STX France : Bruno Le Maire menace de nationaliser pour faire pression sur les Italiens

Par latribune.fr  |   |  680  mots
"Si jamais nos amis italiens nous disent 'cette proposition ne nous va pas', l'Etat français exercera son droit de préemption sur STX France pour que nous puissions rouvrir le dossier", a indiqué le ministre de l'Economie français, Bruno Le Maire.
Paris veut garder la main sur ce site stratégique dans la construction de paquebots, mais aussi de très grandes coques comme celle d'un porte-avions. Le ministre de l'Economie a donné jusqu'à demain jeudi à Fincantieri pour répondre à la proposition française.

La France a lancé mercredi un ultimatum à l'Italie dans le dossier STX France, menaçant de nationaliser les chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) si Rome n'accepte pas un partage à 50-50 de son capital avec des intérêts publics hexagonaux.

"Les Italiens ont jusqu'à jeudi pour se décider sur le sujet", a dit le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire sur Franceinfo ce mercredi matin. "Si jamais nos amis italiens nous disent 'cette proposition ne nous va pas', l'Etat français exercera son droit de préemption sur STX France pour que nous puissions rouvrir le dossier", a-t-il indiqué.

"Nous ne pouvons accepter d'être moins bien traités que des Coréens"

En Italie, l'administrateur délégué du groupe Fincantieri, qui souhaite conserver la majorité de STX depuis qu'il en a racheté les deux tiers - le dernier tiers étant dans les mains de l'Etat français - auprès de sa maison mère sud-coréenne en difficulté au printemps, a réagi en déclarant qu'il n'avait pas un "besoin à tout prix" des chantiers de Saint-Nazaire. "Nous sommes Européens et, sur STX (France), nous ne pouvons accepter d'être moins bien traités que des Coréens", a dit Giuseppe Bono, patron de Fincantieri, lors d'une conférence téléphonique.

Une position également défendue par le ministre italien de l'Economie Pier Carlo Padoan. "Il n'y a aucune raison pour Fincantieri de renoncer à une participation majoritaire et au contrôle de l'entreprise française", a-t-il déclaré dans un communiqué. Le ministre de l'Industrie Carlo Calenda est également intervenu pour défendre les intérêts de Fincantieri, prévenant que le groupe public italien renoncerait à prendre une participation au capital de STX France si Paris revenait sur le précédent accord bilatéral conclu au printemps. "Si ces conditions ne sont pas respectées, l'Italie ne poursuivra pas l'affaire", a-t-il dit.

Un site stratégique pour la France

Une source proche du Trésor italien avait rejeté mardi soir la proposition française d'un partage à 50-50 des chantiers de Saint-Nazaire, déclarant : "La ligne rouge c'est, au minimum, une participation légèrement majoritaire et un contrôle du conseil."

La France dispose jusqu'à vendredi d'un droit se préemption sur la totalité du capital. Elle avait déjà brandi la menace d'une nationalisation temporaire lors des discussions qui ont abouti en avril à un accord prévoyant le rachat de 55% STX France de Saint-Nazaire par le groupe public italien (pour 48%) associé à une fondation transalpine (7%). "L'accord négocié par le précédent gouvernement ne nous satisfait pas", a souligné Bruno Le Maire, se faisant l'écho des propos tenus fin mai par Emmanuel Macron.

"Nous ne voulons prendre aucun risque (...) dans un site industriel aussi stratégique de Saint-Nazaire", spécialisé dans la construction de paquebots mais aussi de très grandes coques comme celle d'un porte-avions, a-t-il encore dit. "Parce que c'est un site stratégique, nous refuserons de laisser une majorité à un investisseur étranger."

Les Français en première ligne dans l'acquisition des fleurons italiens

Les dernières propositions françaises, dévoilées mardi par le ministre de l'Economie, laisseraient à Fincantieri 50% du capital, le reste étant détenu par des intérêts publics français (l'Etat, Naval Group, bpifrance) et le personnel. Paris y a ajouté une offre de coopération renforcée entre la France et l'Italie dans le naval militaire.

Pour Bruno Le Maire, qui a évoqué un montant de "dizaines de millions d'euros" nécessaire à l'opération, une nationalisation temporaire permettrait de donner du temps "pour renégocier un nouveau pacte d'actionnaires dans des conditions très sereines".

Ce bras de fer intervient au moment où l'Italie est confrontée depuis quelques années à une série d'acquisitions visant plusieurs de ses fleurons, souvent à l'initiative de groupes français, parfois de manière amicale, comme la fusion Luxottica-Essilor, parfois hostiles, comme la montée au capital de Mediaset du groupe Vivendi, par ailleurs premier actionnaire de Telecom Italia.

(Avec Reuters)