Alstom Belfort : un sauvetage pour le moins bizarroïde

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  643  mots
Vue du site d'Alstom à Belfort, une rame TGV neuve au premier plan.
Pour alimenter le site de Belfort, l'Etat a commandé 15 rames TGV pour les positionner sur des lignes Intercités et six autres pour la ligne Paris-Milan-Turin. Alstom va investir 40 millions d'euros sur le site.

Les 400 salariés de l'usine d'Alstom de Belfort peuvent souffler. Le site est sauvé. Il n'y aura pas de fermeture de site ni de suppressions de postes. La menace d'une rupture de charge de la production est écartée. Annoncée ce mardi par le secrétaire d'Etat à l'industrie Christophe Sirugue aux élus locaux, les commandes de l'Etat permettront de faire la soudure entre la production de TGV classiques et le début de celle du TGV du futur à partir de 2021.

Pas de rupture de la chaîne de production

En effet, alors que les 6 rames restant encore à livrer garantissaient la production jusqu'à fin 2018-début 2019, les 15 rames supplémentaires commandés par l'Etat et les six autres destinée la ligne Paris-Milan-Turin permettront d'assurer près de 3 ans d'activité. S'ajoute également dans le plan de sauvetage, une commande la SNCF pour 20 locomotives de dépannage.

Alstom investira à Belfort

En contrepartie, Alstom investira 40 millions d'euros d'ici à 2020, dont 30 millions d'ici à 2018 dans le développement et la production d'un nouveau modèle de locomotive hybride ou diesel. L'Etat étudiera un possible financement complémentaire.

En outre, Alstom investira 5 millions d'euros d'ici à 2019 dans la modernisation des ateliers de maintenance ferroviaire du site, avec l'objectif de doubler les effectifs sur cette activité, soit 150 salariés à terme. Les collectivités locales accompagneront ce projet.

Enfin, Alstom investira 5 millions d'euros supplémentaires d'ici à 2020 pour diversifier la production de l'usine de Belfort, berceau du TGV qui compte actuellement plus de 400 salariés, et l'orienter vers d'autres types de trains mais aussi de véhicules routiers, notamment le bus électrique.

Ces investissements s'ajouteront au projet de "TGV du futur", qu'Alstom et la SNCF doivent concevoir d'ici à la fin de 2017, en vue d'éventuelles commandes qui profiteraient en partie à l'usine de Belfort à partir de 2021.

Coûts de production plus élevés

Comme François Hollande s'y était engagé, Belfort ne fermera donc pas. On ne peut que s'en réjouir. Pour autant, le montage est pour le moins loufoque en termes d'économie du transport, puisque les 15 rames TGV, capables de rouler à une vitesse de plus de 350 km/h, seront utilisées pour rouler à 160 km/h sur des lignes Intercités entre Bordeaux et Marseille et Nice et entre Montpellier et Perpignan.

 «Sur le plan économique, c'est absurde», reconnaît un industriel.

Si des TGV roulent déjà aujourd'hui sur une partie du réseau classique en complément d'une ligne à grande vitesse (le réseau LGV est de 2.000 km et le réseau qui accueille des TGV est de 3.500 km environ), il est effectivement peu rationnel de mettre une rame TGV à une trentaine de millions d'euros pièce à la place d'un train Intercités qui en coûte entre 11 à 15 millions. Le coût d'exploitation à l'étape n'en sera que supérieur pour l'exploitant, et sans aucun rapport avec la recette unitaire, très faible, sur ce type de lignes. De quoi menacer davantage la rentabilité de ces lignes.

Pour l'anecdote, rappelons que la SNCF a, il y a peu, déjà voulu refourguer aux Régions ses premières rames de TGV Paris-Sud-Est (de couleur orange), complètement amorties, et que les conclusions n'avaient pas été concluantes.

Commande de 30 TET d'ici à fin octobre

Ce choix de positionner des TGV sur des lignes Intercités ne devrait pas impacter la commande de 30 rames TET (trains d'équilibre du territoire) que l'Etat promet toujours de passer d'ici à fin octobre en complément des 34 Coradia Liner déjà passées.

Enfin, certains observateurs s'interrogent sur un éventuel impact de ces TGV supplémentaires sur les commandes de TGV du futur. «Ces TGV supplémentaires commandés par l'Etat, dont la SNCF n'a pas besoin, ne vont-ils impacter la future commande de TGV du futur ? », explique un expert, alors que la SNCF ne pourrait déjà pas s'engager sur plus de 50 exemplaires selon certaines sources.