Air France, ces profits qui posent problème

Après six ans de pertes, Air France va redevenir bénéficiaire en 2015. Une bonne nouvelle qui complique néanmoins les négociations avec les syndicats sur la nécessité de signer d'ici à fin septembre des accords de productivité sous peine d'actionner un plan d'attrition qui s'accompagnerait d'un plan de licenciements secs et d'un plan de départs volontaires.
Fabrice Gliszczynski

C'est une évidence. Il est moins compliqué d'annoncer des plans de restructuration quand l'entreprise est dans le rouge ou dans une baisse de ses résultats que l'inverse. Et contrairement à une idée largement répandue dans l'opinion, Air France est en train de revenir dans le vert au moment où la direction tente d'arracher aux syndicats de nouveaux accords de gains de productivité pour atteindre un résultat d'exploitation de 740 millions d'euros d'ici à deux ans.

Six années de pertes

La direction l'a déjà communiqué aux marchés. Air France dégagera un bénéfice d'exploitation positif en 2015 après six années de pertes consécutives (un record en Europe) qui se sont soldées par des pertes cumulées dépassant 2,5 milliards d'euros. Rien de surprenant, la compagnie aurait déjà été profitable l'an dernier sans les 15 jours de grève des pilotes en septembre 2014.
Il n'empêche. Ce redressement, qui reste fragile au regard du niveau de la dette et des fonds propres et insuffisant par rapport aux concurrents qui ne sont pas restés les bras croisés, est un caillou dans la chaussure de Frédéric Gagey, le PDG d'Air France.

«C'est en effet problématique. Dans l'esprit des salariés, Air France va mieux et il n'y a pas le feu», explique un syndicaliste, qui partage pourtant le constat de la direction sur la nécessité de réduire les coûts.

«C'est en effet un sujet de préoccupation tant sur le plan de la communication que sur celui de la réactivité des salariés», confirme un proche de la direction.

Ultimatum

En effet, difficile de demander à des salariés qui viennent d'accomplir de gros efforts pendant trois ans d'en refaire à nouveau. Difficile également de justifier l'ultimatum posé aux syndicats de négocier d'ici à fin septembre de nouvelles mesures de productivité sous peine de déclencher un plan d'attrition de l'activité accompagné de licenciements secs sans susciter l'incompréhension et la colère d'un partie du corps social.

Pour la direction la ligne est pourtant claire. Après avoir restructuré son réseau court et moyen-courrier, Air France doit s'attaquer à la rentabilité du long-courrier et faire passer coûte que coûte le nombre de lignes déficitaires à 20% d'ici à deux ans, contre 50% aujourd'hui.

Avec la chute continue de la recette unitaire du fait d'une forte concurrence, la seule solution passe est de baisser les coûts par la négociation ou, à défaut, de supprimer des lignes. Ce pourcentage de lignes bénéficiaires est jugé obligatoire par la direction pour atteindre son objectif de 740 millions d'euros de bénéfices en 2017, préalables à des jours meilleurs.

« Cet objectif de 740 millions d'euros est un préalable à la croissance du groupe Air France et une croissance de la flotte», martèle la direction. « S'il n'était pas atteint cette croissance ne serait pas assurée ».

Un petit bénéficie se soldera par de l'attrition

Selon des chiffres communiqués en interne, un résultat d'exploitation de l'ordre de 400 millions d'euros entraînerait une croissance zéro assortie d'une stabilité de la flotte puis de sa réduction. Un bénéfice de 100 millions déboucherait quant à lui sur un scénario d'attrition avec une réduction de la flotte et une évolution négative des capitaux propres.

Ce jeudi, lors d'un comité central d'entreprise (CCE), Frédéric Gagey a assuré que si le plan d'économies Perform se mettait en place (ce qui suppose des accords avec les syndicats), Air France augmenterait ses capacités long-courriers « jusqu'à 5 à 6% » en sièges kilomètres offerts et heures de vol au cours des années 2017-2018. Dans ce scénario, 4 ouvertures de lignes vers l'Amérique du nord, l'Amérique du sud, l'Afrique (2 routes) sont prévues.

100 millions d'euros de primes

Air France propose même une clause de retour à bonne fortune en cas d'atteinte des objectifs du plan Perform pour les années 2016-2017 en termes de résultats et de baisse des coûts unitaires. Cette prime pourrait s'élever à 100 millions d'euros sur les deux ans (40 millions d'euros en 2016, 60 millions en 2017). Elle prendrait la forme d'un complément aux accords d'intéressement et de participation.

