Les aéroports européens pourront-ils absorber la croissance du trafic ? (Aéroports de Paris, Heathrow...)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  657  mots
L'aéroport de Roissy Charles de Gaulle (terminal 2)
Avec la réduction de leurs investissements, l'hostilité croissante de l'opinion à l'égard des nuisances du transport aérien, la sous-capacité aéroportuaire constitue une réelle menace en Europe. Si rien ne change, d'ici à 2035, 12 % du trafic passagers ne sera pas satisfait selon Eurocontrol. Ce thème sera l'un des débats du Paris Air Forum qui se tiendra à Paris le 11 juillet.

Des avions qui ne pourront pas atterrir en Europe, des passagers qui ne pourront pas poser pied sur le Vieux Continent, des retards en cascade : les aéroports européens, et finalement l'Europe, seront-ils les grands perdants de la formidable croissance du transport aérien mondial qui s'annonce au cours des vingt prochaines années ? Peut-être.

Avec la réduction de leurs investissements, l'hostilité croissante de l'opinion à l'égard des nuisances du transport aérien, la sous-capacité aéroportuaire constitue une réelle menace en Europe. Olivier Jankovec, le directeur général de l'ACI Europe, l'association des aéroports européens, tire la sonnette d'alarme.

« Avec la crise, le ralentissement de la croissance du trafic européen, la baisse du panier moyen des redevances prélevées aux compagnies, la hausse des coûts de sûreté..., les aéroports sont devenus frileux à investir pour les prochaines décennies. »

En un an par exemple, leur prévision d'investissements pour la période 2014-2017 a diminué de 7 milliards d'euros.

Pour autant, même si la croissance du trafic européen devrait être deux fois moins forte que celle observée au cours des vingt dernières années, la demande de mouvements d'avions (décollages, atterrissages) est néanmoins appelée à croître de 50% d'ici à 2035. Or, dans le même temps, les capacités pistes des aéroports européens ne vont progresser que de 17%, indiquent les chiffres d'Eurocontrol.

Lutter contre la congestion

Résultat : d'ici à 2035, 2 millions de vols n'auront pas lieu, 12 % du trafic passagers ne sera pas satisfait, soit 230 millions de passagers.

« Le manque à gagner pour les compagnies aériennes et les aéroports s'élèvera à 40 milliards d'euros sur cette période », fait valoir Olivier Jankovec.

Eurocontrol a bien étudié des alternatives, comme le doublement hypothétique du réseau TGV, l'utilisation à 100 % des créneaux horaires des grands aéroports, ou l'utilisation accrue des aéroports secondaires... Rien n'y fait, le problème ne serait réduit que de 41%. La construction de nouvelles infrastructures apparaît comme la seule solution. Problème, les projets de développement se heurtent aux contestations des riverains. Londres Heathrow se démène depuis près de deux décennies pour construire une troisième piste. Francfort a dû batailler ferme en faisant quasiment l'impasse sur les vols de nuit pour pouvoir disposer d'une piste supplémentaire.

« Eurocontrol prévoit qu'en 2035, les vingt plus grands aéroports auront un niveau de congestion équivalent à celui de Londres Heathrow. Un vrai casse-tête opérationnel, avec des retards et des annulations en cascade », prédit Olivier Jankovec.

Certes, les services de navigation aérienne européens vont pouvoir traiter plus d'avions grâce à la mise en place progressive du programme SESAR, mais ce dernier aura du mal à prouver son utilité si les investissements d'infrastructures aéroportuaires ne suivent pas

Cette situation risque d'engendrer des tensions entre les compagnies aériennes et les autorités de distribution des créneaux horaires pour l'accès au marché sur les grands aéroports. D'autant plus que les compagnies dites à bas coûts, dans leur stratégie de montée en gamme, vont revendiquer une place de choix sur ces aéroports, en rapport avec leur irrésistible croissance. Cette situation sous-capacitaire pose par un ailleurs un enjeu de compétitivité pour l'Europe.

« L'économie est dépendante des relations avec les pays émergents », affirme Olivier Jankovec.

Pendant ce temps, les constructions vont bon train partout ailleurs dans le monde. La Chine construit près de 80 aéroports ; le Brésil veut que n'importe quel Brésilien se trouve à moins de 45 minutes d'un aéroport pouvant les relier au reste du monde ; la Turquie, Dubai ou Singapour construisent des plateformes titanesques pouvant accueillir près de 160 millions de passagers, largement plus que le plus gros aéroport du monde aujourd'hui, Atlanta et ses 96 millions de passagers. L'Europe a-t-elle pris la mesure de cette mutation ?