Nouveau pavé dans la mer pour la SNCM... pour Veolia et l'Etat

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  666  mots
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Le tribunal de l'Union européenne a annulé ce mardi une décision de la Commission qui avait validé des aides accordées par la France en 2002 et en 2006 à la compagnie de ferries. Face à la menace de remboursement d'une somme qu'elle n'a pas, la compagnie de ferries va faire appel.

Les choses se corsent pour la SNCM et pour ses actionnaires, Veolia Environnement (66% du capital), l'Etat (25%) et les salariés (9%). La décision tant redoutée est arrivée. Le tribunal de l'Union européenne a annulé ce mardi une décision de la Commission européenne qui avait validé des aides accordées par la France en 2002 et en 2006 à la compagnie de ferries. Avec à la clé, la menace d'un remboursement d'une somme que l'entreprise n'a pas.

Deux aides dans le collimateur

Les montants sont de deux ordres, l'un concernant un plan de restructuration de la SNCM en 2002 (22,5 millions sur un total de 76 millions perçus), l'autre celui de sa privatisation en 2006, où trois aides sont dans le collimateur: une recapitalisation de la SNCM pour 158 millions d'euros, un apport supplémentaire en capital par la CGMF (Compagnie générale maritime et financière, propriété de l'Etat français, qui détenait jusqu'alors la SNCM à 80% aux côtés de la SNCF) de 8,75 millions et une avance en compte courant pour 38,5 millions visant à financer un éventuel plan social. Sur ce volet, le montant à rembourser éventuellement est difficile à évaluer, car certaines aides d'Etat peuvent être compatibles avec les règles européennes. Pour autant, dans l'ancien gouvernement Fillon, on évoquait une menace de remboursement global de l'ordre de 30 à 50 millions d'euros.

"La Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation en constatant, d'une part, que certaines mesures du plan de restructuration de 2002 constituaient des aides d'Etat compatibles avec le marché commun et, d'autre part, que les mesures du plan de privatisation de 2006 ne constituaient pas des aides d'Etat", a souligné le tribunal. La Commission a fait savoir qu'elle "étudierait avec attention ce jugement et prendrait les mesures appropriées". La SNCM, s'est empressé de souligner qu'"à ce stade, il n'y a pas d'impact financier direct" de cette décision, dont elle va faire appel.

L'Etat va examiner avec Veolia les conséquences de cette décision

Dans un communiqué, le ministère des Finances a pris de la décision. "La question d?un éventuel pourvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne est en cours d?examen, à la lumière de la motivation de la décision du tribunal de l?Union européenne", a indiqué Bercy, précisant que "l?Etat examinera avec l?actionnaire majoritaire Veolia les conséquences de cette décision et les suites à lui donner".

La SNCM va faire appel
Corsica Ferries, à l'origine du recours, a salué cet arrêt. "Petit à petit, nous parvenons à faire avancer et reconnaître une certaine logique dans ces dossiers où l'argent public coule à flot et où l'intervention de l'Etat a trop souvent distordu le marché au détriment d'une saine concurrence entre les compagnies maritimes", a commenté son directeur général, Pierre Mattei, dans un communiqué.

Veolia poussait l'Etat à lui reprendre ses parts
L'hypothèse d'un tel remboursement était redoutée par Veolia. Selon nos informations, le groupe a cherché à convaincre le gouvernement Fillon de lui reprendre ses parts dans la SNCM. Au motif qu'une clause confidentielle glissée dans le pacte d'actionnaires signé lors de la privatisation de la SNCM en 2006 stipulait qu'en cas d'obligation faite par Bruxelles d'ici au 16 mai 2012 de rembourser des aides d'Etat, l'Etat devait lui reprendre ses parts. Il n'en fut rien malgré la volonté de Veolia de proroger la date limite.

D'autres nuages
La question des aides d'Etat n'est qu'un écueil supplémentaire dans les péripéties que rencontre la SNCM, dont les pertes d'exploitation se sont élevées à 12 millions d'euros en 2011, pour un chiffre d'affaires stable à 285 millions. Bousculée par la concurrence féroce de Corsica Ferries, dont les navires battent pavillon italien (plus avantageux), la SNCM redoute un durcissement par l'Office des transports de Corse de la délégation de service public (DSP) pour la desserte de la Corse à partir de 2014. Fin juin, Bruxelles a ouvert une enquête sur les compensations qu'elle a reçues dans le cadre de cette DSP.