Le plan Juncker à la rescousse du capital-risque européen

Par Christine Lejoux  |   |  845  mots
Sur les 315 milliards d’euros du plan Juncker, 30 milliards sont destinés aux PME innovantes.
Le plan d’investissement pour l’Europe a franchi une nouvelle étape jeudi 23 juillet, avec la signature du premier projet en fonds propres. Un projet qui voit la Banque européenne d’investissement injecter 50 millions d’euros dans Capenergie 3, un fonds de capital-investissement français dédié aux énergies renouvelables, et lancé par Omnes Capital.

Nouvelle étape dans la mise en œuvre du plan Juncker, destiné à relancer la croissance en Europe via 315 milliards d'euros d'investissements sur trois ans. Jeudi 23 juillet a eu lieu à Bercy la signature du premier projet en fonds propres financé dans le cadre de ce plan d'investissement pour l'Europe, en présence d'Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, et de Michel Sapin, ministre des Finances. Un projet qui voit la Banque européenne d'investissement (BEI) injecter 50 millions d'euros dans Capenergie 3, un nouveau fonds dédié aux énergies renouvelables, lancé par la société de capital-investissement Omnes Capital (ex-Crédit Agricole Private Equity).

Cette mise de 50 millions d'euros de la BEI doit permettre à Capenergie 3 de lever un total de 200 millions, la présence de la Banque européenne d'investissement dans un tour de table ayant un effet d'entraînement sur les investisseurs privés, rassurés par ce "label qualité." "Trop souvent, les investisseurs institutionnels nous disent préférer attendre avant d'investir dans les énergies renouvelables, alors que celles-ci sont déjà compétitives par rapport aux sources traditionnelles", témoigne Serge Savasta, associé gérant chez Omnes Capital. Le Crédit Agricole et la Banque Postale, soutiens historiques d'Omnes Capital, mettront ainsi au pot, tout comme la Caisse de retraite du personnel navigant (CRPN) et Pro BTP, le groupe de protection sociale du BTP. Et sans doute également Bpifrance, la Banque publique d'investissement, selon une source gouvernementale.

Une force de frappe de 1 milliard d'euros pour les énergies renouvelables

"Ces 200 millions d'euros de capitaux doivent nous permettre d'obtenir 800 millions de financement bancaire, selon le ratio de 4 pour 1 en vigueur dans notre industrie", précise Fabien Prevost, président d'Omnes Capital. Soit une force de frappe totale de 1 milliard d'euros, que Capenergie 3 investira dans une dizaine de projets d'infrastructures de production d'énergies renouvelables, en France et dans quelques autres pays d'Europe. Des projets qui devraient représenter une capacité globale de 500 mégawatts et déboucher sur la création de 1.000 emplois, directs et indirects. "Nous sommes la démonstration que le plan Juncker permet de financer de petits projets, dans les territoires, alors qu'on pouvait craindre qu'il finance principalement de gros investissements", souligne Serge Savasta. De fait, sur les 315 milliards d'euros du plan Juncker, 30 milliards sont destinés aux PME innovantes, "celles qui dessinent la croissance future, dans les secteurs de l'énergie, donc, mais aussi de la santé, de l'agroalimentaire, de l'eau, des transports", a renchéri Carlos Moedas, Commissaire européen pour la recherche, la science et l'innovation.

D'ailleurs, la première opération financière en Europe au titre du plan Juncker, annoncée le 12 mai, n'était autre qu'un accord entre Bpifrance et le Fonds européen d'investissement (FEI, filiale de la BEI), destiné à financer les projets d'entreprises innovantes à hauteur de 420 millions d'euros sur les deux prochaines années. "L'objectif du plan Juncker n'est pas de financer des projets matures, mais de financer la prise de risque, les innovations de rupture", a insisté Emmanuel Macron. Pour ce faire, la Commission européenne et la BEI avaient signé la veille,  mercredi 22 juillet, l'acte de naissance officiel du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), bras financier du plan Juncker. Doté de 21 milliards d'euros, dont 16 milliards émanent du budget européen et 5 milliards de la BEI, le FEIS doit faire levier auprès d'autres investisseurs pour permettre de réunir les fameux 315 milliards d'euros de financements publics et privés.

Vers une plateforme européenne de capital-risque

Une somme qui ne sera pas investie directement dans les projets, "mais dans les acteurs qui connaissent les écosystèmes en question", a rappelé Emmanuel Macron. Des acteurs à l'image d'Omnes Capital, investisseur de longue date dans les énergies renouvelables. A cet égard, le ministre de l'Economie a redit la nécessité d'allouer une partie des milliards du plan Juncker aux fonds de capital-risque, dont le métier consiste à investir dans des startups innovantes. "Il existe une faille de marché en Europe, sur le segment du "large venture", lorsque les startups ont besoin de financer, non plus leur naissance, mais leur développement", a insisté Emmanuel Macron. Une faille certes en partie comblée par les fonds de capital-risque anglo-saxons, qui interviennent dans 70% des levées de fonds de plus de 10 millions d'euros en Europe. Mais cela n'a évidemment rien de satisfaisant en termes de souveraineté économique.

Aussi Emmanuel Macron et Michel Sapin se sont-ils fendus, le 3 juillet, avec leurs homologues italiens, d'une lettre à la Commission européenne, dans laquelle les quatre ministres vantent la récente initiative de Bpifrance et de son alter ego transalpin, Cassa Depositi e Prestiti. Les deux banques viennent de lancer une plateforme de capital-risque, qui fonctionnera de telle manière que lorsque Bpifrance investira dans un fonds de capital-risque, Cassa Depositi co-investira automatiquement, et vice-versa. L'idée des quatre ministres français et italiens est de rallier d'autres pays à cette plateforme, à laquelle participe également le FEI, afin de "favoriser l'instauration d'un écosystème paneuropéen du capital-risque." De bonne source, KfW, la banque publique d'investissement allemande, ferait montre d'intérêt.