Transport public : faut-il augmenter le prix du ticket ? Oui disent les opérateurs (SNCF, Transdev, Keolis, RATP, UTP)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  990  mots
Le transport public est financé par une contribution publiqueet par la vente des billets achetés par l'utilisateur de transport.
Les opérateurs plaident pour une hausse des prix des tickets aux motifs que les prix sont stables depuis plusieurs années et que la contribution des usagers n'a cessé de diminuer contrairement à celle des contribuables. Or, les budgets des collectivités locales sont sous tension....

Une augmentation des prix du ticket de trains régionaux, de métro, de tramways, de bus...? Les transporteurs le demandent. "Oui très clairement", a déclaré ce mardi lors d'un point presse de l'union des transporteurs publics (UTP), son président Jean-Marc Janaillac, également PDG de Transdev.

"Il y a eu au cours des dernières années une stabilité, voire une décroissance des prix alors que l'offre a augmenté à la fois en quantité et en qualité. Certaines villes ont augmenté leur prix au fur et à mesure que l'offre augmentait ou s'améliorait. Au mieux, nous souhaitons simplement que les tarifs des transports publics correspondent à l'amélioration quantitative et qualitative qui est apportée année après année au transport public", a-t-il précisé.

Pour justifier sa position, l'UTP met en exergue une baisse de 8 points depuis 10 ans du ratio recettes-dépenses d'exploitation (hors investissements), à 31%, alors que les investissements ont été soutenus durant cette période.

"Il y a un effet ciseau entre des charges qui progressent de 6%, pour financer notamment une offre qui n'a cessé de se développer, et la dépense par voyage qui ne cesse de reculer", a expliqué Sophie Boissard, présidente de la commission législation et affaires européennes de l'UTP, et responsable à la SNCF de la stratégie immobilière. Et d'ajouter : "Les tarifs unitaires ne progressent quasiment pas. En dix ans, le ticket unitaire et l'abonnement mensuel ont respectivement progressé de 1% et 1,1% en euros constants, tandis que l'abonnement annuel a reculé de 6,6%".

Les contribuables paient davantage que les utilisateurs

Résultat, a-t-elle lancé, "la part contributive des utilisateurs de transport est extrêmement faible". Celle-ci n'a cessé de diminuer depuis plusieurs années, contrairement à l'Allemagne où elle a augmenté.

"Il y a 20 ans, les usagers et les contribuables payaient chacun 50% du coût du transport. Aujourd'hui, les usagers payent 30%, les contribuables 70%. Attention. Cette pente est redoutable. Il faut arriver à l'enrayer voire à l'améliorer. Cela ne peut pas durer », alerte Jean-Pierre Farandou, vice-président de l'UTP et président du directoire de Keolis. « Le sujet est très simple. Combien paye l'usager qui utilise le service et combien payent les contribuables, car c'est la somme des deux qui finance le système. Moins l'usager paye, plus le contribuable paye", a-t-il ajouté.

Pour rappel, le transport public est financé par une contribution publique (émanant des collectivités, et donc du contribuable, et du Versement Transport, un impôt payé par les employeurs disposant de plus de 9 salariés) et par la vente des billets achetés par l'utilisateur de transport.

Tensions sur les budgets des collectivités

Or, aujourd'hui, avec la crise, les budgets transports des collectivités locales, autorités organisatrices de transport (agglomérations, villes, départements, régions) sont extrêmement tendus. Après avoir fortement augmenté pendant des années, la contribution publique au transport est mise sous tension. Et ce n'est pas fini.

"Les dotations de l'État aux collectivités locales vont baisser de 11 milliards d'euros d'ici à 2017, soit de 3 milliards par an. Cela aura un impact sur les marges de manœuvre des collectivités, notamment sur les politiques de transport", a regretté Sophie Boissard.

En 2014, déjà, les collectivités ont déjà subi de plein fouet la hausse de 3 points de la TVA dans les transports que les collectivités ont en grande partie pris à leur compte. D'autres menaces apparaissent comme l'exonération du Versement Transport pour les associations, laquelle n'est cependant pas encore tranchée.

Selon l'UTP, cette faiblesse de la contribution de l'usager pose un problème sur le système de transport public. "Si on continue comme çà, c'est la pérennité même du transport public français qui est menacée", a affirmé Sophie Boissard.

Aussi, "ce n'est pas tabou de dire : l'usager paie-t-il sa bonne quote-part ?", s'est interrogé Jean-Pierre Farandou. Pour les opérateurs, la question se pose d'autant plus que les prix des tickets sont parmi les plus bas en Europe pour une offre qu'ils considèrent comme l'une des meilleures.

"A Paris, le ticket est à 1,70 euro contre 1,90 euro à Bruxelles, 2,60 euros à Berlin et 5,80 à Londres. Entre Paris et Londres, le rapport est de un à trois", a expliqué Sophie Boissard.

Faut-il une tarification solidaire ?

Outre cette "faiblesse" du prix du billet, l'UTP fait remarquer que près de 55% des titres de transports vendus sont des titres réduits ou gratuits. D'où les interrogations de l'organisation patronale sur la tarification sociale qui fonctionne aujourd'hui en fonction de l'âge ("les retraités bénéficiant systématiquement des tarifs réduits" selon l'exemple de Sophie Boissard).

"Il est clair que lorsque l'on regarde la distribution des revenus aujourd'hui, on peut avoir une véritable interrogation sur la pertinence des prix pratiqués pour la tarification sociale. De plus en plus de réseaux migrent vers une tarification solidaire en fonction des revenus effectifs des utilisateurs", a expliqué Sophie Boissard.

Augmenter le prix du ticket s'avère néanmoins très compliqué. "Le prix du ticket de transport est un marqueur du pouvoir d'achat comme celui de la baguette de pain", expliquait déjà l'an dernier Jean-Pierre Farandou. Or, selon un sondage Ifop réalisé pour l'UTP, 37% des usagers estiment que le coût des transports publics a plus augmenté que le coût des transports en voiture. Le sujet est sensible pour les élus qui fixent la tarification en déterminant la structure tarifaire et les niveaux de prix.

Ces tensions sur les financements menacent la pérennité des transports dans leur dimensionnement actuel.

"Avec la contrainte budgétaire qui pèse sur les collectivités, le système actuel entraîne une dégradation de l'offre, du service et de tous les impacts positifs des transports publics en termes social, économique et environnemental. La contrainte des budgets des collectivités locales fait que ce qui était possible hier ne l'est plus aujourd'hui », a expliqué Jean-Marc Janaillac.