L'hallucinant scénario du crash de l'Airbus A320 de Germanwings

Par latribune.fr  |   |  1238  mots
Des enquêteurs allemands ont perquisitionné jeudi soir dans l'ouest de l'Allemagne les deux domiciles du copilote de l'avion de Germanwings, soupçonné d'avoir volontairement précipité l'appareil au sol.
Le copilote Andreas Lubitz a refusé d'ouvrir la porte du cockpit au commandant de bord qui en était sorti et a enclenché la descente de l'appareil. D'après la presse allemande, il a souffert d'une grave dépression il y a six ans de cela et était régulièrement suivi médicalement depuis. Le commandant de bord aurait tenté d'ouvrir la porte de blindée du cockpit avec une hache, en vain.

"Un épisode dépressif lourd". Andreas Lubitz, le copilote de l'Airbus A320 de Germanwings qui s'est crashé mardi dans les Alpes françaises avec 150 personnes à Bord, a souffert d'une grave dépression il y a six ans et était régulièrement suivi médicalement depuis, révèle vendredi 27 mars le quotidien allemand Bild qui a eu accès à des documents officiels.

Depuis, le jeune homme était sous traitement "médical particulier et régulier", poursuit le quotidien qui affirme que ces informations ont été transmises par la Lufthansa, maison-mère de Germanwings, à l'autorité allemande de supervision du transport aérien (Luftfahrtbundesamt, LBA).

La veille, c'est la voix étranglée de sanglots que lors d'une conférence de presse à Cologne Carsten Spohr, le patron de Lufthansa maison-mère de Germanwings, avait confié :

"Même dans nos pires cauchemars, nous n'aurions pas pu imaginer qu'une telle tragédie puisse arriver" dans notre entreprise. "Nous sommes abasourdis ici à la Lufthansa, ici à Germanwings."

Les révélations du procureur de Marseille

Les révélations deux heures plus tôt du procureur de Marseille, Brice Robin font froid dans le dos. À la lecture du Cockpit Voice Recorder, la boîte noire qui enregistre tous les sons dans le cockpit, le jeune copilote âgé de 28 ans, a volontairement agi pour précipiter l'avion contre la montagne.

"L'interprétation à ce jour (...) la plus plausible et la plus vraisemblable est que le copilote, par une abstention volontaire, a refusé d'ouvrir la porte de la cabine de pilotage au commandant de bord", a rapporté Brice Robin.

L'homme a ensuite "actionné le bouton commandant la perte d'altitude pour une raison qu'aujourd'hui nous ignorons totalement mais qui peut s'analyser comme une volonté de détruire cet avion", a indiqué Brice Robin.

Lors des vingt premières minutes de l'enregistrement, les échanges dans le cockpit entre le pilote et le copilote sont "courtois, un peu enjoués", mais lorsque le commandant de bord entame le briefing réglementaire en vue de l'atterrissage à Düsseldorf, les réponses du copilote deviennent "laconiques", "brèves", a indiqué le procureur.

Attitude volontaire

Après 20 minutes d'un pilotage normal, le commandant de bord quitte le cockpit, sans doute pour "satisfaire un besoin naturel". "On entend alors le commandant de bord demander au copilote de prendre les commandes et on entend à la fois le bruit d'un siège qui recule et d'une porte qui se ferme", ce qui laisse supposer que le commandant de bord se rendait aux toilettes.

À cet instant, on entend le jeune copilote, qui avait été engagé il y a quelques mois par la compagnie low-cost de la Lufthansa et n'avait qu'une centaine d'heures de vol à son actif, manipuler "les boutons du 'flight monitoring system' pour actionner la descente de l'appareil".

Celle-ci sera modérée et la trajectoire linéaire jusqu'à l'impact. "L'action sur ce sélectionneur d'altitude ne peut être que volontaire", a souligné Brice Robin.
Durant toute la durée de cette descente volontaire, la respiration du copilote est audible et normale, ce qui signifie qu'il était vivant jusqu'à l'impact.

