Procès Pérol : le patron de BPCE garde son honorabilité et son poste

Par Christine Lejoux  |   |  792  mots
François Pérol, président du directoire de BPCE, à la sortie de l'audience, jeudi.
Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé François Pérol, président du directoire de BPCE, dans le cadre de son procès pour prise illégale d’intérêts présumée. Une condamnation aurait posé la question de son avenir à la tête du groupe bancaire.

« M. Pérol, le tribunal vous déclare non coupable. » Il est 14 heures, ce jeudi 24 septembre, au tribunal correctionnel de Paris, lorsque Peimane Ghaleh-Marzban, le président d'audience, prononce la relaxe de François Pérol, président du directoire de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne). Le dirigeant, qui était poursuivi pour prise illégale d'intérêts présumée, dans le cadre de sa nomination à la tête du groupe bancaire en 2009, essuie des larmes, étreint sa compagne, son avocat, Maître Pierre Cornut-Gentille, d'autres proches encore. « Je suis très heureux, le tribunal a dit le droit », déclare ensuite à la presse un François Pérol toujours très ému. Il faut dire que la tonalité de son procès, qui s'était déroulé du 22 juin au 2 juillet, ne lui laissait pas forcément espérer pareil dénouement.

Pour mémoire, François Pérol était accusé par les syndicats Sud et CGT des Caisses d'Epargne d'avoir accepté de prendre la présidence de BPCE au début de l'année 2009, alors qu'en tant que secrétaire général adjoint du président de la République Nicolas Sarkozy il avait travaillé quelques mois plus tôt sur la fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires, fusion qui avait donné naissance à BPCE début 2009. Or la loi interdit à un fonctionnaire de travailler pour une entreprise privée qu'il a surveillée, contrôlée, ou sur laquelle il a émis des avis auprès des autorités compétentes, à moins d'observer un délai de carence de trois ans au moins entre la fin de ses fonctions dans le public et ses débuts dans le privé.

Un dossier « sans preuves », selon la défense

Tout l'enjeu, pour le tribunal, consistait donc à évaluer le degré d'implication de François Pérol dans le processus de fusion des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires, qu'il s'agisse de la détermination de la structure juridique du futur BPCE, de la désignation de son dirigeant ou de l'aide financière de 5 milliards d'euros accordée par l'Etat au nouvel ensemble, début 2009. Sur tous ces points, François Pérol avait assuré n'avoir eu qu'un rôle d'informateur du président de la République, récusant tout pouvoir décisionnel. Une posture qui avait exaspéré la procureure adjointe au parquet national financier, Ulrika Weiss, laquelle avait requis à l'encontre de François Pérol une peine de deux ans de prison avec sursis, assortie d'une amende de 30.000 euros et d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction publique.

Une condamnation aurait en outre posé la question de l'avenir de François Pérol à la tête de BPCE, la BCE (Banque centrale européenne), le nouveau superviseur des banques européennes, devant veiller à ce que leurs dirigeants répondent à l'exigence du « fit and proper » (compétence et honorabilité). Un argument que Me Cornut-Gentille avait fait valoir lorsqu'il avait demandé la relaxe de son client, début juillet. Pour l'avocat, le jugement du tribunal ne constitue pas « une surprise que pour ceux qui ne connaissaient pas bien le dossier ». Lors de sa plaidoirie, Pierre Cornut-Gentille avait dénoncé un dossier « vide » et « sans preuves ».

Le parquet national financier fait appel

De fait, le tribunal a estimé qu'il était « insuffisamment démontré » que François Pérol, lorsqu'il était secrétaire général adjoint de l'Elysée de 2007 à 2009, avait proposé des décisions ou des avis sur la structure juridique et la gouvernance du futur BPCE. Qu'il ne « saurait être déduit » des éléments portés à sa connaissance que François Pérol avait lui-même suggéré à Nicolas Sarkozy de le nommer à la tête de BPCE, « aucun témoignage, ni écrit, ne permettant d'accréditer cette thèse ». Qu'il n'était « pas suffisamment établi » que François Pérol avait contribué à déterminer le montant de l'aide de 5 milliards d'euros octroyée par l'Etat à BPCE.

« Il faut se débarrasser des préjugés, des idées toutes faites, pour s'attacher aux faits et au droit. Le tribunal a évité ce piège et fait une analyse factuelle des faits qui lui étaient soumis, il a constaté dans un jugement extrêmement fouillé, qui ne laisse rien de côté, qu'au bout du compte, François Pérol a respecté la loi », a souligné Me Cornut-Gentille, à la sortie de l'audience, jeudi.

De son côté, Me Jérôme Karsenti, l'avocat de la CGT, a fait part de « la déception des parties civiles, après un long combat ». Un combat qui n'est pas terminé, le parquet national financier ayant décidé de faire appel de la relaxe de François Pérol.