Boeing de Malaysia Airlines, "un mystère aéronautique sans précédent

Par latribune.fr  |   |  1224  mots
Plus de 3 jours après sa disparition, le Boeing 777-200 de la compagnie malaisienne reste introuvable. Un équipage de Cathay Pacific a indiqué avoir repéré des débris. La zone de recherche a été étendue.

Aucun débris retrouvé, aucun signe d'explosion en vol repéré par les radars américains, aucun signal de détresse envoyé par l'avion, pas de signaux de l'émetteur de localisation d'urgence (Emergency Locator Beacon, ELT) de l'avion : Moins de 72 heures après avoir disparu des écrans radars, le mystère du Boeing 777-200 ER de Malaysia Airlines - qui a perdu le contact avec le centre de contrôle de Subang samedi à 2h40 (heure locale), alors qu'il volait jusque là à une altitude de 35.000 pieds (10.670 kilomètres) - reste entier. 

"C'est le moment le plus sûr du vol" et le Boeing 777 est un appareil extrêmement fiable avec "de très, très rares incidents" recensés depuis sa mise en service, souligne Chris de Lavigne, vice-président du cabinet de conseil Frost & Sullivan, spécialiste d'aéronautique."Tout cela est très curieux".

La météo était favorable et, contrairement à l'AF 447 d'Air France qui s'est abîmé au large du Brésil le 1er juin 2009 avec 228 personnes à bord, l'appareil de Malaysia Airlines n'a pas transmis de messages ACARS. En cas de dysfonctionnements, des messages sont envoyés de manière automatique au centre de contrôle des opérations de la compagnie.

Nappes de carburant, fausse alerte

Pour le directeur de l'Aviation civile malaisienne, Azharuddin Abdul Rahman, il s'agit d'un "mystère aéronautique sans précédent". Aucun indice n'a été retrouvé. Comme si l'avion s'était volatisé. "Malheureusement, nous n'avons rien trouvé qui ressemblerait à des débris de l'avion, sans parler de l'avion lui-même", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse lundi. La nappe de carburant détectée en mer ne provenait pas de l'avion, selon l'enquête menée par les autorités sur place. Par comparaison, les premiers débris de l'AF447, qui s'était abîmé au large du Brésil le 1er juin 2009 avaient été retrouvés au bout de 48 heures. Lundi soir, un équipage de Cathay Pacific a indiqué avoir repéré des débris dans une zone située à 500 km de l'endroit où l'avion a perdu le contact radar. Cette zone ne correspondrait pas au plan de vol de l'avion.

De gros moyens engagés

Pourtant, d'importants secours navals et aériens ont été engagés pour tenter de retrouver la trace de l'appareil. Dix pays ont dépêché 40 navires et 34 avions pour quadriller une vaste zone maritime de 50 miles nautiques de rayon (92,6 km) entre la Malaisie et le sud du Vietnam, une zone de trafic maritime dense. Soit 27.000 km2 au total, l'équivalent de la Bretagne.

Un avion de patrouille maritime P-3 de l'US Navy envoyé dans le nord du détroit de Malacca, capable de couvrir chaque heure une superficie de près de 4.000 km2, est pour l'instant resté bredouille. "Nos appareils sont capables de détecter des petits débris en mer, mais jusqu'ici, ce n'étaient que des déchets ou des morceaux de bois", a déclaré un porte-parole de la 7e Flotte américaine. La Marine américaine va envoyer un deuxième destroyer, l'USS Kidd, dans la zone de recherche. "Celle-ci a été étendue en mer de Chine méridionale", a déclaré, Azharuddin Abdul Rahma, notant que des recherches étaient également menées sur la côte ouest de la Malaisie et sur terre. 

Selon la presse officielle chinoise, la Chine a redéployé 10 de ses satellites dans l'espoir de parvenir à localiser l'appareil, Les satellites chinois à haute résolution, contrôlés depuis la base de Xian, dans le nord du pays, vont être utilisés pour l'aide à la navigation, l'observation des conditions météorologiques, les communications et autres aspects des opérations de recherche, a indiqué le Quotidien de l'Armée populaire de libération chinoise.

