L'Assemblée nationale peut-elle défaire la loi Macron ?

François Hollande l'avait admis : le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques porté par le ministre de l'Economie n'est pas révolutionnaire. Il semble pourtant l'être beaucoup trop pour les élus et les professionnels concernés.
Fabien Piliu
Le projet de loi porté par Emmanuel Macron cconcentre les critiques des députés de droite et de gauche
Le projet de loi porté par Emmanuel Macron cconcentre les critiques des députés de droite et de gauche (Crédits : Reuters)

Les réformes, c'est un peu comme les éoliennes. Tout le monde y est favorable mais personne ne souhaite être directement concerné. Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie est en train d'en faire l'amère expérience.

Certes, comme il l'a déjà précisé à plusieurs reprises, les mesures contenues dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques qu'il défend actuellement à l'Assemblée nationale ne constituent pas un véritable électrochoc pour la société et l'économie française. Même François Hollande, le chef de l'Etat en a convenu lors de sa rentrée médiatique sur France Inter le 26 janvier.

Les critiques de la classe politique

Avec ce texte, conscient du risque qu'il y a à casser brutalement les habitudes, le ministre de l'Economie avait simplement pour ambition de supprimer quelques verrous, de mettre un peu d'huile dans quelques mécanismes. Il faut croire que cette ambition était démesurée.
En s'attaquant à des professions réglementées, pensait-il que la partie serait facile ? Peut-être. Entre gens de bonne compagnie, on devait pouvoir s'entendre. Ce fut une erreur d'appréciation. Il suffisait d'assister à quelques échanges publics entre le ministre et les professionnels pour prendre la mesure de l'acharnement de ces derniers à ne pas s'en laisser compter. Dans un climat très hostile, ces limites ont même été franchies. Le ministre de l'Economie a précisé lundi qu'il avait reçu des menaces de mort. Il portera plainte. Richard Ferrand, le député socialiste et rapporteur du texte a également été menacé.

Rien n'y fait ! Une croissance quasi nulle, six millions de personnes environ inscrites à Pôle emploi ne semblent pas convaincre de la nécessité de faire bouger quelques lignes. On ne change pas une recette qui gagne... Résultat, les oppositions à ce texte et à ses 209 articles ont fusé et fusent toujours. De tous les côtés. L'union sacrée décrétée après les attentats qui ont frappé la France début janvier a fait long feu.

Sans surprise, malheureusement, les députés de l'opposition refusent par idéologie stérile de soutenir un texte dont ils auraient pu être les auteurs. Désespérant.

Même la majorité gronde

Au sein même de la majorité, les critiques sont également sévères. Que proposent les frondeurs ? Une refonte du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), une relance du plan Numérique, un encadrement des frais bancaires. Bref, leurs solutions ne sont que des retouches du paysage économique, fiscal et réglementaire actuel. A défaut d'être des réformateurs, les frondeurs perpétuent donc une certaine tradition conservatrice.

Quant aux cris d'orfraies d'anciens ministres de François Hollande, ils ne sont guère plus audibles. Les joutes verbales entre Cécile Duflot, la député écologiste de Paris et ancienne ministre du logement du gouvernement Ayrault et Emmanuel Macron n'a pas fait avancer le débat sur la nécessaire relance de la construction de logements.

Benoît Hamon, l'ancien ministre chargé de l'Economie sociale et solidaire, n'est pas non plus avare de critiques, estimant dans le JDD en décembre que l'extension du travail le dimanche, l'une des mesures phares du projet de loi Macron, était une "triple erreur" : économique, sociale et sociétale. " Je ne vois pas les bienfaits d'une nouvelle extension du champ de la société de consommation ", a déclaré l'ancien ministre. Il a peut-être raison. Alors que la consommation des ménages est en passe de flancher et le commerce est l'un des secteurs les plus touchés par les défaillances, il faudra attendre les premières études d'impact de cette mesure pour pouvoir juger.

