Canicule en Allemagne : le niveau critique du Rhin menace le transport de charbon censé remplacer le gaz russe

Par latribune.fr  |   |  692  mots
Hier vendredi 12 août 2022, un convoi de barges à moitié chargées de charbon navigue à l'étiage (débit minimal d'un cours d'eau) sur le Rhin, à la hauteur de Cologne. En raison de la sécheresse persistante, le niveau du Rhin baisse de plus en plus et menace d'arrêt tout transport de marchandise par voie fluviale. Mais cette baisse du niveau du fleuve, avec le réchauffement des eaux consécutif, met aussi à rude épreuve toute la flore et la faune fluviale. (Crédits : Reuters)
Pour pouvoir faire tourner son appareil industriel malgré l'arrêt des importations du gaz russe pour cause de sanctions européennes contre la Russie, l'Allemagne s'est vue obligée de renoncer momentanément à l'abandon du nucléaire et même de recourir plus abondamment au charbon. Et pourtant, à cause de la canicule qui s'invite dans l'équation, le fret fluvial est menacé d'arrêt: les barges qui participent à l'acheminement du minerai fossile risquent bientôt de ne plus pouvoir naviguer sur le Rhin, compromettant même cette solution de dernier recours.

L'Allemagne n'avait vraiment pas besoin qu'une nouvelle plaie s'abatte sur elle. A cause de la guerre en Ukraine, Berlin, extrêmement dépendant du gaz russe pour faire tourner son industrie, a voté les sanctions européennes contre la Russie. Premier écueil, ces sanctions impliquant l'arrêt des importations d'énergie fossile de ce pays pour ne plus financer la machine de guerre de Poutine, ont obligé l'Allemagne à chercher des sources d'approvisionnement alternatives. Deuxième écueil : face à la difficulté à en trouver (ou à les acheminer), Berlin a dû manger son chapeau et renouer d'une part avec l'énergie nucléaire et d'autre part avec le charbon, l'énergie la plus polluante qui soit. Et malgré ces renoncements, un événement météorologique survient qui ajoute un nouveau grain de sable dans les rouages de l'appareil productif allemand: le réchauffement climatique.

Sous l'effet d'une vague de chaleur exceptionnelle, tant par sa durée que par son intensité, qui fait étouffer tout le continent européen, le niveau du Rhin, mesuré au point de Kaub (en Allemagne), la référence pour juger de sa navigabilité, est tombé vendredi sous le niveau de 40 centimètres, le seuil nécessaire pour une grande partie du transport fluvial.

Un casse-tête pour l'industrie allemande, mais pas si nouveau

Mais ces épisodes de basses eaux sont déjà apparus par le passé, notamment en 2018. Ainsi dans son rapport de 2019, la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), publiant les chiffres de la prestation de transport sur les voies de navigation intérieure de l'Union européenne au 1er trimestre 2019, notait qu'elle "s'est relevée de la période de basses eaux du deuxième semestre 2018." La CCNR précisait :

"Avec une valeur de 37,5 milliards de tonnes-kilomètres au 1er trimestre 2019, la prestation de transport affichait une augmentation de 30% par rapport à celle du 4e trimestre 2018, une période au cours de laquelle le Rhin, le Danube et l'Elbe avaient beaucoup souffert des basses eaux."

Sur cet épisode de sécheresse de 2018, qui avait vu la profondeur de référence du Rhin à Kaub descendre jusqu'à 25 centimètres au mois d'octobre, la Deutsche Bank Research a calculé qu'il avait amputé le PIB allemand de 0,2% cette année-là.

La perspective d'un arrêt partiel du trafic sur ce fleuve parmi les plus fréquentés du monde constitue donc un nouveau casse-tête pour l'industrie allemande, déjà éprouvée par la crise du gaz russe et la flambée des prix de l'énergie dans la foulée de la guerre en Ukraine.

Ce vendredi 12 août 2022, à environ trente kilomètres au sud de Coblence, la jauge est tombée à 38 cm en début de soirée et devrait continuer à baisser vers 35 cm d'ici lundi, selon les données et prévisions de l'autorité fédérale des voies navigables.

Risque de blocage du fret transporté par voie fluviale depuis les ports maritimes

Le risque, c'est le blocage de tout le fret transporté par voie fluviale en Allemagne (4% du total du fret), y compris sur le Rhin, fleuve qui prend sa source en Suisse et traverse maints pays dont la France et l'Allemagne.

Hier vendredi, la compagnie de transport Contargo, confirmant qu'aucune amélioration n'était envisageable rapidement, a lancé cet avertissement:

Sous 40cm, « nos péniches ne pourront plus naviguer sans danger et, pour des raisons de sécurité, nous devrons interrompre en grande partie notre navigation sur le Rhin supérieur et moyen ».

Le Rhin, maillon clé du retour du charbon pour réduire la dépendance au gaz russe

Le fleuve a regagné en importance ces derniers mois car, pour réduire sa dépendance en particulier du gaz russe, l'Allemagne veut davantage se tourner vers le charbon. Or, les grandes centrales électriques se situent principalement dans le pourtour rhénan, fleuve clé pour leur approvisionnement.

Les plus grandes entreprises allemandes ont déjà prévenu que de fortes perturbations du trafic fluvial pourrait porter un nouveau coup à une économie déjà en proie à des difficultés logistiques.