Roissy CDG : un nouveau terminal (colossal) est prévu dans 10 ans (PDG d’Aéroports de Paris)

Par Fabrice Gliszczynski et Philippe Mabille  |   |  2131  mots
Augustin de Romanet, PDG d'Aéroports de Paris
Investissements pour le prochain contrat de régulation économique, projet d'un terminal 4 à Roissy d'ici à 10 ans, offre déposée sur L'aéroport new-yorkais de La Guardia..., Augustin de Romanet, PDG d'Aéroports de Paris, détaille sa stratégie à La Tribune.

LA TRIBUNE - Votre mandat s'achève en juillet. Si vous êtes reconduit, quelles seront vos priorités à la tête d'Aéroports de Paris?

Les hubs sont en concurrence et ma priorité est de renforcer notre compétitivité pour attirer le trafic à Paris. Le principal objectif d'une entreprise est de créer de la richesse pour ses clients, les territoires qui sont autour, ses actionnaires et ses collaborateurs. Je souhaite ne négliger aucun de ces quatre partenaires. Nous devons définir les termes du prochain contrat de régulation (CRE) que nous signerons avec l'Etat pour la période 2016-2020, afin qu'ils permettent à la place aéroportuaire de Paris d'être la plus attractive possible.

Ce contrat de régulation économique fixera le niveau des investissements sur la période et le montant des redevances qui seront demandées aux compagnies aériennes pour les financer. Quels investissements prévoyez-vous ?

Ce troisième CRE devra porter une grande attention aux questions de maintenance. A Paris-Orly notamment dans la mesure où l'état de certaines  installations vieilles de 50 ans nécessite dès à présent des travaux de rénovation ou de renouvellement. Une dépense importante du CRE 3 sera la liaison du terminal ouest et sud d'Orly avec la création d'un bâtiment de jonction de 80 000 m2. Nous avons également à financer la mise aux nouvelles normes des équipements de sûreté pour les bagages qui justifiera un investissement de plus de 550 millions d'euros ainsi que des nouveaux équipements de tri-bagages à Charles-de-Gaulle. 

Si nous ne faisons pas ces investissements dans le prochain contrat de régulation (CRE3), nous ne pourrions pas les mener à bien dans le CRE 4 (2021-2025) qui pourrait avoir la charge très élevée de devoir financer la construction d'une première tranche du nouveau terminal 4 de Paris Charles-de-Gaulle, dont la mise en service serait prévue au milieu des années 2020 au moment où la plateforme aura atteint sa capacité maximale de 80 millions de passagers, à l'horizon 2023-2025. Ce terminal qui pourrait accueillir à terme entre 30 et 40 millions de passagers par an, se situerait au nord du terminal 2E.

 Quelle sera l'enveloppe totale de ces investissements ?

Il est vraisemblable que les investissements du prochain contrat de régulation économique seront supérieurs à ceux du CRE2 (lesquels dépassaient les 1,9 milliards d'euros) essentiellement en raison de nos importants besoins en maintenance.

Quel niveau de redevances pour les compagnies aériennes pour financer tout cela ?

Il est trop tôt pour imaginer un profil de redevances, mais nous nous efforcerons de le rendre plus régulier que dans le CRE précédent qui avait été marqué par un gel des redevances en début de période puis par un rattrapage ultérieur. Il y a nécessairement un lien entre les demandes d'investissement et les redevances.

 Le montant des redevances est lié à des hypothèses de trafic. Quelles sont les vôtres pour les prochaines années ?

Le défi d'Aéroports de Paris est de faire mieux que le marché qui croit structurellement à un rythme double de celui du PIB. Notre enjeu est de conforter la place de Paris-Charles de Gaulle comme le hub le plus performant d'Europe avec plus de 25 000 correspondances hebdomadaires moyen-long-courriers en moins de deux heures, loin devant Francfort (12.250), Amsterdam Schiphol (7.500) Londres-Heathrow (6.600). Mais il  s'agit aussi de conquérir de nouvelles compagnies. En 2014, Charles-de-Gaulle va accueillir 16 nouvelles compagnies, dont 11 provenant de pays hors Union européenne. Ces nouvelles compagnies permettent à elle seules une progression de 1% des sièges offerts en 2014 par rapport à 2013.

Quel impact si la France continue de bloquer ou d'accorder au compte gouttes des droits de trafic à des compagnies à croissance rapide comme celles du Golfe ou si l'essentiel des droits concernent les aéroports de province ?

