Procès Pérol : le dossier BPCE était bien élyséen, selon Guéant

Par Christine Lejoux  |   |  923  mots
Claude Guéant, en tant que secrétaire général de l'Elysée du temps de Nicolas Sarkozy, était le supérieur hiérarchique direct de François Pérol. (Crédits : Photo AFP)
Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, et Claude Guéant, ancien secrétaire général de l’Elysée, ont été entendus comme témoins dans le cadre du procès de François Pérol, patron du groupe Banque Populaire-Caisse d’Epargne, en ce troisième jour d’audience.

Jeudi 25 juin, la 11e chambre du Tribunal correctionnel de Paris a vu défiler à la barre rien de moins qu'un gouverneur de la Banque de France et un ancien secrétaire général de l'Elysée. Ce troisième jour du procès de François Pérol, accusé de prise illégale d'intérêts dans le cadre de sa nomination à la tête du groupe bancaire BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne) en 2009, était consacré à l'audition des témoins. Les deux premiers à être auditionnés n'étaient pas des moindres, puisqu'il s'agissait de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France depuis 2003, et de Claude Guéant, ancien secrétaire général de l'Elysée, du temps de la présidence de Nicolas Sarkozy.

Premier à s'exprimer, Christian Noyer était cité comme témoin par la défense, qui affirme que François Pérol n'a en rien contrevenu au code de déontologie de la fonction publique en acceptant, en 2009, la présidence de BPCE. L'accusation - les syndicats Sud et CGT des Caisses d'Epargne - soutient le contraire, assurant que François Pérol, lorsqu'il était secrétaire général adjoint de l'Elysée de 2007 à 2009, a travaillé sur le projet de fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires, lequel avait abouti à la création de BPCE début 2009. Et que, du fait de cette implication dans le dossier BPCE, il n'avait pas le droit de travailler pour le groupe avant un délai de trois ans. Le tribunal, présidé par Peimane Ghaleh-Marzban, cherche donc à évaluer l'influence des pouvoirs publics, et plus particulièrement celle de François Pérol, dans le processus de fusion des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires, qui s'est déroulé durant l'automne-hiver 2008/2009.

 La Banque de France à la manœuvre sur l'aide de 5 milliards

 Un processus qui va de la détermination de la structure juridique du futur BPCE à la nomination de son dirigeant, en passant par l'aide financière de 5 milliards d'euros accordée par l'Etat au nouvel ensemble début 2009, lorsque les difficultés de leur filiale commune Natixis mettaient en péril l'existence des Banques Populaires et, surtout, des Caisses d'Epargne. Comme l'affirment François Pérol et ses avocats depuis lundi 22 juin, c'est la Banque de France, et elle seulement, qui a déterminé le montant de cette aide. « C'est nous (la Banque de France) qui avons proposé le montant de 5 milliards, les travaux (pour la déterminer) ont été conduits par mes services, ce sont eux qui disposaient des éléments nécessaires à la réalisation du stress test (test de résistance) des banques », a déclaré Christian Noyer. A charge, ensuite, pour le ministère de l'Economie et des finances, de mettre en œuvre , sur le plan technique, le plan de recapitalisation de 5 milliards d'euros du futur BPCE.

 A aucun moment, donc, l'Elysée n'aurait mis son grain de sel dans cette aide de 5 milliards ? « D'une façon générale, et en particulier durant cette période, je n'ai jamais reçu d'indication ni d'instruction, je n'ai aucun souvenir de quelque tentative d'influence que ce soit », a assuré Christian Noyer. De même, lorsque le président Ghaleh-Marzban lui demande si la Présidence de la République, à l'automne 2008, a participé à la relance du vieux projet de rapprochement entre l'Ecureuil et les Banques Populaires, Christian Noyer rétorque que « ce projet ne correspondait clairement pas à une ambition politique. » Selon lui, c'est même la Banque de France qui aurait la première poussé à la roue pour la relance du projet de fusion entre les Caisses d'Epargne et les « Banques Pop », seule manière de remédier à la crise de gouvernance qui secouait alors Natixis, dont les difficultés plaçaient les deux banques en situation de grande fragilité.

 " L'attention active" de Nicolas Sarkozy au projet de fusion

 Claude Guéant, qui, à l'époque des faits, était le supérieur hiérarchique direct de François Pérol, s'est montré beaucoup moins catégorique. Celui qui était alors le deuxième homme de France, qui avait l'oreille du Président Sarkozy, reconnaît que le chef de l'Etat « a considéré que ce sujet [de la fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires ; Ndlr] méritait son attention active, que ces deux établissements étaient si populaires auprès des Français qu'il fallait absolument qu'ils survivent. » Le président Peimane Ghaleh-Marzban saisit la balle au bond : « La proposition de nommer François Pérol à la tête de BPCE, c'est une idée du Président de la République ? » « Oui », confirme Claude Guéant, « le Président de la République a pensé qu'il fallait trouver une solution, puisque les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur le nom du dirigeant du futur BPCE. »

 Et l'ancien secrétaire général de l'Elysée de rappeler qu'il y avait, en ce mois de janvier 2009, urgence à s'entendre sur ce point. Grevées par Natixis, les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires s'apprêtaient à publier, le 26 février, des pertes si lourdes qu'il était impensable de ne pas annoncer en même temps aux marchés financiers le remède à ces maux, à savoir la finalisation du projet de fusion et le nom du patron du nouvel ensemble. Une promotion que François Pérol n'aurait pas vécue comme telle mais « plutôt comme un devoir, une mission », souligne Claude Guéant. Ou comme un cadeau empoisonné?