Vinci a-t-il payé trop cher les aéroports portugais ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  587  mots
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Le groupe français a déboursé 3 milliards pour rafler le gestionnaire des aéroports portugais ANA, un montant 15 fois supérieur aux bénéfices d'exploitation 2011 du groupe portugais. Pour autant, en investissant dans un actif en zone euro et fortement connecté à la croissance sud-américaine, Vinci frappe un grand coup.

En déboursant 3,08 milliards d'euros pour mettre la main sur le gestionnaire des aéroports portugais ANA, Vinci n'a-t-il pas surpayé sa cible ? Au moment où le Portugal est en difficulté, acheter une entreprise 15 fois son bénéfice d'exploitation en 2011 (200 millions d'euros) est-il opportun?

Un moyen de profiter de la croissance en Amérique latine

La somme est en effet coquette. Pour autant, contrairement à ce que pensent beaucoup d'analystes, Vinci « n'achète pas en haut ». Le potentiel d'ANA est en effet très important. Non seulement sur le développement des revenus non-aéronautiques (parkings, commerces) mais aussi sur celui du trafic aérien. Car le vaisseau amiral d'ANA, l'aéroport de Lisbonne, est fortement connecté au Brésil, en pleine croissance, en raison de la puissance de feu sur cet axe de TAP Portugal. «Vinci a acheté un actif en zone euro sans risque sur les taux de change, fortement exposé à la croissance en Amérique du sud. C'est moins risqué et moins cher que d'acheter directement un aéroport au Brésil où les prix sont pour le coup trop élevés», explique un très bon connaisseur du monde aéroportuaire. A cela s'ajoute l'élasticité de la croissance du trafic aérien au PIB toujours de l'ordre de 2,5. Mais alors pourquoi les concurrents, Fraport, Flughafen Zürich n'ont pas proposé autant que Vinci ? «Tous étaient associés avec des fonds d'investissement qui tirent les prix vers le bas car ils veulent sortir dans 4 à 5 ans », explique un proche du dossier. Vinci était seul. Ce qui ne l'empêchera pas à terme d'ouvrir le capital d'ANA s'il le souhaite.

Le tremplin à l'international

Par ailleurs, Vinci se devait de l'emporter pour des raisons stratégiques. Cantonné jusqu'ici à la gestion d'une dizaine de petits aéroports français et seulement de quelques uns au Cambodge à l'international, «le groupe dirigé par Xavier Huillard peut désormais se targuer d'être un acteur du monde aéroportuaire en zone euro digne de ce nom», explique un concurrent. En intégrant les dix aéroports portugais, Vinci Airports gère au total 23 aéroports transportant plus de 40 millions de passagers dans le monde.

Les déconvenues de 2001

Il est donc loin le temps où Vinci essuyait des déconvenues dans le secteur aéroportuaire. Pour rappel, après avoir lancé une OPA sur le groupe aéroportuaire britannique TBI avant les attentats du 11 septembre 2001, Vinci avait réussi à limiter la casse en ne prenant que 14,9% de l'opérateur britannique qu'il avait revendu en 2004.

Dans le même temps, Vinci avait acheté la société américaine WFS (le protocole d'accord avait signé le 10 septembre 2001), spécialisée dans les services aéroportuaires outre-Atlantique. Le groupe, alors piloté par Antoine Zacharias, avait ensuite réussi à vendre sans perte cet actif. « A l'époque, le timing du développement dans l'aéroportuaire n'était pas bon. Aujourd'hui il l'est. Huilliard a frappé fort en prenant tout le monde de vitesse dans une enchère qui n'est pas le point fort du groupe, et ce en Europe du sud, une zone dans laquelle la crise de l'euro s'annonce plus derrière nous que devant nous », estime un expert en aéroports.

La perte de TAV, une bonne chose?

Vinci a même la baraka. La défaite en finale en début d'année face à Aéroports de Paris (ADP) pour l'acquisition de 38% du groupe aéroportuaire turc passe beaucoup mieux avec les interrogations qui planent autour de cet investissement de 700 millions d'euros.