"Communication anxiogène" pour le SNPL

En attendant, pour certaines organisations professionnelles, il n'y a pas urgence.

«La communication anxiogène de la direction laisse penser que nous sommes au bord du gouffre. C'est exagéré », explique à La Tribune Emmanuel Mistrali, le porte-parole du SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, en précisant néanmoins que « ce n'est pas pour cela qu'il ne faut rien faire ».

Même son de cloche du côté de certains syndicats d'hôtesses et stewards :

«nous ne voyons pas d'urgence à négocier la ré-vision d'un accord qui court jusqu'à fin octobre 2016 et qui va faire disparaître le métier de PNC. D'autant plus quand il n'y a pas de projet équilibré proposé par la direction et que l'entre-prise se redresse », explique David Lanfranchi, président du SNPNC, en rappelant que les PNC avait déjà « apporté 220 millions d'euros d'économies à la compagnie lors du plan précédent ».

Forte baisse de la facture carburant en vue pour 2016

L'amélioration des comptes d'Air France devrait se prolonger l'an prochain. Avec les prix actuels du baril de pétrole, lesquels sont appelés à se maintenir, Air France-KLM pourrait bénéficier en 2016 d'une réduction de sa facture carburant d'environ 500 millions d'euros selon Yan Derocles, analyste chez Oddo Securities.

Surtout dit-il, «il est peu probable que cette baisse soit compensée par un recul de la recette unitaire aussi fort que celui de 2015 si la conjoncture ne se détériore pas ». Bref, des perspectives qui peuvent pousser certains syndicats à jouer la montre.

Pour autant, malgré cette amélioration, la réalité est loin d'être rose.

«L'essentiel de l'amélioration provient de la baisse du prix du carburant » explique-t-on en interne. « Si nous ne faisons rien, nous nous retrouverons à l'avenir dans une situation à nouveau très difficile ».

Ecart de coûts

Car malgré ses efforts, Air France affiche toujours des coûts supérieurs à ces concurrents directs, IAG et Lufthansa. A tel point que ces deux rivaux sont mieux placés pour profiter. Notamment IAG, la maison-mère de British Airways, Iberia et Vueling.

«Comme IAG a abaissé ses coûts fixes plus fortement qu'Air France, la part des coûts variables dans l'ensemble de sa structure de coûts est plus élevée. Par conséquent l'effet de levier d'une baisse du prix du carburant est supérieur chez IAG », fait remarquer Yan Derocles.

Air France doit donc baisser ses coûts. Selon la direction, les écarts de coûts à l'heure de vol avec une moyenne européenne s'élève à 40% pour les hôtesses et stewards et 20% pour les pilotes. Des chiffres contestés par les syndicats.

«Ces chiffres sont exagérés. Nous n'avons pas à rougir par rapport aux autres Majors européennes. Il n'y a pas de quoi se flageller », explique Emmanuel Mistrali.

Augmenter le nombre d'heures de vol

Pour les pilotes, la direction demande une hausse du nombre d'heures de vol à rémunération constante. Elle vise 690 heures par an sur le moyen-courrier contre 585 heures aujourd'hui et 780 heures par an sur le long-courrier contre 685 heures.

La direction cherche à réduire le nombre de jours « off » mensuels de 13 à 11 pour les pilotes moyen-courriers et de réduire le temps de repos des pilotes long-courriers (4 jours consécutifs contre 5 à 6) et le temps de repos en escale. Au total, ces mesures équivalent à 6 rotations sur Washington supplémentaires par an.

Idem pour les PNC. La direction cible 650 heures de vol par an sur le réseau moyen-courrier (contre 550 aujourd'hui) et 750 heures de vol par an sur le long-courrier au lieu de 650 heures. Pour y arriver, la direction veut notamment réduire de 1 à 2 le nombre de jours « off » (sur le moyen-courrier) tout en augmentant de la limite d'heures de vol de 80 à 90 heures par mois.

Au sol enfin, où le cadre conventionnel n'a pas besoin d'être revu, de nombreux projets de baisses de coûts sont lancés localement.

Suppressions de postes

Le compte à rebours est donc lancé. Les négociations vont se poursuivre jusqu'au 30 septembre. Un état des lieux sera fait le 1er octobre au conseil d'administration d'Air France-KLM puis le lendemain à celui d'Air France.

Le 5 octobre, la direction doit présenter la décision des conseils. «Le plan B tient la corde», pronostique un responsable syndical. Aucune chance d'obtenir un accord avec les pilotes dans un délai aussi court. Encore moins avec les syndicats de PNC qui refusent de négocier.

