Un proche de Hollande, une directrice d'Air France, un choix interne...Qui pour piloter ADP ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1165  mots
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A deux mois de la fin de la présidence de Pierre Graff à la tête du gestionnaire des aéroports parisiens, la campagne bat son plein. Cette nomination est très surveillée. Ce sera la première de l'ère Hollande concernant une entreprise cotée en Bourse. La Tribune présente les candidats, tous officieux, et ceux qui sont pressentis.

Le 11 novembre prochain, le PDG actuel d'Aéroports de Paris (ADP), Pierre Graff, lâchera les commandes du gestionnaire des aéroports de Roissy et d'Orly. Frappé par la limite d'âge, alors qu'il aurait bien aimé continuer jusqu'à la fin de son mandat en 2014, il est contraint de démissionner, ouvrant une véritable bataille de succession à la tête de cette entreprise contrôlée à 52,1% par l'Etat (le FSI en possède par ailleurs 8%), cotée en Bourse depuis 2006. Cette nomination est très surveillée. Ce sera la première du gouvernement socialiste concernant une entreprise cotée.
Que va t-il faire ? Choisir « l'un des siens », comme il l'a fait avec la Caisse des Dépôts avec Jean-Pierre Jouyet ? Une personne du camp opposé, afin d'en faire une « nomination d'ouverture » pour mieux faire sauter certains patrons jugés trop proches de Nicolas Sarkozy, comme Henri Proglio, le patron d'EDF? Ou bien un candidat interne de cette entreprise qui résiste à la crise et dont le travail d'amélioration de la qualité de services commence enfin à porter ses fruits ?

Aujourd'hui le gouvernement ne s'est pas encore penché pleinement sur cette nomination. Il doit déjà régler celle de Réseau ferré de France (RFF). Ce qui n'empêche pas la compétition de battre son plein. Au moins quatre noms ressortent.

Le proche du chef de l'Etat

Jean-Marc Janaillac, 59 ans, actuellement directeur du développement de la RATP, est sur les rangs, comme l'avait révélé le Figaro en mai. Proche de François Hollande, il a côtoyé ce dernier sur les bancs d'HEC, mais aussi de l'Ena (dans la célèbre promotion Voltaire). Il a également fait partie du pôle transport du chef de l'Etat durant sa campagne présidentielle. Il possède une expérience du transport aérien, puisqu'à la fin des années 90, il fut directeur général délégué de la défunte AOM. Pierre Mongin, l'actuel PDG de la RATP, et ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin… (lui aussi sorti de la célèbre promotion Voltaire), ne cesse de le mettre en avant.

La directrice générale d'Air France

Si certains observateurs considèrent Jean-Marc Janaillac comme le favori en raison de sa proximité avec le chef de l'Etat et son expérience dans le transport aérien, il n'est pas le seul à être pressenti à gauche. Selon plusieurs sources, Florence Parly, 49 ans, ancienne secrétaire d'Etat au budget dans le gouvernement Jospin (en janvier 2000), et aujourd'hui directrice générale adjointe d'Air France en charge du cargo, est bel est bien sur le coup. L'an dernier, elle a postulé à la présidence d'Air France, qui a été, in fine, confiée à Alexandre de Juniac, l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy et ancien de Thales.
Du bon côté politique, brillante, jeune, Florence Parly est considérée par beaucoup à gauche comme la candidate idéale. Pour autant, certains observateurs craignent que la nomination à la tête d'ADP d'une dirigeante d'Air France, appréciée d'Alexandre de Juniac, soit difficile à faire passer auprès des autres compagnies aériennes et des salariés d'Aéroports de Paris. «Il y a peut être un sujet de droit commercial ou de droit de la concurrence. Que vont dire les compagnies quand elles transmettront à ADP leurs plans de vols ? », fait valoir un observateur.

Les choix internes

Face à ces candidats externes et de gauche, se trouvent deux candidats internes, l'un à gauche, Laurent Galzy, 55 ans, directeur financier d'ADP (plutôt tendance Aubry), l'autre, François Rubichon, 49 ans, directeur général délégué du groupe et chiraquien (il a notamment été directeur adjoint de cabinet du ministre des Transports de Gilles de Robien de 2002 à 2005). Auparavant, il était PDG d'une filiale de La Poste. Même s'il n'a pas la bonne couleur politique, ce dernier fait office de grand favori en cas de nomination interne. Il peut notamment mettre en avant l'amélioration de la qualité de services qui commence, enfin, à voir le jour à Roissy et à Orly. C'est en effet à lui que Pierre Graff avait confié cette tâche. « L'enjeu aujourd'hui pour ADP, c'est de continuer d'améliorer la qualité de services. Sur ce point, de nombreuses choses ont changé et c'est lui qui s'en occupe depuis des années. Si la compétence est le seul critère retenu, il l'emportera », explique un expert des questions aéroportuaires, très au fait de la situation chez ADP. Quant à Laurent Galzy, qui était, selon cette source, aux premières loges sur le dossier de l'acquisition de 38% de TAV en Turquie, il faudra patienter un peu pour voir s'il peut utiliser ou pas cette opération comme un fait d'arme après l'annonce imprévue du gouvernement turc de lancer la construction d'un troisième aéroport à Istanbul pour 2015

A deux mois de l'échéance, d'autres candidats vont à coup sûr sortir du bois. Déjà, un nouveau nom ressort souvent. Celui de Patrick Gandil, aujourd'hui à la tête de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Ancien directeur de cabinet de Gilles de Robien au ministère des Transports (il a succédé à Pierre Graff quand celui-ci a été nommé à la présidence d'ADP en 2003), il connaît bien ADP pour en être administrateur.

Les candidats d'ouverture

Pour autant, certains observateurs n'excluent pas que le gouvernement propose le poste à une figure de la droite, une sorte de « nomination de l'ouverture ». Outre François Rubichon, plutôt considéré comme un choix interne, les noms d'Augustin de Romanet, ex patron de la Caisse des Dépôts, ou celui de l'actuel numéro deux Antoine Gosset-Grainville, circulent en effet. Pour le premier cette hypothèse ne tient que s'il échoue dans quelques jours à être nommé au poste de directeur général de CNP Assurances.  Le nom de Didier Banquy, ancien directeur de cabinet de François Baroin à Bercy, est cité également en coulisse. Au printemps, le poste avait été, selon nos informations, proposé à Xavier Musca, secrétaire général de l'Elysée du temps de la présidence de Nicolas Sarkozy, qui l'avait refusé, avant de rejoindre le Crédit Agricole.

L'Etat, un mauvais patron?

Mardi, dans un communiqué, Serge Gentili (FO), administrateur salariés d'ADP, s'est inquiété du mutisme de l'Etat et de lire dans "seulement quelques articles de presse" des "candidatures de gens probablement très compétents, mais qui posent des problèmes de conflits d'intérêts ou qui ont eu une expérience dans l'aérien discutable…". Il déplore qu'une séparation des pouvoirs entre les fonctions de président et de directeur général délégué n'ait pas été retenue afin d'éviter un « double parachutage ». Et de s'interroger : "l'Etat serait-il un mauvais patron en manquant d'anticipation pour une entreprise fondamentale dans la chaine du transport aérien national et européen ? Où va ADP ? "