Avancée des négociations commerciales : cela a « accru les tensions », dénonce le lobby des industriels

Afin de répercuter plus vite dans les rayons les baisses de prix de gros de certaines denrées, le gouvernement a avancé le calendrier des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs agro-industriels. Un changement qui a « accru les tensions », selon le PDG de l'Ilec, le lobby des grands industriels, en plein mouvement de colère des agriculteurs inquiets pour leurs revenus.
Ces propos du PDG du lobby des grands industriels, Richard Panquiault, interviennent dans un contexte tendu, en pleine crise agricole en France.
Ces propos du PDG du lobby des grands industriels, Richard Panquiault, interviennent dans un contexte tendu, en pleine crise agricole en France. (Crédits : Reuters)

D'ordinaire déjà tendues, les négociations commerciales conclues en ce début 2024 l'auraient été encore plus cette année. C'est en tout cas ce qu'affirme le PDG de l'Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec), qui porte la voix des très grands industriels.

La raison est double à ses yeux. D'une part : « Au lieu d'avoir trois mois de négociations, on a eu que six semaines ou huit semaines », a déploré Richard Panquiault sur BFM Business ce mercredi. Il est vrai que les négociations se terminent habituellement le 1er mars, mais elles ont été avancées cette année par le gouvernement qui espérait ainsi que soient répercutées plus vite dans les rayons les baisses de prix de gros de certaines denrées, après deux ans de très forte inflation alimentaire à plus de 20% en moyenne. Elles ont ainsi pris fin le 31 janvier dernier.

D'autre part, « on n'a pas fait évoluer le calendrier des négociations en amont de la même façon », a ajouté Richard Panquiault. Et d'expliquer : « Ce qui veut dire qu'effectivement, quand les industriels ont envoyé leurs tarifs pour négocier avec les distributeurs, la plupart du temps ils n'avaient pas finalisé les contrats en amont avec les agriculteurs. Et c'est ce décalage cette année qui crée des tensions particulières », a-t-il avancé.

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Il y a « bien sûr » régulièrement des « tensions » lors des négociations commerciales, a concédé le patron de l'Ilec, mais « on n'a pas été aidés par le schéma législatif et par l'anticipation » du calendrier, a-t-il déclaré. « Et on n'a pas été non plus aidés par le fait qu'un certain nombre de distributeurs ont décidé qu'on ne négociait plus en France mais en Espagne, aux Pays-Bas », a-t-il taclé, sans citer de noms.

Un nouveau projet de loi d'ici cet été

Ces propos du PDG du lobby des grands industriels interviennent dans un contexte de crise agricole en France. La mobilisation des agriculteurs ces dernières semaines a mis la lumière sur les lois Egalim, censées leur garantir une rémunération décente en évitant qu'ils vendent à des prix inférieurs à leurs coûts de production. Quatre versions se sont succédées depuis la première, promulguée en novembre 2018 lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Pour un résultat qui ne satisfait pas tout le monde.

Si bien que le Premier ministre, Gabriel Attal, a promis lors de sa conférence de presse de ce mercredi matin, « un nouveau projet de loi pour renforcer le dispositif Egalim qui sera présenté d'ici l'été ». Dans cette optique, une mission parlementaire a été confiée aux députés Alexis Izard (Renaissance) et Anne-Laure Babault (MoDem).

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Richard Panquiault s'est exprimé sur cette volonté du gouvernement. Pour lui, le revenu des agriculteurs « est traité par Egalim 2, qui a deux ans. On est seulement à notre troisième campagne de négociations sur la base de ce texte-là », a-t-il rappelé. « Il faut d'abord en faire l'analyse, le bilan », estime-t-il.

La Coopération agricole, qui rassemble les entreprises coopératives, relève de son côté que c'est une minorité des revenus agricoles, de l'ordre de 40%, qui dépend des négociations commerciales. Les céréales, en grande partie destinées à l'export, ne sont largement pas concernées par Egalim, comme la restauration collective ou la vente directe. C'est pourquoi la présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h, a demandé ce mercredi auprès de l'AFP que la loi Egalim soit étendue à « 100% des produits qui sortent (des) fermes » françaises.

L'enjeu crucial des contrôles

La question à travers ce nouveau texte sera toutefois de connaître l'étendue des contrôles et la capacité de l'État à sanctionner. Le gouvernement a martelé ces dernières semaines qu'il renforcerait le contrôle des contrats signés dans le cadre des négociations, ainsi que les sanctions pour les industriels et distributeurs qui ne respecteraient pas la loi. Et s'y est attelé : à l'issue des négociations de cette année, 1.400 contrôles ont été réalisés sur les 200 plus grands industriels et sur les 5 grands distributeurs, a indiqué ce mercredi le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. Il en ressort « 150 cas de non-conformité, notamment pour des retards dans la signature des contrats ». Des pré-sanctions ont été notifiées.

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Bruno Le Maire a annoncé que 150 agents de la Répression des fraudes (DGCCRF), service de Bercy, étaient mobilisés pour contrôler grands industriels et supermarchés. Un chiffre à comparer avec la pluralité des acteurs concernés. Solidaires CCRF & SCL, premier syndicat de la Répression des fraudes, rappelle que les effectifs de cette administration ont fondu de près de 30% depuis 2007, alors qu'il y a « plusieurs dizaines de milliers d'opérateurs », dont plus de 17.000 agro-industriels.

Dans le cadre de ce renforcement des contrôles, il ressort aussi que deux centrales d'achat européennes de la grande distribution « n'ont pas respecté la loi française ». Elles sont donc ciblées par des « pré-amendes » s'élevant à plusieurs « dizaines de millions d'euros ». Elles ont deux mois pour faire valoir leurs arguments contradictoires, au terme desquels les sanctions seront « définitives ».

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 22/02/2024 à 8:41
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Et un lobby tendu c'est une espèce animale et dix végétales qu disparaissent !

à écrit le 22/02/2024 à 0:19
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La restauration collective et la vente directe doivent été concernée par egalim sinon c es tgv du détournement et de la francisation affichée… les poulets importés se retrouvent dans les sandwichs de boulangerie - 4 opérateurs se partagent le marché ...

le 22/02/2024 à 1:07
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En fait les français ne peuvent pas manger ce qu'ils veulent ?

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