Air France, l'accord proposé aux pilotes est-il suffisant ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  773  mots
La direction s'engage à embaucher plus de 600 pilotes sur cette période pour atteindre un effectif pilotes de plus de 3.900 personnes en 2020.
La direction a envoyé aux syndicats une proposition d'accord sur de nouvelles mesures de productivité. Soumis à signature jusqu'au 2 mai, le texte table sur un gain de productivité inférieur à 10%, très loin des objectifs annoncés l'an dernier. En contrepartie d'un accord, la direction embauchera plus de 600 pilotes au cours des trois prochaines années.

Alexandre de Juniac ne cesse de le répéter. Son départ d'Air France-KLM ne change en rien le processus de négociation entre la direction d'Air France et les syndicats de pilotes (SNPL et SPAF) sur de nouvelles mesures de productivité.

"Un compromis gagnant-gagnant"

D'ailleurs, la direction a envoyé aux syndicats, ce dimanche 10 avril, un projet d'accord sur le sujet qui couvre la période 2017-2020. Soumis à signature jusqu'au 2 mai, le texte permet d'augmenter le nombre d'heures des pilotes de 5% à 10% selon le type d'avion utilisé par les pilotes, sans faire exploser leur rémunération par le jeu des heures supplémentaires. La hausse de la rémunération n'est, en effet, pas proportionnelle à la hausse des cadences, ceci afin d'obtenir « un partage du gain de compétitivité entre les pilotes et l'entreprise et de baisser le coût moyen des heures de vol », selon Frédéric Gagey et Gilles Gateau, respectivement Pdg et directeur général adjoint en charge des ressources humaines et de la politique sociale de la compagnie. Pour ces derniers, l'accord est « un compromis (...) gagnant-gagnant».

«Les syndicats doivent se prononcer sur la globalité de l'accord. Certaines mesures baissent la rémunération, mais, comme les heures de vol augmentent, la rémunération ne baisse pas », explique Gilles Gateau.

Aux mesures qui permettent d'augmenter les heures de vol des pilotes, s'ajoutent des mesures de simplification permettant de développer la recette, et d'autres qui tiennent compte de la saisonnalité pour faire travailler davantage les pilotes en période de pointe.

Plus de 600 embauches

En contrepartie d'un accord, la direction maintient son engagement d'augmenter ses capacités en sièges-kilomètres offerts de 2% à 3% par an en moyenne entre 2017 et 2020. Elle s'engage aussi à embaucher plus de 600 pilotes sur cette période pour atteindre un effectif pilotes de plus de 3.900 personnes en 2020.

Ces embauches contribueront à l'évolution des carrières des pilotes et donc à leur rémunération, fait valoir Gilles Gateau.

«Elles entraînent une cascade de qualification. Il y a une évolution positive de la rémunération qui concernerait 60% des pilotes éligibles d'ici à 2020 », explique-t-il.

Si la direction communique sur un gain de productivité compris entre 5% et 10% selon le type d'avion utilisé par les pilotes, elle ne dit rien sur le gain de productivité total espéré dans cet accord ni sur le volume d'économies visé au cours des trois prochaines années.

Dans la mesure où, en long-courrier, les gains de productivité seront plus faibles pour les pilotes volant sur Boeing 777 -qui volent déjà beaucoup- et sachant que ce type d'avion constitue le cœur de la flotte long-courrier d'Air France, le gain total de productivité global serait de facto inférieur à 10%.

Un objectif bien moins ambitieux que celui de l'an dernier

Un objectif très éloigné de la position initiale proposée l'an dernier qui visait une hausse de la productivité des pilotes de 17%. Un montant qui, de l'aveu de la direction à l'époque, ne suffisait déjà pas à combler l'écart de compétitivité avec les pilotes de Lufthansa ou de IAG (British Airways-Iberia-Vueling-Aer Lingus).

Surtout, non seulement cet objectif de 17% ne permettait pas de rattraper les concurrents, mais il était censé s'ajouter aux mesures du plan d'économies précédent (plan Transform).

Or, sur les 20% d'efforts prévus dans le plan Transform, seuls 12% ont été mis en place. L'application des 8% restants a fait l'objet d'un long bras de fer l'an dernier. Ayant porté l'affaire en justice, la direction a gagné et avait la possibilité de mettre en place ces mesures. Elle ne le fera pas si les syndicats signent l'accord, lequel comprend quelques mesures du solde de Transform.

Les PNC ne feront aucune concession si les pilotes n'en font pas

Bref, si le schéma de 25% de gains de productivité (17% dans Perform et 8% correspondant au solde de Transform), jugé logiquement inacceptable par les syndicats, ne permettait pas de combler le retard de compétitivité avec les concurrents, un projet comprenant moins de 10% de gains le sera, de fait, encore moins.

Pas sûr donc que cet accord, s'il était signé, soit celui qui permettrait à Air France, aujourd'hui bénéficiaire, de résister à une remontée du prix du carburant demain.

Ces négociations avec les pilotes sont cruciales pour celles qui doivent suivre avec le personnel navigant commercial (PNC) sur la renégociation de l'accord collectif qui court jusqu'à fin octobre. Les syndicats de PNC ont déjà prévenu qu'ils ne feraient aucune concession si les pilotes n'en font pas. L'écart de compétitivité des hôtesses et stewards d'Air France avec la concurrence avoisinerait les 40%.