Le combat acharné des professionnels

On l'a vu, les professionnels concernés se sont également acharnés pour défendre leurs intérêts, leurs « privilèges » comme se plaisent à les qualifier certains. Malgré de nombreuses réunions publiques d'informations, de séances d'explications, Emmanuel Macron a dû se résoudre à faire marche arrière ce lundi.

Son projet de mettre en place une part de tarifs variables pour les notaires, huissiers et mandataires judiciaires notamment, afin de "permettre à de jeunes professionnels de s'installer" et de faire jouer la "concurrence" a été abandonné sous les coups de boutoir de ses opposants. "Ma résistance a conduit à un système compliqué" et ce dispositif de "corridor tarifaire" devrait être révisé, a déclaré lundi le ministre à l'Assemblée nationale, avouant s'être "trompé". Ne manquait plus que les excuses.

Le dispositif était-il très complexe ? Voici de quoi il s'agissait. « Tous les tarifs des professions réglementées du droit seront arrêtés par le ministre de la Justice et le ministre de l'Economie, après avis de l'Autorité de la concurrence. Ces nouveaux tarifs pourront donner lieu à des adaptations pour les actes importants dans une fourchette de 30 % autour d'un prix de référence. Les tarifs des petits actes seront fixes, en particulier les actes d'exécutions judiciaires. Ils feront l'objet d'une révision régulière sur proposition de l'Autorité de la concurrence, sur la base d'une évaluation des coûts réels. Les prix devront être affichés pour assurer une meilleure information des usagers », précisait le projet de texte avant son passage à l'Assemblée nationale. Cette proposition était-elle incompréhensible ? L'argument ne tient pas vraiment.

Une usine à gaz ?

Au ministère de l'Economie, on assure que l'esprit de la réforme est maintenu, le corridor tarifaire étant remplacé par un système de remises encadrées pour certaines transactions.

Concrètement, pour les commissaires-priseurs judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et notaires, une nouvelle grille des tarifs sera fixée par décret après avis de l'Autorité de la concurrence, dans le but de faire baisser les prix.

Le tarif sera fixe pour les petits actes, par exemple ceux liés au droit des personnes et de la famille, et pour les actes d'exécutions judiciaires. Au-delà d'un certain seuil, les tarifs seront proportionnels à la valeur du bien ou du droit immobilier concerné. Mais au lieu de pouvoir faire varier le prix de ces actes importants dans une fourchette autour d'un tarif de référence (15% en-dessous ou au-dessus), comme prévu par le "corridor tarifaire" qui aurait entraîné des pertes importantes de chiffre d'affaires pour les notaires, les députés ont voté un encadrement des remises qui pourront être consenties, via un amendement des rapporteurs. Quant aux transactions très importantes, supérieures à 300.000 euros, elles ne pourront pas bénéficier de remises mais elles seront écrêtées, abondant un fonds interprofessionnel de péréquation destiné à financer notamment l'aide juridictionnelle, l'accès au droit et les maisons de justice et du droit.

Le nouveau système est-il plus lisible ? Les députés UMP, UDI et Front de gauche ont voté contre ce qui s'apparente selon eux à un "nouveau corridor tarifaire" et une "usine à gaz". De ce point de vue, il est difficile de leur donner totalement tort...

De la difficulté à réformer

D'autres modifications importantes du projet de loi peuvent-elles intervenir ? Tout est possible. Sur le dossier également sensible du travail le dimanche, Emmanuel Macron a déjà dû se résoudre à un compromis avec sa majorité. Alors qu'il voulait donner la possibilité aux maires d'autoriser les magasins à ouvrir douze dimanches par an, dont cinq « de droit » cette obligation d'accord a sauté. Les maires auront la possibilité de bloquer les ouvertures dominicales réclamées par les commerçants.

La libéralisation du transport par autocar permettra-t-elle la création de 22.000 emplois, comme l'estime France stratégie ? Tout le monde l'espère. Mais il faut bien avoir à l'esprit que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) n'accordera des autorisations de créations de lignes dans les seules zones non desservies par le réseau de TER.