Dans cet intervalle, on entend le commandant de bord appeler à plusieurs reprises pour avoir accès à la cabine de pilotage dont la porte blindée se bloque automatiquement sur ces appareils, aux termes des normes de sécurité mises en oeuvre depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Le copilote est resté muet

Le pilote tape à la porte en vain, les interventions des contrôleurs aériens français, qui ont repéré l'anomalie, restent sans réponse. Les alarmes se déclenchent alors pour alerter l'équipage sur la nécessité de redresser l'appareil. Aucun message de détresse n'a jamais été émis et le copilote est resté muet tout au long de la descente, a confirmé Brice Robin.

Dans les derniers instants du vol, des coups violents retentissent sur la porte du cockpit, ce qui laisse à penser que le commandant de bord tentait d'enfoncer la porte. D'après Bild, qui cite des sources sécuritaires, le commandant de bord a utilisé une hache se trouvant à bord de l'appareil pour tenter de forcer la porte blindée et tenter d'empêcher la catastrophe. Puis survient le bruit d'un choc sur un talus, avant l'impact, à plus de 700 km/h contre la montagne.

Selon le procureur de Marseille, les passagers ne se sont rendus compte de leur sort qu'à la dernière minute, juste avant l'impact. Des cris sont audibles dans les dernières secondes du Cockpit Voice Recorder. La mort a été instantanée.

Le copilote avait interrompu sa formation il y a six ans

Les enquêteurs français et allemands ont engagé des investigations sur l'environnement personnel et familial de cet homme d'origine allemande, Andreas Lubitz, 28 ans. Il avait entamé sa formation en 2008 avant de l'interrompre "de plusieurs mois" il y a six ans sans donner d'explications, Il était "à 100% capable de piloter" un avion, a martelé Carsten Spohr.

"Ceux qui nous connaissent savent que nous sélectionnons avec beaucoup, beaucoup d'attention" nos pilotes, a-t-il expliqué, ajoutant que la procédure de recrutement des pilotes laissait une large place aux examens psychologiques, en plus des tests sur les capacités techniques et cognitives.

Il a néanmoins ajouté qu'une fois devenus pilotes, ils ne subissaient plus de tests psychologiques mais seulement des examens destinés à tester leurs aptitudes au commandement, s'ils souhaitent devenir commandant de bord.

Suicide ou acte terroriste?

"Aucun élément ne milite en faveur d'un attentat terroriste", a dit Brice Robin en précisant qu'il réfléchissait "à une requalification de l'enquête", ouverte dans un premier temps pour "homicides involontaires".

Le copilote en question n'était "pas répertorié comme terroriste", a pointé le procureur, qui a peine à qualifier l'acte.

"Je n'appelle pas ça forcément un suicide quand on a la responsabilité d'une centaine de personnes derrière."

Des propos partagés par Carsten Spohr qui a ajouté qu'il "n'y avait pas le moindre indice" sur les raisons qui ont poussé le copilote à commettre un tel acte.

Des perquisitions aux domiciles du copilote

Par ailleurs, les enquêteurs allemands perquisitionnaient jeudi soir dans l'ouest de l'Allemagne les deux domiciles du copilote de l'avion de Germanwings, soupçonné d'avoir volontairement précipité l'appareil au sol mardi matin, a annoncé le parquet de Düsseldorf (nord-ouest).

"Les perquisitions concernent aussi bien l'appartement du copilote à Düsseldorf que son logement à Montabaur", où il vivait une partie du temps chez ses parents, a indiqué à l'AFP le procureur Ralf Herrenbrück, précise un communiqué de ses services évoquant "plusieurs perquisitions" dans le pays.

Le parquet de Düsseldorf a ouvert une enquête parallèle aux investigations principales menées en France en raison de la présence dans cette région allemande de nombreuses victimes.

Les procédures d'identification des corps ont débuté

Les familles des victimes, principalement de nationalités allemande et espagnole, sont arrivées jeudi en France en provenance de Düsseldorf et Barcelone. La famille du copilote est elle aussi en France, a précisé le procureur. Informées des circonstances du drame par le procureur de Marseille, elles devaient se rendre dans l'après-midi sur les lieux du crash, à Seyne-les-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence).

Les procédures d'identification des corps, qui nécessite des prélèvements d'ADN sur les familles, ont débuté jeudi et devraient, selon les enquêteurs, se poursuivre la semaine prochaine, voire la semaine suivante.