Les bénéfices d'Air France-KLM s'envolent. Oui mais...

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  948  mots
Dans le rouge en 2014 en raison de la grève des pilotes, le groupe a dégagé en 2015 un résultat d'exploitation de 816 millions d'euros en 2015, en raison notamment de la chute de la facture carburant.

Pour une fois depuis mai 2007, les dirigeants d'Air France-KLM devraient présenter des résultats annuels avec le sourire (en 2008 les résultats étaient positifs mais la panique se lisait sur les visages à l'heure où le prix du baril explosait). Pour une fois depuis bien longtemps, l'annonce des résultats entraîne une hausse de l'action (plus de 10% en début d'après-midi) dans la mesure où les bénéfices annoncés sont largement supérieurs aux attentes des analystes financiers qui tablaient sur un bénéfice d'exploitation de 661 millions d'euros pour l'année 2015. il s'est élevé à à 816 millions d'euros, en hausse de 698 millions par rapport à l'exercice précédent (hors effet de la grève des pilotes en septembre 2014) et de 945 millions en excluant l'impact de cette grève. Pour la première fois depuis 2008, le résultat net est lui positif, à 118 millions.

Air France sort enfin du rouge

L'Ebidta s'élève quant à lui à 2,447 milliards d'euros, en hausse de 858 millions et de 576 millions à données comparables. Le tout pour un chiffre d'affaires qui augmente de 4,6%, à 26,1 milliards d'euros mais qui, en fait recule de 3,2% à change constant du fait de la baisse des prix. Le groupe a réduit sa dette de 1,1 milliard d'euros durant l'exercice, à 4,3 milliards d'euros. Un niveau que la direction espérait, au moment du lancement du plan Transform en 2012, atteindre (ou presque) un an plus tôt, fin 2014.

Pour la première fois, les résultats en valeur absolue du groupe Air France (462 millions de bénéfices d'exploitation) dépassent ceux de KLM (384 millions). Et ce malgré l'impact des attentats à Paris qui ont coûté 120 millions d'euros de chiffre d'affaires. En termes de marge opérationnelle néanmoins, la compagnie néerlandaise reste devant.

Ces bons résultats "montrent que les efforts payent au moment où la conjoncture s'est un peu améliorée avec la baisse du prix du carburant", a déclaré ce matin sur Radio Classique Pierre-François Riolacci, le directeur financier d'Air France-KLM.

 Baisse de la facture du carburant

La performance a profité de la chute du prix du carburant, même si celle-ci fut compensée en partie par l'appréciation du dollar par rapport à l'euro et par la baisse de la recette unitaire (-3%)

"La baisse des coûts unitaires est plus rapide que celle de la recette unitaire", explique un expert. La facture carburant a en effet chuté de 6,7%, à 6,183 milliards d'euros.

"L'impact est significatif, reconnaît Pierre-François Riolacci. La facture carburant a baissé de 400 millions d'euros".

Cela va continuer en 2016. Sur la base des courbes à terme au 5 février (35 dollars le baril et parité de change de 1,10 dollar par euro), la facture carburant devrait baisser de près de 1,7 milliard d'euros (1,9 milliard de dollars), comme La Tribune l'annonçait récemment.

Les négociations vont enfin reprendre avec les pilotes

Ces résultats tranchent avec les pertes d'exploitation de l'an dernier (-129 millions d'euros). En revanche, ces bons chiffres ne cachent pas l'échec des objectifs de la direction sur le plan social à Air France. Alors que les deux compagnies du groupe avaient pour objectif de négocier des accords de productivité du personnel avec les syndicats pour réduire l'écart de compétitivité par rapport aux concurrents comme IAG ou Lufthansa, Air France, contrairement à KLM, a été incapable de réaliser l'objectif. Pis, les fortes tensions sociales observées en 2014 se sont envenimées en 2015, atteignant leur paroxysme le 5 octobre avec l'agression de dirigeants d'Air France par des salariés.

Aujourd'hui, à Air France, un accord a été signé sur la gestion des effectifs futurs avec les syndicats de personnels au sol qui permettra d'ajuster les effectifs sans recourir à des licenciements. L'essentiel des gains proviendra du nouveau plan de départs volontaires qui va être présenté la semaine prochaine aux représentants du personnel. Il portera sur 1400 personnes d'ici au début de l'année 2017 (et 200 pour les PNC)

La direction a garanti l'absence de départs contraints jusqu'en 2018. C'est plus compliqué avec les navigants. Jusqu'ici, Il y avait bien des discussions avec les pilotes, mais pas de négociations. Celles-ci pourraient reprendre dans les prochaines semaines selon le directeur financier d'Air France-KLM. Probablement début mars selon plusieurs sources. Quant aux PNC, l'accord sur leurs conditions de travail et de rémunération perdure jusqu'à fin octobre. Il y a encore du temps avant de commencer la négociation.  "Elle commencera en temps et en heure", a indiqué Pierre-François Riolacci.

Négociations chez KLM

En théorie, l'appel d'air apporté par la chute du prix du baril, qui sera encore plus important en 2016, doit permettre à Air France de négocier dans la sérénité afin de ne pas boire la tasse comme elle l'a fait en 2009, au prochain retournement de cycle. Elles seront suivies de près chez KLM qui doit renégocier ses accords dans les prochains mois pour les PNC et le personnel au sol.

Le groupe a déjà relâché les rênes. S'il maintient son objectif de 1,5% de baisse des coûts unitaires à terme, il ne table que sur une réduction de 1% en 2016. Pour autant, rien ne garantit un accord avec les pilotes. Ni même un accord au rabais qui ne règlerait rien à long terme. Un tel scenario serait préjudiciable à la compagnie en cas de retournement de l'environnement. Car les concurrents continuent de rechercher des gains de compétitivité. Et l'environnement concurrentiel ne fait que s'accentuer avec une situation de surcapacités qui va faire une nouvelle fois faire baisser les prix. Air France-KLM estime à 6% la surcapacité sur le moyen-courrier et de 7% sur le long-courrier au départ de l'Europe.