2014 finit en eau de boudin pour Air France-KLM

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1074  mots
C'est le troisième avertissement sur résultat en six mois de la compagnie aérienne.
Ce jeudi dans la soirée, pour la troisième fois en six mois, le groupe a revu à la baisse sa prévision d'Ebidta, lequel sera en 2014 inférieur à celui de 2013! Outre le fort impact de la grève des pilotes en septembre, le groupe pâtit des baisses de recettes unitaires sur le long-courrier. Par ailleurs, la communication financière du groupe du temps de Pierre-Henri Gourgeon est épinglée par l'AMF.

Troisième avertissement sur résultat en six mois, un Ebidta qui sera en 2014 inférieur à celui de 2013, "une ardente obligation" de réduire les coûts selon les propos du directeur financier, et une baisse des investissements, c'est ainsi que s'achève les trois ans de restructuration du Plan Transform 2015 d'Air France-KLM, qui était censé redresser le groupe pour le remettre au niveau de ses concurrents, Lufthansa et IAG (British Airways, Iberia, Vueling).

Or, contrairement aux espérances de la direction, le redressement du groupe est tout sauf terminé en cette fin d'année. Pour mémoire, le principal objectif de ce plan (réduire de deux milliards d'euros la dette nette, à 4,5 milliards) avait été déjà reporté d'un an.

Un milliard d'euros d' Ebitda en moins par rapport à l'objectif initial

Jeudi soir, le groupe français a une nouvelle fois révisé à la baisse ses prévisions d'Ebidta (résultat avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) sur 2014. Il devrait se situer entre 1,5 et 1,6 milliard d'euros contre une fourchette comprise entre 1,5 et 1,8 milliard annoncé en octobre et 2,5 milliards auparavant. Cette performance est inférieure à celle réalisée l'an dernier (1,8 milliard), alors même que les mesures du plan Transform 2015 sont censées être en vigueur.

Résultat, il manque un milliard entre les prévisions du début de l'année et la performance réalisée 12 mois plus tard. 500 millions d'euros sont à mettre sur le compte des 15 jours de grève des pilotes en septembre, mais le reste s'explique notamment par la faiblesse persistante de la recette unitaire, "observée depuis l'été, sur les vols longue distance et qui se poursuit en décembre", selon Pierre-François Riolacci, le directeur financier d'Air France-KLM.

Ce dernier a également indiqué que de nouvelles règles fiscales avaient été mises en oeuvre aux Pays-Bas qui aura pour conséquence l'impossibilité d'enregistrer dans son Ebitda "un ajustement positif de sa charge de pension (retraite, NDLR) qui était jusque-là anticipé". Enfin plusieurs sources affirment que les objectifs d'économies du plan Transform n'ont pas été atteints. Tout ajustement potentiel sera enregistré dans les "autres produits et charges non courants", précise le groupe dans un communiqué.

Baisse du prix du pétrole

Enfin, la baisse du prix du carburant est finalement limité sur le quatrième trimestre, "compte-tenu de la baisse continue du prix du pétrole brut (brent), plus élevée que celle du prix du carburant avion (kérosène), de la structure des contrats d'approvisionnement et du portefeuille de couvertures".

"Nous achetons du kérosène mais nous nous couvrons sur du brent (pétrole brut). La couverture est centrée sur le brent et non sur le kérosène", a expliqué le directeur financier.

Cette situation dégrade la trésorerie 2014, a-t-il reconnu. Par conséquent, des mesures drastiques de baisses de coûts sont attendues dans le plan Perfom 2020. "Il est évident que le plan Perform devra être renforcé sous deux angles: augmenter nos baisses de coûts unitaires, c'est une ardente obligation et revoir à la baisse nos programmes d'investissement", a indiqué Pierre-François Riolacci.

"Nous avions des enveloppes d'investissement élevées sur 2015 et 2016. Il est certain que nous allons les adapter. Nous y travaillons depuis plusieurs semaines", a-t-il souligné. Il a notamment évoqué la possibilité de retarder des livraisons d'avions.

Air France-KLM doit recevoir une dizaine de Boeing 777 en 2015 et 2016, des avions régionaux, et surtout les premiers B787, prévus chez KLM fin 2015.

"Le prix du kérosène réduit les gains qu'on peut réaliser en utilisant des avions neufs. Le marché nous donne plutôt une flexibilité de pouvoir reporter certains changements d'avions avec des conditions économiques raisonnables", a fait valoir Pierre-François Riolacci.

Dévoilées en septembre, les prévisions du plan Perform semblent très loin le groupe visait un retour sur capitaux employés (ROCE) jamais atteint dans l'histoire du groupe de 9 à 11% en 2017 contre 3% en 2013 mais aussi une croissance de l'excédent brut d'exploitation avant locations opérationnelles (EBITDAR) de 8 à 10% par an entre 2013 et 2017 et un ratio de dette nette ajustée sur Ebitdar inférieur à 2,5% à partir de 2017, contre 4,2% fin 2013.

A l'ouverture de la Bourse, l'action Air France-KLM dévisse de 7% ce vendredi matin.

La communication du groupe sous la direction de Pierre-Henri Gourgeon épinglée

Hasard du calendrier. Le gendarme de la Bourse a requis une sanction de 1,5 million d'euros contre le groupe aérien Air France-KLM dans un dossier relatif à la communication financière du groupe pendant son exercice 2010-2011.

Une amende de 50.000 euros pour les mêmes faits a par ailleurs été requise contre Pierre-Henri Gourgeon, patron du groupe à cette période, à l'occasion d'une séance de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) vendredi. La décision de la commission des sanctions, instance indépendante de l'AMF, devrait intervenir dans les prochaines semaines, comme habituellement.

Les griefs du gendarme boursier portent notamment sur la présentation des objectifs de résultats de l'entreprise, sur la communication publique tardive d'une information privilégiée, selon laquelle l'objectif ne serait pas atteint ainsi que sur la présentation des comptes consolidés au 31 mars 2011.

Caractère "inexact, imprécis et insincère" des comptes consolidés fin mars 2011

Après un début d'exercice difficile en 2010, le groupe aérien a diffusé à plusieurs reprises des communiqués optimistes avant de devoir réviser ses objectifs. "Nous avons subi de véritables montagnes russes", a argué pour sa part Pierre-Henri Gourgeon, présent à la séance et "nous sommes bien obligés de suivre ces évolutions", a-t-il fait valoir.

Par ailleurs, "le grief reproché aux mis en cause relativement au caractère inexact, imprécis et insincère des comptes consolidés au 31 mars 2011 revêt un aspect manipulatoire", a souligné la représentante du collège, dont certaines des conclusions ont divergé de celles du rapporteur de la commission.

Etant donné la date à laquelle se sont déroulés les faits, ils ne tombent pas tous sous le coup des mêmes textes.

Fin 2010, l'AMF s'est en effet dotée d'un arsenal plus dissuasif avec la loi de régulation bancaire et financière de 2010 directement issue du contexte de crise financière.

Le plafond des sanctions a alors été relevé à 100 millions et le collège peut désormais faire appel des décisions de la Commission des sanctions.