Ce que prévoit Air France pour faire du long-courrier moins cher

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  940  mots
Air France va "suspendre" le développement de Transavia en Europe cher à l'ancien PDG Alexandre de Juniac. Une nouvelle compagnie, filiale d'Air France, va être créée pour la desserte des lignes long-courriers composées d'un mix de clientèles affaires et loisirs, sur lesquelles Air France perd de l'argent, mais aussi pour ouvrir de nouvelles lignes. Cette compagnie aura aussi une activité court et moyen-courrier.

Article actualisé à 8h46

Arrêt du développement de Transavia, l'entité low-cost du groupe, en Europe ; création d'une nouvelle compagnie, filiale d'Air France, disposant de coûts allégés par rapport à Air France, positionnée sur des lignes long-courriers mi-business/mi-loisirs sur lesquelles les recettes ne sont pas suffisantes pour être rentabilisées par Air France, mais aussi sur le moyen-courrier pour contribuer à alimenter le hub de Roissy : ce sont, selon nos informations, deux propositions qui figurent dans le projet stratégique dévoilé ce mercredi au conseil d'administration d'Air France-KLM et d'Air France par le nouveau PDG du groupe, Jean-Marc Janaillac. Ce projet sera présenté ce jeudi au comité central d'entreprise (CCE) d'Air France, puis à la presse en début d'après-midi.

Suspension du développement de Transavia en Europe

Si le projet comporte de nombreux points communs avec celui présenté il y a deux ans par l'ancien PDG Alexandre de Juniac (notamment sur la partie des efforts à faire à Air France), l'arrêt du développement de Transavia en Europe marque en revanche une vraie rupture. Alexandre de Juniac en avait fait un axe majeur de sa stratégie pour pouvoir rattraper le temps perdu face aux colosses du secteur, comme Ryanair ou Easyjet. En 2014, il comptait investir un milliard d'euros au cours des 5 prochaines années pour financer ce développement et a avait indiqué l'hypothèse d'une nouvelle tranche d'un milliard au cours des 5 années suivantes.

Ce dossier, qui avait amplifié la mobilisation des pilotes lors de la grève de septembre 2014, s'était concrétisé par l'ouverture, par Transavia Holland, d'une base à Munich en mai dernier. Aujourd'hui, vu l'ampleur des investissements nécessaires, le groupe n'a pas les moyens de ses ambitions et préfère concentrer Transavia dans la défense des marchés nationaux du groupe, la France et les Pays-Bas. En France, la compagnie va continuer de desservir l'Europe au départ d'Orly et de certaines villes de province et envisage aussi des vols intérieurs au départ d'Orly.

Dès son arrivée, Jean-Marc Janaillac avait fait part à des proches de ses doutes sur la poursuite d'un tel développement. Air France avait pris un tel retard dans la riposte à mener face aux low-cost court-courrier, qu'il ne souhaitait pas passer à côté d'une riposte à l'arrivée des low-cost long-courrier.

Nouvelle compagnie

Le projet de créer une autre compagnie au sein d'Air France, dont la marque sera dérivée de celle d'Air France, vise à maintenir une présence sur un réseau de lignes long-courrier de la compagnie tricolore menacées de fermeture à terme, mais aussi à d'ouvrir de nouvelles lignes. Cette nouvelle compagnie, dont le nom ne sera pas annoncé ce jeudi, n'est pas présentée comme une low-cost. Son produit sera un produit Air France sans première classe et avec une classe affaires disposant d'un siège convertible en lit. Mais il y aura plus de sièges par rangée.

Elle utiliserait des pilotes d'Air France inscrits volontaires (mais qui voleront avec des règles spécifiques, une assistance au sol Air France et des hôtesses et stewards travaillant avec des règles spécifiques qu'il faudra négocier. L'idée est d'utiliser à terme des Airbus A350 neufs, dont les premiers exemplaires sont prévus à partir de 2019. D'ici là, il est prévu d'utiliser les A340. Pour autant, la direction a de la marge. Elle envisage de lancer cette nouvelle compagnie pour la saison été 2018. Cette compagnie devrait représenter 10% de l'offre long-courrier du groupe d'ici à 2020. Elle possèdera 10 appareils à cet horizon.

Par ailleurs, Jean-Marc Janaillac propose que cette "new co" assure également l'alimentation du hub de Roissy. Lancée à l'hiver 2017, elle devrait représenter 20% de l'activité d'ici à 2020. De fait, il n'y aura plus à Roissy que les marques Air France et celle de cette nouvelle compagnie. HOP ne sera plus présente. En revanche à Orly, ne seront présentes que HOP Air France et Transavia.

Au final, Air France-KLM entend transporter 100 millions de passagers d'ici à 2020, contre 91 millions aujourd'hui.

Feuille blanche

Partir d'une feuille blanche comme l'a fait le groupe Dubreuil avec French Blue constitue, a priori, le meilleur gage de réussite. Cela permet notamment de mettre en place des process très simples grâce à l'intégration dans les fondations de la compagnie des nouvelles technologies et, sur le plan social, de débuter une activité sans l'historique d'un mille-feuille d'accords d'entreprise en vigueur à Air France. Une solution efficace à condition de ne pas dupliquer les conditions de travail et de rémunération en vigueur à Air France.

Reste à voir l'attitude des syndicats, notamment des pilotes. Interrogé vendredi, un membre du bureau Air France du SNPL pointait notamment  la nécessité d'avoir un contrat Air France unique à tous les pilotes. Ce qui ne signifie pas, soulignait-il, qu'il n'y ait pas des règles d'utilisation différentes. Dans le schéma retenu, les pilotes devraient certes voler plus mais aussi gagner plus, comme c'est le cas à Transavia. Pour les PNC, il existe une possibilité d'acceptation de leur part, dans la mesure où, à partir de l'an prochain, ils pourraient se retrouver en sous-effectif à Air France.

Ce sera la tâche de la nouvelle direction d'Air France. Ce mercredi soir, Air France-KLM a confirmé la nomination de Franck Terner comme directeur général d'Air France et celle du PDG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, comme président de la compagnie française. La méthode est cruciale aux yeux de Jean-Marc Janaillac. Ce jeudi, en CCE, il devrait à nouveau insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un plan imposé mais d'un projet.