En pleine grève SNCF, la région PACA vote l'ouverture à la concurrence des TER

Par latribune.fr  |   |  1012  mots
(Crédits : Gonzalo Fuentes)
L'exécutif régional, dirigé par Renaud Muselier (LR), a voté une "procédure de délégation de service public" d'une partie de ses TER. Début 2020, la région compte lancer les appels d'offres pour deux lots de liaisons, Marseille-Toulon-Nice d'une part, et les lignes autour de Nice d'autre part.

En pleine grève de la SNCF contre la suppression des régimes spéciaux de retraite, la région Provence Alpes-Côte-d'Azur est venue rappelée que l'ouverture à la concurrence dans le transport ferroviaire français se rapprochait. Vendredi, la région s'est lancée concrètement  dans l'ouverture à la concurrence de ses TER, une première en France.

"On va avoir des prix canonissimes"

L'exécutif régional, dirigé par Renaud Muselier (LR), a voté une "procédure de délégation de service public" d'une partie de ses TER. Début 2020, la région compte lancer les appels d'offres pour deux lots de liaisons, Marseille-Toulon-Nice d'une part, et les lignes autour de Nice d'autre part, a précisé Renaud Muselier en séance plénière.

Provence-Alpes-Côte-d'Azur, qui clame depuis des mois vouloir être la première région à ouvrir ses trains à la concurrence, n'a pas perdu de temps : la loi ne permet que depuis le 1er décembre de passer des appels d'offre pour confier les TER à d'autres opérateurs que la SNCF.

"On va avoir des prix "canonissimes" proposés par les opérateurs publics ou privés, français ou étrangers, qui répondront à ces appels d'offres, a-t-il affirmé : "On va avoir les trains à l'heure, on va avoir des rabais, avec une qualité de service! Je vous le parie aujourd'hui!".

La région Paca consacre chaque année 285 millions d'euros à ses transports ferroviaires et l'ouverture à la concurrence permettra de "récupérer de l'argent public" sans "supprimer aucune ligne, ni aucune gare", a-t-il promis.

Renaud Muselier a détaillé la suite du calendrier: le choix de l'opérateur retenu pour chaque lot en juin 2021, le démarrage de l'exploitation l'année suivante sur Marseille-Nice (7 allers-retour quotidiens actuellement) et en 2024 autour de Nice (58 allers-retours sur différentes dessertes).

Les contrats seront signés pour 10 ans, et représentent une valeur estimée sur la période d'environ 1,78 milliard d'euros. Huit opérateurs, dont deux français, ont déjà fait part de leur intérêt pour les lots ouverts par la région.

Mise en concurrence obligatoire pour toutes les régions fin 2023

En ouvrant le marché intérieur du transport ferroviaire de passagers à la concurrence, la France se conforme ainsi au droit européen, en optant pour une suppression progressive du monopole de l'entreprise publique dans les transports ferroviaires régionaux. La mise en concurrence sera obligatoire pour toutes les régions à partir de décembre 2023, à la fin du contrat les liant au groupe public.

"Les autres régions sont à l'affût pour voir ce qu'il se passe", a assuré Renaud Muselier qui est également président de l'Association des régions de France. "On veut être les premiers", et "on veut payer le bon prix, pour le bon service", a-t-il ajouté.

La CGT bondit

Une vision qui fait bondir les cheminots de la CGT: "L'ouverture à la concurrence n'apportera aucune amélioration. On a pu voir dans d'autres pays que ça signifiait moins de trains, des trains plus chers, et moins de trains à l'heure", a réagi auprès de l'AFP Rémy Hours, le responsable local du syndicat.

"Les profits seront privatisés pour des actionnaires, mais les coûts d'investissement dans les infrastructures resteront pour le contribuable", un point sensible dans une région où elles sont saturées et vieillissantes, a-t-il dénoncé. "Comme pour la réforme des retraites, il s'agit d'une casse du service public", a ajouté le syndicaliste qui redoute une remise en cause des conditions d'emploi des cheminots si les lignes sont privatisées.

Au-delà de la région Paca, l'enjeu est de taille pour la SNCF. Trois autres régions sont susceptibles de suivre : Grand Est, les Hauts-de-France, et les Pays de la Loire. L'État, qui est soumis à la même règle pour les Intercités qu'il subventionne, veut de son côté ouvrir les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon à la concurrence.

Les concurrents seront présents 

En tous cas, plusieurs compagnies pourraient répondre aux appels d'offres de l'Etat et des régions, ou lancer directement leurs trains sur les rails français, face à la SNCF. Parmi elles, Transdev, très présente notamment en Allemagne où le marché est ouvert, ou la RATP, qui a déjà répondu présent à l'appel à manifestation d'intérêts de la région PACA. Elle vient de s'allier à Getlink (l'ancien Eurotunnel) pour répondre aux appels d'offres dans le Grand Est et les Hauts-de-France.

La compagnie ferroviaire publique italienne Trenitalia,a déjà indiqué qu'elle souhaitait participer aux appels d'offres des TERet se lancer sur le marché de la grande vitesse en France. Elle est déjà un opérateur ferroviaire en France via sa filiale Thello (une ancienne coentreprise avec Veolia/Transdev), qui fait rouler un aller-retour par nuit entre Paris et Venise et une poignée de trains entre Marseille, Nice et Milan.

La Deutsche Bahn (DB) et sa filiale Arriva suivent le dossier. Ils exploitent déjà des trains régionaux en Allemagne, au Danemark, au Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède et en République tchèque. Moins connue, Abellio, filiale des chemins de fer néerlandais NS exploite des trains régionaux en Allemagne et au Royaume-Uni.

Il ne faut pas écarter non plus l'opérateur du métro de Hong Kong, MTR. Ce dernier a fait son entrée en Europe en 2009 en reprenant l'exploitation du métro de Stockholm, et fait actuellement rouler des trains en Australie, au Royaume-Uni et en Suède.

Pour contrer ces concurrents, la SNCF peut compter sur Keolis, filiale de transports publics qu'elle détient à hauteur de 70% Keolis exploite des trains en Allemagne, aux Etats-Unis, au Pays-Bas et au Royaume-Uni. La SNCF pourrait la faire répondre à des appels d'offres pour des lignes suburbaines, afin de présenter une offre moins chère.

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