Air France, Lufthansa, BA, quel avenir pour les majors européennes ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  771  mots
Les compagnies historiques devront nouer des alliances pour bénéficier de nouveaux leviers de croissance. / Reuters
Concurrencés par les low cost sur le réseau court et moyen-courrier, par les compagnies du Golfe sur le long-courrier, soumis à une taxation plus lourde, les transporteurs européens classiques ont-ils les moyens de rester des leaders mondiaux ? Ce sera l'un des thèmes abordés lors du Paris Air Forum le 11 juillet sur lequel débattront le PDG d'Air France-KLM, Alexandre de Juniac, et Claude Abraham, ancien directeur de la DGAC, lequel a dirigé l'équipe qui a rédigé le rapport sur "les compagnies européennes sont-elles mortelles".

Avec la concurrence des transporteurs à bas coûts sur le réseau court et moyen-courrier (et peut-être, demain, sur le long-courrier), celle des compagnies du Golfe ou de Turkish Airlines, le poids des taxes et du coût du travail qui ampute leur compétitivité, les compagnies européennes traditionnelles risquent-elles ) terme de sortir de la cour des grands, voire de disparaître ? L'été dernier, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective tirait la sonnette d'alarme dans un rapport intitulé « Les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles ? ».

La crise de 2009 a changé la donne

La crise de 2009 a été un révélateur. Incapables de résister aux brutales chutes de recettes, les compagnies traditionnelles du Vieux Continent ont, à l'exception de Lufthansa, pris l'eau quand leurs concurrentes des autres régions géographiques ont réussi à résister.

Pénalisées par des coûts trop élevés dans un environnement concurrentiel accru et une économie en crise, leurs performances financières ont été les plus mauvaises de la planète, alors qu'elles étaient jusque là parmi les plus solides.

Premiers au monde à mettre en place des systèmes de hubs long-courriers d'envergure dans les années 90, les majors européennes comme Air France ou Lufthansa ont pu ainsi, sur le long-courrier, compenser des charges plus élevées par la baisse des coûts unitaires et le dynamisme commercial générés par les hubs. Dans les années 2000, cet avantage s'est annulé avec l'émergence et la montée en puissance d'autres hubs long-courriers, principalement au Moyen- Orient (Dubai, Istanbul, Doha, Abu Dhabi).

L'appétit des géants du Golfe

À cette pression concurrentielle se sont ajoutés le développement des compagnies asiatiques et le retour, à partir de 2008, des transporteurs américains, transformés par une restructuration et une consolidation réussies.

Aujourd'hui, les compagnies classiques européennes commencent à sortir la tête de l'eau grâce à leurs lourdes restructurations et des dizaines de milliers de postes supprimés. Lufthansa et IAG (British Airways-Iberia) affichent des résultats solides, même si le groupe allemand a fait récemment une alerte sur ses résultats. Air France-KLM est revenu dans le vert et mise sur sa stratégie de montée en gamme, seul moyen, selon le groupe, pour justifier des prix plus élevés que ceux des concurrents disposant de coûts inférieurs. Mais la menace existe toujours à long terme et la place des Européens dans le transport aérien mondial est contestée.

"Il n'y a plus aucune raison que les compagnies européennes restent ultra dominantes dans le transport international comme c'était le cas dans les années 90, explique un vieux routier du secteur. Le transport aérien a toujours accompagné les flux économiques. Un jour, elles perdront des parts de marché."

Un destin à la Qantas?

D'autres vont plus loin, jusqu'à évoquer pour les Majors européennes un destin semblable à celui de l'australienne Qantas qui, dans le cadre de son alliance (contrainte) avec Emirates, a cessé de desservir l'Europe pour, au contraire, alimenter le hub de Dubai d'où les vols d'Emirates prennent le relais vers l'Europe.

Les compagnies européennes seront-elles condamnées à un tel schéma en Asie ? Pas si simple. Car si le scénario peut se dupliquer vers l'Asie du Sud-Est et le Pacifique, il est plus nuancé pour la desserte des gros marchés d'Asie du Nord (Japon, Corée, Chine), car les hubs du Moyen-Orient ne sont pas sur la route aérienne la plus courte entre l'Europe et cette partie du monde.

"Les compagnies européennes sont sûres de garder la main sur ces marchés importants", fait valoir un expert.

D'autres rejettent complètement ce scénario. "Car les passagers préfèrent les vols directs aux vols en correspondance", explique une figure du transport aérien européen. Encore faut-il avoir les moyens de pouvoir maintenir rentable cette activité de vols directs.

Un chose est sûre, les transporteurs européens sont condamnés à nouer des alliances industrielles avec des compagnies tierces pour disposer de nouveaux leviers de croissance. Faudra-t-il le faire avec une compagnie du Golfe, chinoise, brésilienne, américaine ? Les plus solides financièrement pourront se permettre de choisir. Les autres seront sous la menace des prédateurs. Déjà, certains prédisent que la moitié du transport aérien européen passera à terme sous l'aile des compagnies du Golfe. 

Retrouvez les analyses des intervenants du forum de l'aéronautique civil et militaire, le Paris Air Forum, qui se déroulera le 11 juillet prochain.