'une baisse de rendement particulièrement marquée. Quant aux éleveurs, la situation est critique. Déjà à un niveau très élevé, le prix du lait va encore augmenter à cause de la sécheresse historique en cours en France, car les éleveurs n'ont plus assez d'herbe pour nourrir leurs vaches, avec des conséquences en cascade sur l'ensemble des produits laitiers.
Pour le tourisme en montagne, un été « apocalyptique »
Les montagnes sont en première ligne face au réchauffement climatique. Cet été de nombreux refuges ont dû fermer leurs portes sur le massif du Mont Blanc. « C'est plus que mauvais. La situation est terrible depuis des années, mais cet été a été apocalyptique. Il est trop dangereux de marcher sur les glaciers, les refuges de montagne ont fermé, l'impact sur l'économie de montagne a des conséquences réelles pour les grandes régions », a déclaré le guide de Montagne Mark Seaton, qui travaille dans les Alpes depuis trois décennies. L'intensification et la précocité des vagues de chaleur dans les prochaines années risquent de mettre à genoux le modèle économique des sports de montagne aussi bien l'été que l'hiver.