Réforme ferroviaire : une nouvelle usine à gaz ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  960  mots
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Avec la remise des rapports de l'ancien ministre socialiste, Jean-Louis Bianco et du président de la commission infrastructures et transports de l'association des régions de France, Jacques Auxiette le gouvernement dispose de tous les outils pour préparer son projet de loi sur la réforme du système ferroviaire français. Ils confortent la création d'un holding de tête (un Epic) coiffant deux autres Epic (le gestionnaire unifié d' infrastructures, rattaché à la SNCF, et la SNCF).

On y est. Avec la remise des rapports de l'ancien ministre socialiste, Jean-Louis Bianco, et du président de la commission infrastructures et transports de l'association des régions de France, Jacques Auxiette (également président du Conseil régional des Pays de Loire), le gouvernement dispose de tous les outils pour préparer son projet de loi sur la réforme du système ferroviaire français, dont l'objectif vise à mettre en place une nouvelle organisation entre le gestionnaire des infrastructures (Réseau Ferré de France, RFF) et les exploitants, en particulier bien sûr la SNCF.

La dette s'accroît de 1;5 milliard d'euros par an

Ceci dans le but d'améliorer la qualité de services, de préparer la SNCF à l'ouverture du marché intérieur français du transport de passagers à partir de 2019, et de réduire, du moins enrayer dans un premier temps, la dette du système ferroviaire (32 milliards pour RFF, 8 milliards pour la SNCF) qui s'accroît de 1,5 milliard d'euros chaque année, et peut-être 2 milliards très rapidement. « Au regard de la situation économique, on ne peut pas envisager une reprise de cette dette », a indiqué ce lundi Jean-Louis Bianco, dont les recommandations visent à ne pas augmenter la dette dans un premier temps.

Pour trouver ce 1,5 milliard, outre les gains de la nouvelle organisation du système qui découlerait de la mise en place d'un gestionnaire public unifié, dit GIU, (500 à 600 millions d'euros de gains), d'une meilleure productivité (500 à 600 millions d'eurosp), il propose pour obtenir les 500 millions restants « que soit acté par la loi que l'Etat renonce à l'argent des dividendes et de l'impôt sur les sociétés de la SNCF pour le remettre dans de nouveaux investissements ». Devant les députés fin mars, Guillaume Pepy avait lui aussi fait un calcul. « L'unification du gestionnaire d'infrastructures peut générer des gains de 1 à 2% de productivité. Sur un capital de 100 milliards d'euros (pour moitié à RFF, pour l'autre à la SNCF), le gain est de 1 à 2 milliards », avait expliqué Guillaume Pepy. Pour Jean-Louis Bianco, le plan de retour à l'équilibre et à la stabilisation de la dette sera défijni par deux contrats décennaux de performance conclus entre l'Etat et les deux activités opérationnelles, le GIU et la SNCF.

RFF et la SNCF réunis
Pour Jean-Louis Bianco, outre la rapidité d'exécution, la création de ce gestionnaire d'infrastructures unifié est la condition de la réussite de la réforme ferroviaire. L'objectif est de créer un GIU rattaché à la SNCF, regroupant RFF, la direction de la circulation ferroviaire et les cheminots de la SNCF chargés de l'entretien des voies. Un ensemble qui regroupera 50 000 salariés. Ce système intégré mettra donc fin au schéma mis en place en 1997 avec la création de RFF comme responsable du réseau ferré à la place de la SNCF, mais dont la gestion de l'infrastructure opérationnelle était confiée à la SNCF (dans sa branche SNCF Infra).

Cette gouvernance bicéphale de l'infrastructure s'est soldée par une multiplication des doublons, des services non coordonnés. Bref, par un système déficient et coûteux. Selon Jean-Louis Bianco, la séparation entre la gestion des voies, confiée à RFF en 1997, et l'exploitant historique des trains SNCF a entraîné de « l'opacité, de la bureaucratie (...), un inacceptable gaspillage du travail humain et un coût élevé».

Trois Epic

Pour chapeauter l'ensemble, l'idée est de créer une sorte de holding batpisé pôle public ferroviaire. Disposant du statut d'Epic (établissement publci à caractère industriel et commercial), il sera chargé du pilotage, de la cohérence du système avec en dessous deux autres Epic, l'un chargé de la gestion et l'attribution des sillons (le gestionnaire d'infrastructures), l'autre du transport (la SNCF). « Le système que nous proposons vise à une cohérence opérationnelle, technique, sociale, économique, explique-t-il. Il ne s'agit pas de revenir à une économie administrée. C'est tout le contraire. L'action doit se faire au sein d'un gestionnaire d'infrastructures unifié et de la SNCF. Pour Gérard Auxiette, « ce pôle public ferroviaire doit être le bras armé de l'Etat et du Parlement pour mettre en place la réforme du ferroviaire ». Le gestionnaire d'infrastructures doit quant à lui « est le propriétaire, du moins le responsable de tout le patrimoine ferroviaire de la nation, y compris les gares ».

Euro compatible
Pour autant, la France devra mettre en place les garde-fous nécessaires pour que ce gestionnaire d'infrastructures, rattaché à la SNCF, soit euro-compatible et garantisse un traitement équitable aux nouveaux entrants. Jean-Louis Bianco a assuré avoir reçu des signaux positifs sur la compatibilité d'une telle réforme avec la directive en préparation à Bruxelles. Ce projet est « euro-compatible », a-t-il estimé. A condition d'y mettre des garde-fous. L'ancien ministre suggère ainsi de garantir le comportement impartial du gestionnaire d'infrastructures, de renforcer le rôle de l'Autorité régulatrice du secteur (Araf) ou encore de créer une commission de déontologie.

De deux à trois acteurs
Pour autant, comme le souligne certains observateurs « attention à ne pas créer une nouvelle usine à gaz ». En gros, en passant d'un système ingérable à deux acteurs (la SNCF et RFF), à un système ingérable à trois. «La vraie question est de connaître exactement le contenu de ce pôle public ferroviaire. Si elle est une structure chapeau avec une équipe de 20 personnes, ça ira. Si elle devient une nouvelle grosse machine, un nouvel acteur dans le système, cela posera problème », estime un professionnel du secteur. Et de prendre l'exemple de la Belgique qui avait créé une grosse holding il y a cinq ans et qui aujourd'hui sépare à nouveau les activités de gestion d'infrastructures de celles d'exploitation du réseau.