Prix alimentaires : faut-il imposer un régime à la grande distribution ?

Par Marina Torre  |   |  497  mots
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Distributeurs et industriels de l'agro-alimentaire s'offriraient des marges allant jusqu'à 100% du prix d'achat, même quand le cours des matières premières est en baisse. C'est ce qu'indique le premier rapport de l'Observatoire de la formation des prix et marges des produits alimentaires publié ce lundi. L'association de consommateurs UFC que choisir n'a pas tardé à réagir et demande une intervention des parlementaires.

"Des taux de marge de 100% pour des produits relativement peu chers : banane (136%), pomme (143%), carotte (110%), laitue (103%)"... Des distributeurs qui s'octroient des marges très élevées, sur des produits peu transformés, voilà, entre autres, ce qui ressort du rapport de l'Observatoire de la formation des prix et marges des produits alimentaires rendu public ce lundi. En moyenne, la marge commerciale sur les fruits et légume représente entre 35% et 59% du prix au détail selon les espèces.

Pourquoi de telles marges là où les produits sont peu transformés ? "Cela dépend de la fragilité, de la périssabilité de ces produits", explique Philippe Chalmain, économiste à l'Université Paris-Dauphine et auteur du rapport. Toutefois, le risque de perdre le produit en rayon n'explique pas tout. "Nous n'avons pas la boîte noire qui permettrait de calculer les marges nettes", précise ainsi le rapporteur. Seules les marges brutes, soit la différence entre le prix de vente au détail hors taxe et le prix d'achat du produit hors taxe par le distributeur, entrent dans le calcul. Les frais de personnel et les autres coûts éventuels ne sont donc pas pris en compte.

Plus généralement, "de mars 2008 à fin 2009, les prix agricoles redescendent à leur niveau de 2005 alors que les prix alimentaires à la consommation continuent de progresser jusqu'en juillet 2008", constatent aussi les auteurs de ce rapport. Autrement dit, quelles que soient les fluctuations du prix des matières premières, les prix à l'achat continuent de grimper en raison des marges élevées prises par les distributeurs et les industriels.

La grande distribution prend le plus de marges

"Evidemment cela dépend du niveau de transformation du produit mais, en général, toute filières confondues, c'est la grande distribution qui prend le plus de marges", note Philippe Chalmin.

Du coup, des associations de consommateurs, comme l'UFC-Que choisir, "demandent aux députés et aux sénateurs d'en tirer toutes les conséquences" et d'instaurer un "coefficient muliplicateur liant le prix des produits bruts et peu transformés à celui des matières premières agricoles."

Un coefficient "totalement idiot"

"C'est totalement idiot", estime Philippe Chalmin, président de l'Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires. "La complexité de notre étude montre bien que chaque produit est une histoire particulière." "Nous sommes allés au maximum avec l'accord du 3 mai", estime-t-il. Cet accord signé par les distributeurs, les industriels et les éleveurs avait pour but de limiter les fortes fluctuations des cours des matières premières sur le prix de l'alimentation du bétail. A la suite de cet accord, les agriculteurs se sont accordé pour créer des contrats "lissant" ces fluctuations.

Même pour les produits les moins transformés, où les marges sont les plus importantes, l'auteur du rapport n'est pas favorable à une législation. "L'Etat ne peut pas tout. Il est là pour faire dialoguer et c'était le but de l'Observatoire", répond-il aux associations de consommateurs.