Ces amendements à la loi Macron qui font grogner certaines enseignes

Par Marina Torre  |   |  956  mots
L'Assemblée nationale devait voter le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité économique le 10 février. Ce vote a déjà été repoussé. (Crédits : Reuters)
A l'Assemblée nationale, les débats en première lecture sur la loi Macron s'achèvent, avec retard. Dans la distribution, certains amendements relatifs aux contrats entre enseignes et affiliés passent mal. Explications.

De la Loi Macron, il a surtout été question dans le commerce de l'ouverture des magasins le dimanche. Pourtant, il ne s'agit pas de la seule disposition qui concerne ce secteur. D'autres, concernant les relations entre les enseignes et les gérants de chaque magasin provoquent des remous chez certains professionnels. Depuis fin janvier, Michel-Edouard Leclerc, mais aussi Intermarché ou encore des représentations professionnelles contestent plus ou moins vivement des dispositions et amendements votés par les députés. Passage en revue des points de friction.

Neuf ans sous la même enseigne

Parmi les dispositions récemment votées figure en particulier un amendement à l'article 10 du "Projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", le nom officiel du texte en discussion à l'Assemblée. Il s'agit plus précisément de l'amendement 1681 porté par François Brottes, député SRC de la 5e circonscription de l'Isère, qui préside la commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi. Cet amendement dispose, entres autres, que les contrats entre les membres d'une coopérative ou d'un réseau de franchisés ne pourront excéder neuf ans. Une première mouture prévoyait une durée maximale de six ans.

Ce qui bloque? Même rallongée de trois ans, cette durée est jugée insuffisante pour amortir certains investissements, notamment par la Fédération du commerce associé (FCA). Certains affiliés membres de coopératives, disposant donc d'un droit de vote dans les réseaux auxquels ils appartiennent, acceptent en effet parfois d'investir dans du matériel de production.

La filiale agroalimentaire des Mousquetaires (Intermarché), l'une des enseignes qui a publiquement pris position fin janvier,  a ainsi mis en avant le "rachat de l'abattoir Gad qui a sauvé 530 emplois et l'acquisition à Dhellemes qui a permis aux chalutiers de cet armement de rester sous pavillon français".

 "Un bateau ne s'amortit pas en neuf ans", estime d'ailleurs son côté Eric Plat, président de la FCA et PDG du réseau d'opticien Atol citant un exemple de financement à long terme.

Clauses de non concurrence

Côtés franchisés, ce qui coince, c'est l'interdiction d'imposer des clauses de non concurrence à d'anciens affiliés. Chantal Zimmer, déléguée générale de la Fédération française de la franchise, estime que puisque la franchise "représente un savoir-faire et représente des investissements dans l'innovation, elle doit être protégée". Estimant qu'elle l'est déjà, par le droit européen et la jurisprudence, cette responsable juge que cette nouvelle disposition "méconnaît la réalité du commerce" et risque d'entraver l'entreprenariat.

A l'origine, ce type de disposition visent à empêcher des franchiseurs d'imposer des conditions trop strictes ou trop nombreuses de nature à limiter les marches de manoeuvre des gérants de boutique.

Des seuils ou pas?

Mais les opposants au projet dénonçaient en particulier l'indifférenciation des traitements selon la situation des distributeurs. "Entre une boutique de bandes dessinées qui nécessitera relativement peu d'investissement à long terme, et un magasin de sport ou d'optique qui font partie de réseaux finançant dans des plateformes logistiques ou des centres de production, les contraintes ne sont pas les mêmes", affirme Eric Plat.

Objection à laquelle le législateur et l'exécutif répondent en proposant de fixer des seuils. Dans un résumé de l'avancée des travaux publié ce lundi, Bercy indique ainsi:

 "Ces contrats seront désormais limités à 9 ans, durée qui permettra largement d'amortir les investissements des enseignes, dès lors que l'enseigne dépasse un seuil de chiffres d'affaires fixé par décret."

En clair, au delà d'un certain niveau de chiffre d'affaires atteint par l'enseigne, les contrats ne pourront être supérieurs à neuf ans. Rien n'est encore précisé sur leur niveau ou bien sur les rapports entre les investissements et ces recettes.

LES PROJETS D'IMPLANTATION SOUMIS À L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Par ailleurs, les députés ont déjà voté des dispositions visant à attribuer davantage de pouvoir à l'exécutif et à l'Autorité de la concurrence concernant les implantations des magasins. Le but: lutter contre des situations de position dominante aboutissant, telles qu'elles avaient pu être constatées dans un rapport datant de décembre 2010. Elle avait alors constaté que ces positions pouvaient entraîner d'importantes variations de prix au détriment du consommateur final.

Pour éviter de telles dérives, l'Autorité, si elle constate qu'une entreprise de distribution détient plus de 50% de parts de marché dans une zone de chalandise donnée par son chiffre d'affaires ou sa surface commerciale, commence par faire "connaître ses préoccupations" à l'enseigne concernée. Le cas échéant, elle pourra enjoindre les entreprises de mettre fin à des accords avec des affiliés et éventuellement de céder des actifs dans le cadre d'un nouveau droit d'injonction.

En outre, afin de prévenir toute situation déséquilibrée, des plans d'urbanismes contenant des projets d'implantation d'enseigne pourront lui être soumis pour avis par le préfet ou par le ministère de l'Economie.

Appel au retrait de la loi et Boycott

Les députés doivent encore voter officiellement le texte final de la "loi Macron". Les débats à ce sujet doivent encore se poursuivre au moins jusqu'au 13 février. La FCA exige en particulier un retrait de l'amendement 1681. Elle compte adresser une lettre au président de la République et porte ses revendications auprès des sénateurs qui doivent examiner le texte. Plus catégorique, Michel Edouard Leclerc a fait savoir fin janvier qu'il comptait boycotter les discussions en cours sur la filière lait si cet amendement n'est pas retiré.