Sur qui Emmanuel Macron peut compter pour faire adopter son texte ? Les Français sont derrière lui. Publié en novembre, un sondage réalisé par Odoxa Consulting pour RTL indique que 57% des personnes interrogées veulent une accélération des réformes lors de la seconde partie du quinquennat. Dévoilé en fin de semaine dernière, un sondage également réalisé par Odoxa indique que, s'ils étaient parlementaires, 61% des Français de droite comme de gauche, voteraient le projet de loi pour « la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ». Ils ont un temps d'avance sur leurs élus.

Fabien Piliu
Commentaires 29
à écrit le 08/02/2015 à 16:10
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loiMacron inutile;non construite,dangereuse,etc etc Ce sont les résultats des coteries,clans,lobby,syndicats,café du commerce et autres réseaux sociaux,qui sont les blocages à l’évolution de nos lois. Alors attendons 2017 et le retour de M;Nicolas...

à écrit le 05/02/2015 à 21:34
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5000 pharmaciens sont à Pôle Emploi quand ce n'est pas de tout petits contrats...Si nous laissons en l'état...il faut diminuer le nombre de diplômés car les salaires baissent dangereusement...!

à écrit le 05/02/2015 à 13:15
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Les technocrates de Bercy vont, comme d'habitude, pondre une usine à gaz avec des effets pervers désastreux à moins qu'ils ne se fassent retoqués par le Conseil Constitutionnel. J'ai écouté le débat parlementaire et le moins qu'on puisse dire est que...

à écrit le 05/02/2015 à 11:40
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Monsieur Fabien Piliu est un Attali en puissance, il veut tout déréglementer pour éviter la queue à pôle emploi ? Mais de qui se moque t on ? Parce qu'il y a pléthore de future notaires qui pointent à pôle emploi ? Ce qu'il faudrait rappeler à Monsie...

à écrit le 05/02/2015 à 11:11
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Et les notaires et huissiers vont continuer à se goinfrer avec des revenus de folie sur le dos des français. Macron n'aurait jamais dû céder. Il a subit la pression des politiques inutiles. Aux états unis, tous ces coûts n'hexistent pas, ce sont des...

le 05/02/2015 à 23:43
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Aux USA, l'acquisition d'un immeuble est remise en cause une fois sur quatre ou cinq, ce qui rend nécessaire la souscription d'une assurance, soit 1% (en plus des frais des autres intervenants) contre 0,825% pour le ,notaire français, y a photo? Sau...

le 07/02/2015 à 13:52
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Je ne peux qu abonder dans le sens d'Antoine ; Notre droit est basé sur un système latin qui privilégit la sécurité de l'écrit sur la rapidité de l'oral, base du système anglo-saxon ; résultat seuls un acte notarié sur 1.200 environ font l objet d un...

à écrit le 05/02/2015 à 11:10
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On tricote, on retricote; on détricote..et le textile en France est à l'agonie. A n'y rien comprendre

à écrit le 05/02/2015 à 10:10
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Il est malheureux de voir,dans des journaux de qualité, des articles écrits par des personnes qui ne prennent pas la peine de se renseigner. Sur la question des professions règlementées, la loi Macron est inutile, pour deux raisons. Deux questions ...

le 05/02/2015 à 10:28
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Effectivement et même donner plus de pouvoir aux instances du notariat pour forcer les associations (nb d'actes, CA ... ) quand il y a besoin par des sanctions financières si besoin et création d'étude en face si toujours un refus d'association en pl...

le 05/02/2015 à 11:15
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La loi Macron n'est pas inutile mais elle ne va pas assez loin. Tout avocat devrait pouvoir faire les actes des notaires et au tarif qu'il veut. Cela s'appelle la liberté et c'est un des fondement de notre démocratie. Les grandes surfaces doivent pou...