Reste à voir si un accord cadre avec le SNPL suffirait à convaincre les administrateurs de ne pas lancer ce fameux plan B qui pourrait entraîner jusqu'à 8.000 suppressions de postes selon la CGT et la CFE-CGC,  avec des licenciements secs.

Sur ce point, selon un syndicaliste, la direction a indiqué en CCE qu'en cas de plan B, des départs contraints concernaient les navigants (pilotes, PNC) mais aussi le personnel au sol de manière localisée, là où le différentiel de compétitivité est trop important. Une façon de pointer sans les citer certaines escales en sureffectif comme Marseille. Ailleurs, pour le personnel au sol, la direction envisagerait un plan de départs volontaires massif. De fait, un éventuel PSE ne toucherait ni la maintenance, ni le hub de Roissy.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 34
à écrit le 01/10/2015 à 10:53
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Je suis attristé de lire ces flots d'aigreur nauséabonde contre la corporation PNC. Plutôt que dire des âneries, rencontrez des collègues PNC et posez leurs vos questions. _Primes repas: 16€ sur Court Courrier...Entre 16€ et 35€ sur Long Courrier. ...

le 06/10/2015 à 23:48
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alors je travaille pour la SNCF au bar des TGV depuis peu et tout est a peu pres similaire, a la difference, qu'etant nouveau, j ai beaucoup de mal a admettre certaines choses, et je manque de routine plaintive. 16 euros de primes repas, nous c'est ...

à écrit le 26/09/2015 à 12:28
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Dans l'idéologie syndicale, une bonne entreprise est une entreprise qui fait des pertes, car les bénéfices ne sont que du profit réalisé sur le dos de ses salariés. Et pour combler les pertes, il n'y a qu'a demander aux actionnaires de remettre au po...

le 28/09/2015 à 8:27
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Bien vu, Onze et comme disait Coluche: " Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme et le syndicalisme c'est le contraire"

le 28/09/2015 à 8:27
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Bien vu, Onze et comme disait Coluche: " Le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme et le syndicalisme c'est le contraire"

le 01/10/2015 à 13:32
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plutot une entreprise qui équilibre juste ses comptes, qui ne verse pas de dividendes, seulement des intérêts, qui ne génère pas de fortes plus values

à écrit le 26/09/2015 à 8:01
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Air France ne sera pas la première entreprise française coulée du fait du corporatisme des mieux lotis et de la surenchère de syndicats jusqu'au boutiste qui refusent égoistement de voir le monde en face.

le 26/09/2015 à 13:17
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Egoisme, Il y a une evidence ........ vous ne connaissez rien de ce dossier !

à écrit le 25/09/2015 à 12:35
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En France, un profit pose toujours problème car aussitôt il attise les convoitises. Solution: virer tous ces pilotes sur le champs ! La France est farcie de corporations qui parasitent la collectivité au nom de leur pouvoir de nuisance souvent garant...

à écrit le 25/09/2015 à 10:46
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Pourquoi toutes ces négociations sont dans la presse ?

le 27/09/2015 à 16:09
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Question très pertinente....qu'aucun journaliste ne se pose. Ajoutons que (généralement) seule la voie de la direction est dans la presse.

à écrit le 25/09/2015 à 10:03
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Pour les 40000 je suis preneur Parce que j'en suis loin, mais si la cie le dit c'est sûrement vrai, comme tous les articles précédents. Pour les primes démentielles, désolé a moins de 20€ la prime sur le sol français , je ne trouve pas que cela soit ...

à écrit le 25/09/2015 à 8:43
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Le problème d'AF concerne toutes les entreprises soumises à la concurrence internationale. La solution est externe à cette entreprise.

à écrit le 25/09/2015 à 7:22
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Un nouveau DRH nommé par Matignon ... Le plan de De Juniac de faire porter le chapeau aux navigants pour diminuer le ratio personnel/avion semble avoir du plomb dans l aile. Que tout le monde fasse des efforts , soit , encore faudrait il que ceux c...

à écrit le 24/09/2015 à 22:55
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100 heures de vol de plus par an ?? Pas possible, pas mal de pilotes tournent déjà à plus de 800 hdv annuelles, donc ça veut dire que l'on dépassera le plafond max de 900 hdv. Car contrairement à ce qui est écrit, les pilotes d'AF bossent pas mal. ...

le 25/09/2015 à 12:27
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Pourquoi si les pilotes volent déjà 900h la direction ne leur en demande que 650? C'est pas logique.