Tout d'abord je tiens à préciser que sur les 16 nouvelles compagnies à Paris-Charles de Gaulle en 2014, la seule en provenance du Golfe est une compagnie cargo. Pour le reste, je suis très confiant dans le pragmatisme de la direction générale de l'aviation civile. Je ne nourris pas d'inquiétudes à cet égard.

Ryanair se recentre sur les grands aéroports, vous ont-ils contacté ?

 Non

La qualité des aéroports parisiens s'est nettement améliorée mais souffre encore d'une « mauvaise » image. Comment l'expliquez-vous ?

 Beaucoup a été fait, même si beaucoup reste aussi à faire. La réalité est meilleure que l'image. Ceci tient à un effet de retard entre la perception et la réalité. On pâtit effectivement d'une structure architecturale des terminaux qui n'est pas très homogène à Paris-Charles de Gaulle. S'agissant d'Orly, après 50 ans d'existence, il était temps de le rénover, ce qui va être entièrement réalisé dans les trois ans qui viennent.

En dehors des rénovations de terminaux, quels sont les chantiers pour améliorer la qualité?

Mon objectif ultime est d'extérioriser des engagements précis de qualité de service dans tous les terminaux de nos deux plateformes parisiennes. Ceci suppose des efforts sur l'information aux arrivées, sur les ambiances des couloirs en général et sur les salles de livraisons bagages en particulier, sur l'information et sur la mesure du temps de livraisons des bagages, sur l'orientation des passagers au départ, et, au global, sur l'homogénéisation de ces services sur l'ensemble des terminaux. En outre, je crois nécessaire de développer la présence humaine sur nos plateformes, en particulier dans les périodes de pointe, à la fois pour les voyageurs occasionnels qui n'ont pas leurs points de repère mais aussi pour les voyageurs asiatiques, souvent désemparés en Europe.

 Faut-il adapter la signalétique ?

Beaucoup de Chinois ne viennent pas en Europe car ils comprennent mal notre signalétique. Il faut un énorme effort de traduction en chinois, tant pour nos documents que pour nos écrans.

Il faut se mettre à la place de nos clients. Je souhaite qu'il y ait, autant que possible systématiquement un doublage de la signalétique en Chinois. C'est encore devant nous.

Renforcer la présence humaine passera-t-il par des embauches particulières ?

D'ores et déjà nous nous sommes engagés à recruter 120 agents commerciaux à contrat à durée indéterminée au cours des trois prochaines années, mais je pense que cela ne suffira pas pendant les périodes de pointe au cours desquelles je souhaite qu'il y ait une personne devant chaque grande porte pour orienter les passagers. Cela pourrait justifier des renforts temporaires pour ces périodes limitées dans l'année, en gros les 70 jours dans l'année où nous avons plus de 200 000 passagers à Paris Charles-de-Gaulle. Ce programme a débuté et il est destiné à monter en puissance au cours des trois prochaines années.

Pour compenser ces embauches, un nouveau plan de départs volontaires  est envisageable ?

Commençons par réussir celui qui est en cours avant de parler de quoi que ce soit d'autre. Aujourd'hui les personnes qui souhaitent profiter de ce plan sont en train de se manifester. Pour rappel, il porte sur 370 postes et nous n'avons pas attendu pour recruter sur l'accueil et la maintenance.

Deux ans après l'acquisition de 38% du groupe aéroportuaire turc TAV Airports et de 49% de TAV Construction pour 700 millions d'euros, quelle est votre stratégie à l'international?

Il faut être très prudent car la gestion d'un aéroport loin de ses bases est complexe car elle fait intervenir des relations très étroites avec les gouvernements et les autorités de régulation des pays. A mon sens, le modèle de développement d'un grand groupe international d'aéroports reste à inventer. Fraport, notre seul grand concurrent de taille comparable dans le monde, rencontre le même type de défi : disposer d'une bonne connaissance du marché local, faire des acquisitions de concessions à des prix raisonnables, avoir la faculté de projeter des ressources humaines compétentes et avoir le contrôle de la gouvernance sur la durée. Je considère qu'Aéroports de Paris n'a pas encore la maturité suffisante pour envisager un développement international trop rapide. Raison de plus pour examiner scrupuleusement chaque dossier comme nous le faisons actuellement et n'avancer que très progressivement.  Dans tous les cas, les grands projets seront en nombre limité.

 L'inflation des prix observée dans de nombreux pays émergents est-elle en train de se retourner en raison des difficultés conjoncturelles rencontrées par ces pays ?