le 05/02/2015 à 15:12
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... et les armes et la drogue, etc!

le 05/02/2015 à 15:58
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Etats unis qui sont un grand exemple quant à la qualité des soins !..... Il faut réinventer un système Français , qui tient compte de nos spécificités historiques sans chercher aux US ou en suede selon que l'on est de droite ou de gauche les exmples...

le 06/02/2015 à 12:01
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La liberté que tu évoques notamment en préconisant la vente des médicaments en grande surface, reviendra à terme à transférer le monopole qu'ont 22.000 pharmaciens au profit de 5 géants...(Leclerc, et consorts). Et que crois tu que Charles-Edouard le...

le 06/02/2015 à 13:12
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Et un cardiologue peut faire un accouchement ?? Un dentiste un pontage cardiaque ?? Ou pourquoi pas un notaire qui puisse postuler devant les tribunaux ...! Allez donc jusqu'au bout de votre logique simpliste !

le 07/02/2015 à 10:57
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Il faudrait au moins laisser la libre installation des diplômés pharmaciens...actuellement vu la concentration des officines seul quelques réseaux aux mains de quelques pharmaciens régnent sur les prix et les marges...!!

à écrit le 05/02/2015 à 9:39
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Mrs les parlementaires et ministres, sortez de votre tour l'ivoire, et rencontrez les intéressés : quel(le) député, quel(le) sénateur, quel(le) ministre, avant cette proposition de loi, est allé en parler avec des notaires, avec des pharmaciens, avec...

le 05/02/2015 à 11:20
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Je ne vois pas pourquoi on irait parler aux professionnels qui se gavent et n'exportent rien. Ils ne servent pas le pays. Par exemple je ne vois pas pourquoi un notaire prélève un montant proportionnel sur l'achat immobilier. Cela lui coûte au max. 1...

le 06/02/2015 à 23:25
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Et encore du délire d'ignorant!

à écrit le 05/02/2015 à 9:34
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Cette loi jette en pâture des professions pour tenter de camoufler l'inaction du gouvernement : ils se cherchent des boucs émissaires, c'est tout ! Je prend l'exemple des auto-écoles... régler le problème des délais d'attente pour les examens, c'est...

à écrit le 05/02/2015 à 8:59
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Question : L'Assemblée nationale peut-elle défaire la loi Macron ? Réponse : L'Assemblée nationale peut et doit d'urgence défaire le gouvernement Valls qui enfonce la France dans le déclin. Solution : Déposer et voter massivement une motion de ...

à écrit le 05/02/2015 à 8:54
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il existe tellement de choses importantes et urgentes à faire en france que de voir ce gouvernement et fh faire du sur-place , c'est vraiment désolant. Et dire qu'il aura suffit de quelques discours après les attentats pour que sa cote remonte: dése...

à écrit le 05/02/2015 à 8:48
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Un gros tigre de papier victime d' une macro.mutation qui finit comme un petit riquiqui....tout gris...!!!

à écrit le 05/02/2015 à 8:44
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Tout le problème est lié au cout du travail trop élevé comparé au prix de l'énergie trop faible, mais les Français refusent de l'admettre.

le 06/02/2015 à 8:19
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Cela vient-il des mêmes qui ne connaîtront jamais le chômage grâce aux écoles payées par papa et maman et qui leur garantit un emploi bien rémunéré dès la sortie ?

à écrit le 05/02/2015 à 8:12
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Mon fils, clerc de notaire dit s'attendre à un licenciement dès la publication des décrets de la loi Macron et craint une grande hécatombe dans ses relations professionnelles. N' y a -t-il pas assez de chômeurs...?

le 05/02/2015 à 8:17
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mais bien sur...

à écrit le 05/02/2015 à 8:12
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Merci pour cet article. Je suis vraiment désespéré de voir que certains responsables politiques sont incapables de faire avancer les choses, soit par idéologie désuète, soit par manque de courage politique (!?) Messieurs et Mesdames les députés, le m...

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