Cheminots SNCF, "vous êtes plus protégés que des fonctionnaires'", dit Macron

Par latribune.fr  |   |  1067  mots
(Crédits : Regis Duvignau)
La fin du recrutement au statut est prévue pour janvier 2020 au moment de la mise en place de la réforme du ferroviaire. En déplacement ce mercredi à Saint-Dié-des-Vosges sur le thème de la revitalisation des centres-villes, Emmanuel Macron a été pris à partie par des cheminots de la CGT et de Sud-Rail avec lesquels il a engagé un échange parfois rugueux.

La fin du statut des cheminots pour les nouvelles recrues de la SNCF, au coeur du projet de transformation de la compagnie ferroviaire, prendra effet le 1er janvier 2020. Lors d'une réunion de concertation au ministère des Transports ce mardi, cette date a été présentée aux organisations syndicales et dévoilée par la lettre spécialisée Mobilettre. Cette échéance est alignée sur le reste du calendrier de la réforme des chemins de fer. C'est en effet au 1er janvier 2020 que la SNCF doit devenir une société nationale à capitaux publics, selon le projet de loi voté mardi en première lecture par l'Assemblée nationale. C'est aussi à cette date que l'Etat doit commencer à reprendre au moins partiellement la dette de SNCF Réseau, représentant près de 47 milliards d'euros comme l'a annoncé récemment Emmanuel Macron. Elle correspond aussi à quelques semaines près à l'ouverture du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence, puisque les régions pourront choisir d'autres compagnies pour faire rouler leurs TER à partir du 13 décembre 2019. En pratique, de nouveaux entrants devraient commencer à faire circuler des trains régionaux fin 2020-début 2021, selon les spécialistes.

Le statut pèse pour un tiers du surcoût de la SNCF

Etant l'une des mesures qui ont poussé les cheminots à faire grève, la fin du statut des cheminots était pour l'exécutif un point non négociable de sa réforme du secteur ferroviaire. Les syndicats, au contraire, y sont viscéralement attachés.
Particulièrement protecteur, mais rigide, ce statut représenterait selon les calculs de la direction de la SNCF le tiers des quelque 27% de surcoût par rapport à ses concurrents. Il concerne actuellement 131.000 personnes, sur 147.000 employés des trois établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) qui constituent la SNCF en France.

Il définit les bases du contrat de travail des cheminots et fixe l'essentiel des garanties collectives: conditions d'embauche, rémunération, déroulement des carrières selon des grilles très strictes, mobilité, congés, droit syndical, sanctions disciplinaires, etc.
Il met aussi les agents à l'abri d'un licenciement économique, puisqu'il prévoit seulement trois cas de départ: démission, retraite ou radiation. Il donne aussi droit à un régime spécial de prévoyance et de retraite. Les cheminots qui en bénéficient actuellement, et les nouveaux arrivants jusqu'à la fin 2019, en garderont les avantages.

Ceux qui seront embauchés à partir de 2020 le seront dans un cadre contractuel, qui reste à négocier: ils seront soumis aux futurs accords d'entreprise propres à la SNCF et à la convention collective. Celle-ci est encore inachevée, puisqu'il reste à trouver un accord dans trois domaines, dont la rémunération et la représentation syndicale.
"Tout l'enjeu d'ici là est de faire aboutir les discussions au niveau de la branche pour parvenir à une convention collective de branche, ainsi qu'au niveau de l'entreprise. C'est ce à quoi le gouvernement appelle les différentes parties prenantes", a souligné mercredi le ministère des Transports.

Echanges rugueux entre Macron et des syndicalistes

En déplacement ce mercredi à Saint-Dié-des-Vosges sur le thème de la revitalisation des centres-villes, Emmanuel Macron a été pris à partie par des cheminots de la CGT et de Sud-Rail avec lesquels il a engagé un échange parfois rugueux.

Il a notamment exhorté les syndicats de la SNCF à cesser de bloquer le pays au lendemain du vote par les députés du projet de loi "pour un nouveau pacte ferroviaire", alors que le mouvement de grève intermittente a repris pour deux jours.

"Vous pouvez râler, mais ne bloquez pas tout le pays", a-t-il répondu aux interpellations de syndicalistes qui l'entouraient en leur demandant d'accepter un changement parce que "vous êtes plus protégés que des fonctionnaires. On est en désaccord mais je vous demande simplement de ne pas prendre en otage dans cette affaire", a-t-il ajouté en rappelant sa position sur une reprise progressive de la dette, dont l'ampleur dépendra des efforts consentis.

Bref, ceux qui au sein de la majorité dénonçaient le manque de tact de la ministre des transports Elisabeth Borne, seront servis.

"Les syndicats sont libres de leur décision, mais, quand même je les invite à prendre en compte le fait que la représentation nationale, c'est-à-dire l'ensemble des Français, approuve cette réforme", a déclaré de son côté la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur France 2.

Moins de grévistes

Dans le cadre du quatrième épisode de grève intermittente lancée à l'appel des quatre syndicats représentatifs, le trafic a été perturbé mercredi avec deux trains en circulation sur cinq pour les TER et Transilien, un train Intercités sur quatre, trois sur quatre pour les liaisons internationales et un TGV sur trois, sur fond d'érosion du taux de grévistes.

Le taux de déclaration de grévistes est toutefois passé de 48% au début du conflit à 32% pour la journée de mercredi, mais parmi lesquels 60% des conducteurs. Globalement, selon la direction, quatre cheminots sur cinq étaient à leur poste.

Vote de la réforme début juillet

Le projet de loi "pour un nouveau pacte ferroviaire" passera entre les mains des sénateurs à partir du 23 mai en commission et à partir du 29 mai en séance. Le gouvernement espère un vote définitif sur la réforme "au plus tard début juillet", précise-t-on au ministère des Transports.

Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, ce vote ne donne pas davantage de légitimité à la réforme.

"La démocratie parlementaire, nous la respectons, ça n'empêche pas qu'il y ait un débat de fond sur la question du service public ferroviaire. Et un député peut se tromper", a-t-il dit mercredi sur le site des Echos. La baisse du taux de déclaration de grévistes ne constitue pas, selon lui, le signal d'une baisse de la mobilisation.

"Nous sommes en période de congés scolaires", dit-il en expliquant que le taux de grévistes est calculé sur l'ensemble des salariés de la SNCF et non pas sur les personnes présentes. Il dit noter une "petite baisse" de la participation mais pas "une chute catastrophique", avec des taux encore importants, selon lui, parmi le personnel de maintenance et les cadres.