Les sanctions contre la Russie pourraient entraîner la chute de l’ISS, menace Moscou

Par latribune.fr  |   |  752  mots
Selon le patron de l'agence spatiale russe Roscosmos, Dmitri Rogozine, les représailles de l'Occident contre la Russie pourraient affecter, entre autres, la capacité de la Station spatiale internationale à éviter les débris spatiaux, faisant courir un risque de chute de l'appareil. Alors que ce possible « crash » ne menacerait pas le territoire russe, selon ce proche de Vladimir Poutine, il demande la levée des sanctions sous peine de retombées catastrophiques pour les Etats-Unis ou l'Europe. De son côté, la Nasa a indiqué travailler à des solutions pour maintenir la station en orbite sans l'aide de Moscou.

La Station spatiale internationale (ISS) risque-t-elle de devenir une victime collatérale de la crise entre Moscou et l'Occident, après l'offensive russe en Ukraine le 24 février dernier ? Alors que l'espace reste l'un des derniers domaines de coopération russo-américaine, force est de constater que le conflit s'étend aussi, peu à peu, sur ce terrain. Ce qui interroge sur l'éventualité d'un « crash » de la station, aujourd'hui occupée par quatre Américains, un Allemand et deux Russes.

C'est en tout cas la menace que brandit vigoureusement le pays de Vladimir Poutine depuis plusieurs jours. Le patron de l'agence spatiale russe Roscosmos, Dmitri Rogozine, a ainsi affirmé ce samedi que les sanctions occidentales pourraient provoquer la chute de l'ISS. Une manière de demander la levée de ces représailles, qui pèsent lourdement sur l'économie russe.

Selon Dmitri Rogozine, celles-ci affecteraient en effet l'approvisionnement du segment russe de la station, qui sert notamment à corriger l'orbite de la structure orbitale. Et pour cause, les équipages et le ravitaillement y sont acheminés par les vaisseaux Soyuz et les cargos Progress. Or, le lanceur nécessaire au départ de ces vaisseaux est « sous sanctions américaines depuis 2021 et sous sanctions de l'UE et du Canada depuis 2022 », a déploré Dmitri Rogozine. Par conséquent, ne pas pouvoir mener à bien ces opérations, réalisées en moyenne onze fois par ans (y compris pour éviter les débris spatiaux), pourrait provoquer « l'amerrissage ou l'atterrissage de l'ISS, pesant 500 tonnes », a-t-il alerté.

La Russie à l'abri d'un éventuel crash, selon Moscou

Celui qui a été plus de dix ans Premier ministre en charge du secteur spatial, et marque régulièrement par ses déclarations provocatrices, a ainsi mis en garde les Occidentaux sur les conséquences d'un éventuel incident. Car la Russie se trouverait elle « largement à l'abri » en cas de chute de l'appareil, a-t-il fait valoir, publiant une carte du monde où celui-ci pourrait s'abîmer.

« Les populations des autres pays, notamment ceux dirigés par les chiens de guerre [les Occidentaux, ndlr] devraient réfléchir au prix des sanctions contre Roscosmos », a-t-il écrit, qualifiant de « fous » ceux qui les ont imposées.

Dès le début du conflit, Dmitri Rogozine avait averti de retombées catastrophiques dans une série de tweets :

« Voulez-vous détruire notre coopération sur l'ISS ? C'est ce que vous faites déjà, en limitant les échanges entre nos centres d'entraînement de cosmonautes et d'astronautes. Ou voulez-vous gérer l'ISS vous-même ? Peut-être que le président Biden ne le sait pas, alors expliquez-lui que la correction de l'orbite de la station, son évitement de rencontres dangereuses avec des débris spatiaux, avec lesquels vos talentueux hommes d'affaires ont pollué l'orbite proche de la Terre, est effectuée exclusivement par les moteurs du Cargos russes Progress MS. Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera l'ISS d'une désorbitation incontrôlée et tombera aux États-Unis ou en Europe ? », avait-il publié sur le réseau social le 24 février au matin.

Dans ce contexte pour le moins tendu, la Nasa avait indiqué dès le 1er mars travailler à des solutions pour maintenir la station en orbite sans l'aide de la Russie.

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Des coopérations scientifiques figées

Au-delà de l'ISS, c'est tout le domaine spatial qui se trouve chamboulé. Début mars, Roscosmos avait notamment annoncé son intention de donner la priorité à la construction de satellites militaires, en raison de l'isolement croissant de la Russie à cause du conflit en Ukraine. Dmitri Rogozine avait également fait savoir que Moscou ne fournira plus aux Etats-Unis des moteurs des fusées américaines Atlas et Antares.

« Qu'ils s'envolent dans l'espace sur leurs balais », avait-il commenté.

Par ailleurs, le programme ExoMars, dont le rover martien Rosalind Franklin devait décoller en 2022, est repoussé indéfiniment pour l'instant. Roscosmos a par ailleurs mis fin à ses programmes commerciaux avec des pays ayant mis en place des sanctions, notamment le Royaume-Uni, qui devait mettre en orbite des satellites de la constellation OneWeb via un lanceur Soyuz.

Plus généralement, ce sont toutes les collaborations scientifiques qui ont subi un coup de frein après l'offensive russe en Ukraine. Le CNRS a notamment suspendu toute collaboration avec la Russie, tandis que le CERN a pris ses distances.

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