Les hypothèses vont bon train

"Le fait que nous soyons toujours incapables de trouver des débris semble indiquer que l'appareil s'est probablement désintégré à environ 35.000 pieds", a déclaré dimanche à Reuters une source proche de l'enquête. En cas de désintégration, l'attentat n'est pas nécessairement la cause. Si la désintégration d'un Boeing 747 de la Pan Am, le 21 décembre 1988, avait été causée par un acte terroriste, le 12 août 1985, le B747 de Japan Airlines avait été victime d'une erreur de maintenance. Le Boeing 747 de la TWA avait lui subi une explosion accidentelle le 17 juillet 1996.

Erreur de diagnostic?

L'avion n'a envoyé aucun signal de détresse ce qui pourrait suggérer une défaillance mécanique soudaine ou une explosion. "Il peut s'agir soit d'une défaillance mécanique grave ou de quelque chose d'un peu plus sinistre", avance Chris de Lavigne, vice-président du cabinet de conseil Frost & Sullivan, spécialiste d'aéronautique. Gerry Soejatman, un expert indépendant basé en Indonésie, a évoqué "la possibilité d'une explosion" à moyenne altitude ou "un simple problème" suivi d'une erreur de diagnostic de l'équipage. "Ils ne réalisent pas ce qui se passe et l'avion s'écrase. C'est ce qui est arrivé dans le cas de l'AF447". Les Etats-Unis ont examiné minutieusement les images de leurs satellites espions dans la région pour trouver des indices d'une explosion en plein vol, mais n'ont rien trouvé, a de son côté indiqué un responsable du gouvernement américain.

Faux passeports

La piste de l'attentat est évoquée depuis qu'Interpol, l'organisation internationale de coopération policière, a confirmé dimanche que deux passagers avaient utilisé des passeports volés en Thaïlande, l'un italien, l'autre autrichien.

Un diplomate européen en poste à Kuala Lumpur a toutefois souligné à Reuters que la capitale malaisienne était un centre de transit pour les immigrés clandestins d'Asie qui cherchent à rejoindre l'Europe grâce à de faux documents via des routes complexes passant par Pékin ou l'Afrique de l'Ouest. "Le fait que deux personnes à bord étaient munis de faux passeports ne signifie pas automatiquement qu'ils ont un lien avec la disparition de l'avion", a-t-il dit.

Pourquoi ce virage?

Les ultimes observations radar confirment par ailleurs que l'avion effectuait un virage peu avant de disparaître des écrans. "Il reste à déterminer si (le virage) était prévu par le plan de vol ou si l'avion a essayé de faire demi-tour", observe Gerry Soejatman. "Il faut faire preuve de prudence : ce virage indiqué par le radar, est-ce un demi-tour ou une chute?".

En cas de défaillance majeure des instruments de navigation, il est possible, selon les experts de piloter à l'appareil, à condition que cela n'affecte pas les autres fonctions de l'avion. Les pilotes disposent d'un "outil comparable à un simple compas" destiné à les guider dans la recherche d'un espace pour effectuer un atterrissage d'urgence. Chris de Lavigne ajoute que les pilotes, dans le cas d'une grave avarie des outils de navigation, auraient pu prendre le contrôle manuel de l'avion et eu le temps d'envoyer un signal de détresse.

Boîtes noires

Quant à l'absence de signaux de l'émetteur de localisation d'urgence (Emergency Locator Beacon, ELT) de l'avion, Gerry Soejatman. Explique que "la dynamique d'un impact est si complexe que (l'émetteur) ne se déclenche pas forcément tout le temps. Il devrait fonctionner la plupart du temps". Les boîtes noires devraient, elles, envoyer un signal depuis le fond de la mer détectable à l'aide d'un sonar.