La Fnac et La Redoute : ces deux anciennes stars de la distribution que PPR peine à vendre

Par Juliette Garnier  |   |  1085  mots
La Fnac était évaluée 1,9 milliard d'euros fin 2009. Elle ne vaudrait plus que 500 millions d'euros.
François-Henri Pinault veut concentrer son groupe sur les marchés du luxe et de l'équipement de la personne. Depuis près de trois ans, il cherche à céder la Fnac et Redcats, son pôle de vente à distance. En vain. La mauvaise santé du marché de la dette l'en empêche.

PPR présente ce jeudi ses résultats semestriels. Cotée à Francfort, sa filiale Puma vient de réduire de moitié son objectif de croissance en 2012 : elle n'atteindra que 5 %. Mais le titre PPR se moque de ces mauvaises nouvelles. Malgré tout, il conserve les faveurs de la Bourse. PPR se négocie 107 euros. Plus que jamais le groupe aux 12,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires profite de ses marques Gucci, Yves Saint-Laurent et autres Boucheron. Ces grands noms du luxe vendus partout dans le monde lui assurent une très forte rentabilité : 18,6 % de marge opérationnelle en moyenne pour PPR et 25,7 % pour ses marques de luxe en 2011.

Malgré un PIB au plus bas depuis trois ans, la Chine, eldorado qui rafle 40 % des ventes mondiales de luxe, offre encore de bons débouchés aux sacs et chaussures Gucci ou Yves Saint-Laurent. De plus, quelques jours avant la publication d'un avertissement sur résultats chez Puma, François-Henri Pinault a assuré être en négociations pour y racheter précisément une marque de luxe. La tactique n'est pas pour déplaire à ceux qui surveillent de près la rentabilité d'un groupe que l'homme d'affaires veut recentrer sur le luxe et l'équipement de la personne.

Le résultat opérationnel de PPR continue de croître à deux chiffres au premier semestre 2012", salue un analyste financier. Dow Jones table sur un résultat net en hausse de 5,1 %, à 473,2 millions d'euros et sur des ventes en progression de 15 %, à 6,28 milliards d'euros sur les six premiers mois de 2012. "Des croissances soutenues", observe l'agence d'informations boursières. Restent deux épineux problèmes : la Fnac et Redcats. François-Henri Pinault devra jeudi s'en expliquer. Les deux filiales du groupe ont vocation à sortir du giron PPR. Mais rares sont ceux capables de prédire leur prochaine cession.

500 millions d'euros pour la Fnac

"Y a-t-il encore un acquéreur pour la Fnac ? C'est toute la question", avance même un analyste financier. Depuis novembre 2009, PPR souhaite vendre son enseigne de produits culturels et techniques. A l'époque, le chiffre de 1,9 milliard d'euros circulait. Aujourd'hui, l'agitateur culturel est évalué au plus bas. "500 millions d'euros", avance même un analyste financier, persuadé que PPR va payer son excès de gourmandise. En 2007, plusieurs fonds, dont Cinven, KKR, Permira et CVC, avaient étudié le rachat de la Fnac. Cinq ans plus tard, la crise du financement est passée par là. Le marché du LBO s'est fermé. Et les candidats se font rares. Car le retournement de la consommation lamine un peu plus le modèle de l'enseigne déjà mis à mal par la dématérialisation des disques depuis le début des années 2000 et l'emballement des ventes de produits techniques sur le Net.

Comme d'autres, les magasins Fnac sont victimes de la "show-roomisation" de la distribution : le consommateur se déplace en magasin pour choisir et se faire conseiller le modèle qu'il achètera en ligne, moins cher, chez la concurrence. Virgin Megastore ferme ainsi plusieurs de ses magasins. Boulanger peine à digérer le rachat de l'enseigne Saturn. Et Surcouf, ancienne filiale de PPR cédé à Hugues Mulliez, met la clef sous la porte. La mauvaise santé du secteur est telle que, en début d'année, après des ventes de Noël molles, La Fnac a vu son résultat opérationnel se diviser par deux en 2011. Elle s'impose un nouveau plan de suppressions d'emplois (500 au total) pour réduire ses coûts de 80 millions d'euros. Ses magasins en Italie seront cédés. Les conditions sont mauvaises pour vendre au meilleur prix l'enseigne aux 148 magasins présente dans sept pays.

Nouvelle fenêtre de tir début 2013

Redcats n'est pas en meilleure posture. Le secteur de la mode va mal. Celui de la vente à distance de mode vit la révolution copernicienne du e-commerce. La cession de Redcats traine aussi depuis fin 2009. Début 2010, cet actif était évalué 1 milliard d'euros. La filiale de vente à distance qui exploite les marques La Redoute, surtout en France, Brylane, aux Etats-Unis, ou Ellos en Europe du Nord a été déconsolidée des comptes de PPR sur l'exercice 2011. La man?uvre a été rendue obligatoire par la nouvelle législation fiscale, les normes IFRS 5. Les conditions d'accès au marché de la dette ont fait échouer des négociations entreprises avec des fonds d'investissement à l'été 2011, avait révélé François-Henri Pinault, lors de la présentation des résultats annuels de PPR, en février. Et depuis les conditions ne se sont pas améliorées. "Le marché du financement est épouvantable", observe le président d'un fond d'investissement, persuadé que "la fenêtre de tir [pour les fonds de private equity] ne se rouvrira pas avant début 2013".

Le cas échéant, PPR pourrait ne pas parvenir à boucler cette cession d'ici à fin 2012. D'après nos informations, il ne serait pas toutefois obligé de reconsolider Redcats dans ses comptes 2012. "Dès lors qu'il démontre que le processus de vente est toujours en cours et qu'il n'a pas abouti pour des raisons qui lui sont extérieures", note un expert de la gestion d'actifs. D'où le scénario d'une vente par appartement de Redcats. L'agence de presse Bloomberg affirme que ce processus est engagé. "Ellos est très profitable", note un analyste financier. La filiale scandinave serait la plus aisée à vendre. PPR ne dément pas un tel scénario. "Le processus de cession se poursuit. Elle se fera au meilleur des intérêts des parties prenantes", avance son porte-parole.

Vivarte, Dim et But peinent aussi

Le processus est lent. Mais personne ne le reprochera à PPR. Plusieurs autres ventes annoncées peinent. Les fonds Charterhouse, Chequers Capital et Saguard ont remisé l'introduction en Bourse de Vivarte. Ils caressent l'espoir de vendre le conglomérat d'enseignes (Minelli, Kookai, André, la Halle ! etc.) pour un montant de l'ordre de 4 milliards d'euros. Sun Capital, lui, n'a toujours pas cédé ses marques de lingerie Dim, Playtex et Wonderbra (Groupe Dim Branded Apparel). Il en voudrait 600 millions d'euros. Le consortium Colony Capital, Goldman Sachs et OpCapita se tâte lui pour la cession de son enseigne But rachetée en 2008. "Les discussions se poursuivent", assure un dirigeant, démentant que tous les candidats au rachat se soient retirés. Seul Alain Afflelou a bel et bien trouvé preneur. L'enseigne d'optique a été cédée pour 800 millions d'euros à Lion Capital. C'est la seule cession récente qui donne du baume au c?ur de PPR.