La justice française est compétente pour juger le litige entre la centrale d'achat de Leclerc et Bercy, selon la cour d'appel

Par latribune.fr  |   |  842  mots
Le distributeur français E. Leclerc partage avec l'allemand Rewe la centrale d'achat Eurelec, basée en Belgique. (Crédits : Regis Duvignau)
La justice française est à même d'examiner le litige opposant depuis 2019 la centrale d'achat belge Eurelec au ministère de l'Économie, selon la cour d'appel de Paris. Bercy réclame à cette entité, codétenue par le distributeur français E. Leclerc et l'allemand Rewe, une amende de plus de 117 millions d'euros pour des pratiques restrictives de concurrence.

La justice française va bien pouvoir se pencher sur le différend qui oppose le ministère de l'Économie à la centrale d'achat belge Eurelec, codétenue par le distributeur E. Leclerc. C'est ce que vient d'annoncer la cour d'appel de Paris dans un communiqué, ce mercredi 21 février. Cette dernière « a retenu la compétence territoriale et spécialisée du tribunal de commerce de Paris », est-il indiqué.

Un litige en attente depuis plus de trois ans

Le litige sur lequel se prononçait la cour d'appel de Paris remonte à 2019. S'appuyant sur une enquête de la Répression des fraudes (DGCCRF) menée entre 2016 et 2018, Bercy avait assigné devant le tribunal de commerce de Paris « quatre entités du mouvement E. Leclerc », dont Eurelec. Il s'agit, d'une part, de deux sociétés ayant leur siège social en Belgique : la centrale d'achat Eurelec que le distributeur français E. Leclerc partage avec l'allemand Rewe, et l'intermédiaire Scabel. Et, d'autre part, de deux entités établies en France : la centrale d'achat nationale du groupe Leclerc, Galec, et l'association des centres de distribution Edouard Leclerc (ACDLEC).

Le ministère de l'Économie souhaite obtenir leur condamnation à une amende civile de 117,3 millions d'euros, un montant alors sans précédent dans la grande distribution. Il les accuse de « pratiques restrictives de concurrence à l'égard de 15 fournisseurs disposant de filiales en France », comme l'a rappellé la cour d'appel dans son communiqué. Bercy leur reproche de « s'être entendues pour imposer aux fournisseurs qui approvisionnent les magasins en France de négocier avec la centrale d'achat Eurelec en Belgique et de conclure des contrats faisant application de la loi belge », un contournement de la loi française qui a pour but d'obtenir « de fortes déflations de prix », est-il ajouté.

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Question de compétence

Reste que les deux entités belges, Eurelec et Scabel, contestaient la compétence des juridictions françaises. Le tribunal de commerce de Paris avait déjà rejeté en avril 2021 cette demande, mais les sociétés assignées avaient fait appel de ce jugement. La cour d'appel avait alors décidé de surseoir à statuer et saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question d'interprétation du droit européen. Celle-ci avait infligé un revers aux services du ministère de l'Économie, estimant les juridictions françaises incompétentes au sujet de cette centrale de droit belge

À l'inverse, dans sa décision, la cour d'appel « a confirmé que l'action du ministre (de l'Économie et des Finances), telle que mise en œuvre au cas présent, ne relève pas du champ d'application du règlement » européen contesté. « Dès lors », l'une des sociétés assignées et l'association étant basées en France et relevant du ressort du tribunal de commerce de Paris, « la procédure se poursuit » devant ce dernier, conclut le communiqué.

Des centrales toujours dans le viseur de Bercy

Cette décision est en tout cas rendue alors que, avec la crise agricole de ces dernières semaines, les centrales d'achat européennes des grands distributeurs, dont Leclerc, sont de nouveau dans le viseur de l'exécutif français. « Nous avons rappelé que ces dernières doivent respecter les lois nationales. Un produit vendu en France doit respecter les règles de la loi française », a encore martelé ce matin le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, à l'occasion de la conférence de presse du Premier ministre pour tenter d'apaiser la colère des agriculteurs.

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Des contrôles ont été menés auprès de ces centrales et le ministre a d'ailleurs indiqué que deux d'entre elles n'ont pas respecté les dispositions de la loi Egalim. « Nous avons lancé des pré-amendes pour des montants qui se chiffrent en dizaines de millions d'euros. Elles ont deux mois de contradictoire. Au terme de ces deux mois, les sanctions seront définitives », a-t-il détaillé.

La loi Egalim - ou plutôt les lois puisque quatre versions se sont succédées depuis la première promulguée en novembre 2018 - sont censées garantir aux agriculteurs une rémunération décente en évitant qu'ils vendent à des prix inférieurs à leurs coûts de production. En vain. Si bien qu'un projet de loi pour « renforcer le dispositif Egalim » a été promis par le Premier ministre ce mercredi, parmi tout un panel d'autres mesures.

Outre Eurelec, il existe comme centrale d'achat Eureca pour Carrefour, basée à Madrid ou Everest, mis en place aux Pays-Bas par l'allemand Edeka et le néerlandais Picnic, que Système U a rejoint plus récemment. Certaines centrales européennes ne sont pas des centrales d'achat mais de services, qui facturent des prestations aux fournisseurs agro-industriels. La nature de ces prestations est d'ailleurs souvent floue.

(Avec AFP)