Air France, qu'espérer des négociations avec les pilotes ? Pas grand chose

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1082  mots
A J-2 avant la date limite fixée par la direction pour aboutir à un accord avec les navigants sur des mesure de gains de productivité, les négociations ont peu de chance d'aboutir. L'annonce d'un plan B de réduction des capacités long-courriers tient la corde.

J-2 avant la date fixée par la direction pour aboutir à un accord avec les navigants sur les mesures de hausse de productivité prévue dans le cadre du Plan Perform. Et J-3 avant la tenue du conseil d'administration d'Air France-KLM le 1er octobre où la direction fera le point de l'état des négociations aux administrateurs. Rebelote le lendemain, vendredi 2 octobre, devant le conseil d'Air France cette fois.

Des annonces le 5 octobre

Le temps de laisser passer le week-end et le lundi 5 octobre, le PDG d'Air France, Frédéric Gagey, annoncera au Comité central d'entreprise (CCE) de la compagnie française le scénario retenu. Sur le papier il n'y a que deux options. Elles ont été présentées le 4 septembre au CCE: l'application du Plan Perform, en cas de négociation avec les syndicats, ou, à défaut, un plan B d'attrition de l'activité accompagné d'un plan de suppressions de postes (massif), réparti entre licenciements secs et plans de départs volontaires.

Vu l'état des négociations, l'annonce de ce dernier scénario tient la corde.

Peu (voire pas) de chance d'arracher un accord avec les pilotes

Car, sauf un improbable miracle auquel plus personne ne croît en interne, les négociations ne devraient pas donner grand chose font valoir plusieurs proches du dossier.

C'est une certitude depuis longtemps pour les PNC (personnels navigants commerciaux), dans la mesure où deux des trois syndicats représentatifs, le SNPNC et l'UNSA PNC, ne se rendent même pas aux réunions de négociations.

Le même profile également avec les pilotes. Les réunions de ce lundi et de ce mardi entre la direction et le SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, ont peu de chance de débloquer la situation. Les divergences entre les deux parties sont trop fortes, et les négociations trop récentes, puisqu'elles n'ont débuté que le ....18 septembre dernier.

Déjà, il faudrait que la direction et le SNPL partagent la nécessité de faire des efforts. Or pour le SNPL, il n'y a aucune urgence. Le redressement d'Air France n'impose en rien de s'aligner sur le calendrier de la direction. Dans ces derniers tracts du 25 septembre, le syndicat balaie d'un revers de la main tous les arguments de la direction mais aussi des analystes, sur l'état d'Air France. Pour le SNPL, la situation d'Air France n'est pas si mauvaise.

"Avec Perform, les pilotes entrent dans le monde réel"

Quand bien même cette nécessité était partagée, les négociations ayant débuté le 18 septembre seulement, il était impossible de négocier en moins de deux semaines un plan aussi structurant que Perform quand solder le plan précédent (Transform), qui l'était beaucoup moins, n'a pu trouvé un terrain d'entente au bout de 9 mois.

«Transform, c'était du pipeau. Avec Perfom, les pilotes entrent dans le monde réel », explique un observateur.

Ce plan s'attaque au coût à l'heure de vols des pilotes d'Air France, parmi les plus élevés du secteur. Du coup, il s'attaque non seulement à la productivité des pilotes mais aussi à leur rémunération (il s'attaque également à la composition des équipages). Et c'est là que ça coince.

Améliorer la productivité à rémunération constante

La direction veut augmenter la productivité des pilotes en les faisant voler 100 heures de plus par an (soit 780 heures en long-courrier), en maintenant leur rémunération à un niveau constant. Or, pour atteindre cet objectif, le système de rémunération des pilotes doit être modifié.

«S 'il ne l'est pas, il augmentera le nombre d'heures supplémentaires et fera exploser la rémunération des pilotes », explique un observateur.

Objectif de la direction : baisser la rémunération à l'heure de vol

En effet, le cadre salarial des pilotes est composé d'une rémunération fixe (un quart) et une grosse partie variable avec un seuil de déclenchement d'heures supplémentaires à partir de 60 heures environ sur moyen-courrier et 70 heures en long-courrier. Aussi, augmenter la productivité des pilotes revient à augmenter leur rémunération.

Hors de question pour la direction qui cherche au contraire à baisser la rémunération à l'heure de vol pour atteindre l'objectif d'une rémunération finale stable. Elle propose deux options. Soit instaurer un système d'heures gratuites comme l'avait fait Chistian Blanc lors du sauvetage de la compagnie entre fin 1993 et septembre 1997, soit affecter les heures de vol supplémentaires d'un coefficient de rémunération permettant de stabiliser celle-ci. Ce que n'est pas prêt d'accepter le SNPL, qui a du mal à concevoir des efforts sans une hausse de la rémunération. Le syndicat demande que toute hausse de productivité s'accompagne d'une hausse de rémunération.

"C'est une provocation, la direction nous demande de voler 24 jours de plus gratuitement", tempête un pilote.

Les positions sont aux antipodes et il est difficilement imaginable qu'elles convergent d'ici à mercredi. "On est dans le dur", explique un pilote. Même un éventuel accord-cadre a du mal à être imaginé, sauf à ce qu'il soit si vague qu'il n'engage personne et serve seulement à préserver les apparences d'une négociation ayant des chances aboutir rapidement.

Ce lundi, le SNPL a fait une contre-proposition. Celle-ci prend la forme d'un accord à durée déterminée (un an), sur la base du volontariat. Aucune chance qu'il soit accepté.

Négociations après les annonces?

Bref, comme les négociations avec les hôtesses et stewards sont également bloquées, la direction n'aura pas grand chose à présenter aux administrateurs. « Le plan B » risque fort d'être annoncé (sa mise en oeuvre sera une autre paire de manches). Celui-ci prévoit la suppression de 10% de l'offre long-courrier, la non-entrée des B787 dans la flotte, des licenciements chez les navigants et dans les escales les plus coûteuses, et un plan de départs volontaires dans les autres métiers du sol et escales. Les syndicats craignent jusqu'à 8.000 suppressions de postes.

Pour autant, certains syndicalistes estiment que l'annonce du plan B pourrait être le moyen d'ouvrir réellement les négociations. « En effet, les mesures qui seront annoncées le 5 octobre ne seront pas appliquées avant fin décembre-début janvier 2016 », explique un syndicaliste. Ce calendrier tient compte du processus d'informations de consultation sur la stratégie et la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) puis sur les plans de départs, qu'ils soient volontaires ou (et) contraints.