Je ne vois pas les prix baisser à court terme tant les conditions monétaires offertes par toutes les banques centrales du monde se rapprochent de zéro. La question de la soutenabilité du financement de grandes infrastructures avec les loyers très élevés demandés par tous les Etats dans le monde est posée.

 Quelles sont vos cibles ?

Le 20 mai, dans un consortium dans lequel figurent Goldman Sachs et TAV Airports, Aéroports de Paris a déposé une offre de rénovation et d'exploitation pour 37 ans du terminal central de l'aéroport de LaGuardia. Le choix du consortium présélectionné pour rénover ce terminal se fera au début de l'automne. Le vainqueur aura une dizaine de mois pour négocier avec les compagnies une structure de tarification. Si un accord est trouvé, il pourra commencer les travaux de rénovation. C'est un projet très compliqué puisqu'il faut rénover ce terminal tout en maintenant l'exploitation.

Quel est le montant de l'investissement ?

Pour Aéroports de Paris, l'investissement en equity serait de 80 millions d'euros. Avec TAV nous avons 40% du consortium et Goldman Sachs 60%.

Y-a-t-il d'autres projets ?

L'autre projet actuel est notre partenariat avec Vinci pour la construction d'un nouveau terminal à Santiago du Chili, accompagnée de l'exploitation de l'aéroport pour une durée 20 ans. L'avantage de cet appel d'offre, est qu'il nous permet d'apprécier concrètement les complémentarités entre Aéroports de Paris et Vinci, notre nouvel actionnaire à hauteur de 8%. Nous tirerons un premier bilan lorsque nous aurons déposé une offre si les conseils d'administration des deux entreprises la soutiennent.

En Turquie, un aéroport gigantesque doit être construit à Istanbul par des groupes turcs pour 2018 pour remplacer l'aéroport d'Atatürk dont la concession que vous possédez avec le groupe TAV s'achève en 2021 ? Les choses ont-elles évolué ?

 La probabilité que ce troisième aéroport entre en fonction avant janvier 2021, le terme normal de la concession d'Atartük, est assez faible. Cela signifie que TAV Airport aura jusqu'à 2021, comme prévu, pour trouver de nouvelles activités afin de compenser le manque à gagner lié au fait qu'il n'exploitera plus normalement Atatürk. Difficile néanmoins de préjuger ce qui se passera. Mais il y aura assurément des discussions avec le gouvernement turc au sujet des conditions d'une éventuelle poursuite de l'exploitation d'Atatürk jusqu'en 2021 compte tenu de la hausse du trafic.

Vous êtes à l'origine de la relance de CDG Express, ce projet de liaison ferroviaire directe entre Roissy Charles-de-Gaulle et la gare de l'Est de Paris. Où en est-on ?

L'objectif de la mise en service demeure 2023. C'est nécessaire. Le dossier avance bien comme en témoigne la visite de M. Frédéric Cuvilliers à Paris Charles-de-Gaulle le 3 juin dernier. Avec Réseau Ferré de France (RFF) et l'Etat nous avons créé une société de projet pour faire réaliser les études techniques précises et actualiser les hypothèses de trafic. Nous effectuons actuellement les consultations juridiques auprès du conseil d'Etat et de l'Union européenne pour vérifier que le cadre conçu ne rencontre pas d'obstacles qui n'auraient pas été identifiés.

Les analyses de trafic sont nécessaires pour caler le financement du projet et le prix du trajet pour les voyageurs. Confortent-elles les premières qui avaient été réalisées il y a plus de six ans ?

Je n'ai pas encore les résultats des analyses de trafic mais je suis optimiste. L'estimation actuelle est autour de 23 euros le trajet (en euros 2019). L'équipement trouvera son financement.

Quelle est votre position sur une éventuelle privatisation d'ADP ?

Les actionnaires actuels  permettent un développement optimal d'Aéroports de Paris. Je ne vois pas pourquoi je les inviterais à quitter l'entreprise.

Au-delà du terminal 4 prévu d'ici à une dizaine d'années, y-a-t-il encore de la place pour construire un nouveau terminal à Roissy?

 Moyennant des travaux très importants, on pourrait imaginer une petite extension à l'est. On arriverait à une capacité maximale d'environ 140 millions de passagers. Nous pourrions également envisager de détruire certains bâtiments pour construire de nouvelles infrastructures plus optimales. Côté navigation aérienne, même à ce niveau, nous ne serions pas à un niveau de saturation de l'espace aérien tel qu'il existe à Heathrow aujourd'hui. C'est une chance pour l'attractivité de la France et notre économie.