à écrit le 24/09/2015 à 22:41
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Le panel de compagnies qui sert de comparatif pour les personnels naviguants comporte certes Lufthansa et British Airways , mais aussi des compagnies comme TAP et Turkish Airlines . Demande t'on a un fonctionnaire , un banquier , un journaliste ,un...

le 25/09/2015 à 7:33
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C'est faux et mensonger, les benchmarks sont hors charge social... Donc vraiment concentré sur le rapport salaire / HdV

le 25/09/2015 à 23:18
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Sauf qu'un boulanger ou un journaliste français n'est pas en concurrence avec un boulanger ou un journaliste turc...contrairement aux PNT. C'est triste mais c'est comme ça

le 26/09/2015 à 8:25
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Alors on fait quoi? Si on n'est pas compétitif, on disparait et les consommateurs ravis choisiront la cie turque. Le temps des protections sociales désuètes payées par le contribuable est révolu. C'est marche ou crève, c'est le prix du vrai progrès e...

le 26/09/2015 à 13:15
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Suivant , Savez vous que Air France est la Compagnie est la plus taxée au monde ? Charges sociales, taxes de l'Etat Français, Impots, taxes aéroport de paris (Etat aussi), Taxes carburant en France. Savez vous egalement qu'une grande partie...

le 27/09/2015 à 22:02
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@ aaa : bien sur que les benchmarks sont determines en fonction des couts payes par l'entreprise , donc ils comprennent bien sur les charges sociales. @ Polo : la non concurrence que vous évoquez ne tient que parce qu'il existe des protections pol...

à écrit le 24/09/2015 à 22:39
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Le panel de compagnies qui sert de comparatif pour les personnels naviguants comporte certes Lufthansa et British Airways , mais aussi des compagnies comme TAP et Turkish Airlines . Demande t'on a un fonctionnaire , un banquier , un journaliste ,un...

le 26/09/2015 à 22:29
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@reponseàmarsa Les taxes sont une belle excuse. Oui elles sont élevées mais savez-vous aussi que les coûts à l'heure de vol des PNT/PNC d'AF sont parmi les plus chers du monde? Bien sûr que oui puisque vous êtes membre du SNPL.

à écrit le 24/09/2015 à 22:01
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C est maintenant qu il fait reformer, benefice ou pas la structure n est pas saine

le 26/09/2015 à 13:18
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Oui.... la structure de la Direction de cette entreprise , pas le reste ou tres peu

à écrit le 24/09/2015 à 22:01
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Enfin un article pondéré et correctement documenté. Ca change des beuglements du figaro.Merci !

à écrit le 24/09/2015 à 21:55
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Il manque quelques éléments importants à votre article : - Le plan d'austérité précédent n'a pas encore produit tous ses effets. Ca sera le cas à partir de 2016 - Les navigants surout les PNC ne sont pas à leur plafond d'heures de vol. Avec les acc...

le 25/09/2015 à 7:37
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Sauf quand un PNC (HST ou STW) touche dans les 40000k€ (source bilan social Air France), qu'en plus il touche des indemnités surdimensionnés en escale (vous ne voulez pas que cite la prime par repas à BKK ou RIO?) et qu'il a tellement de temps libre,...

le 25/09/2015 à 13:56
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Je suis PNC LC AF je ne touche pas 40000k€ par an et mes frais de repas en escale sont inclus dans ma remuneration ! Manger a Bamako ? bel exemple que vous choisissez la : Obligation de rester à l hotel pour raison de sûreté. Rio ? Frais de repas peu...

le 25/09/2015 à 17:04
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Bangkok : 37.25 euros par repas, Rio : 26.95 par repas D'autres affirmations mensongères aaa?

le 25/09/2015 à 17:17
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aaa, Mon épouse est chef de cabine, 20 ans d'ancienneté et elle n'est pas à 40000 euros annuels. Elle est en vol 17 jours par mois. Maintenant si en rentrant d'un vol de 12 ou 14h en travaillant pendant ce vol, vous etes en forme..... ce n'est ...

le 27/09/2015 à 8:25
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Si on reprend l'intégralité des commentaires assez navrant de mensonge. Bilan social 2012 sur google et on tombe sur le site de la CGT (un allié de la direction si je vous suis tous) Page 31 du rapport, on trouve la rémunération brut des PNC (en ...

le 27/09/2015 à 22:19
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@ aaa: je decouvre navré le contenu de vos tres nombreux commentaires. ils refletent une profonde incomprehension de votre part du metier de naviguant. Confondre heures de vol et temps de travail est une erreur de beotien.... tres repandue dans la pr...

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