Les pilotes d'Air France veulent plus d'argent : le DG leur répond

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  909  mots
Les syndicats de pilotes demandent une hausse des salaires, qui sont gelés depuis 2011. Dans un courrier que "La Tribune" s'est procuré, Franck Terner, le directeur général, explique que, malgré le gel des grilles, la rémunération de 90% des pilotes a progressé en raison de l'ancienneté, du passage de copilote à commandant de bord... Entre 2012 et 2017, le salaire annuel moyen des pilotes a grimpé de 12%, à 201.000 euros.

Nouvelles tensions en vue entre la direction d'Air France et les pilotes. Sur les salaires cette fois. Dans un courrier envoyé récemment au directeur général d'Air France, Franck Terner, le SNPL et le SPAF, les deux syndicats de pilotes représentatifs demandent une augmentation générale des grilles de salaire des pilotes, lesquelles sont gelées depuis 2011, comme pour l'ensemble des autres catégories professionnelles. La requête n'est pas nouvelle. Les deux syndicats avaient tenté de l'ajouter au printemps dans les négociations sur les conditions de création de la nouvelle compagnie Joon. Mais il avait été convenu d'aborder cette question ultérieurement.

Hausse de 12% du salaire annuel moyen, à 201.000 euros

Dans un courrier que La Tribune s'est procuré, Franck Terner a répondu aux demandes des deux syndicats, en indiquant que le gel des grilles des pilotes depuis 2011 n'a pas empêché une forte hausse de rémunération pour la très grande majorité des pilotes, du fait de l'évolution des carrières.

«La rémunération individuelle des pilotes a évolué positivement tout au long de cette période, et pas seulement du fait de l'augmentation des cadences. Entre 2012 et 2017, l'évolution de la rémunération moyenne des pilotes présents a été de + 9,1%, hors effet des cadences. Cette progression importante s'explique par l'évolution des classes, l'ancienneté et les changements de machine [plus un avion est gros, plus la rémunération des pilotes est élevée, Ndlr] ou de spécialité (passage CDB) [passage de copilote à commandant de bord, Ndlr].

Sur la même période, le salaire annuel moyen perçu par pilote est passé de 179.000 euros (salaires et traitements bruts moyens par pilote à temps plein) à 201.000 euros, soit une augmentation de +12%.

Pour les pilotes présents entre 2012 et 2017 (donc hors effet nouveaux entrants), le salaire moyen sur la période a même augmenté de +18% », a indiqué Franck Terner, en précisant que « sur la période, l'indice INSEE des prix à la consommation a été de +2.5%. »

Le montant de l'intéressement dépassera 8.000 euros cette année

Pour Franck Terner, en effet, la croissance envisagée au cours des prochaines années va déboucher sur 900 qualifications de type par an « favorable à la rémunération des pilotes ».

Par ailleurs, dans ce courrier, le directeur général d'Air France donne le niveau d'intéressement que recevront les pilotes en 2017.

« Le montant moyen d'intéressement au titre de 2017 que vont toucher les pilotes sera près du triple de celui au titre de 2016, et dépassera 8.000€, l'équivalent de 4% du salaire moyen (...) En application du préambule du titre 2 de l'accord Trust Together, nous avons recours à une expertise commune pour clarifier l'interprétation de la mesure de gel des classes de 2012. Celle-ci pourrait avoir pour conséquence une augmentation de la masse salariale avec un enjeu de l'ordre de 10 millions d'euros. »

Changement du système de rémunération

Au passage, Franck Terner indique aux syndicats que la méthode envisagée par les syndicats n'est pas la bonne.

« Les évolutions de salaire se discutent chaque année lors des NAO (négociations annuelles obligatoires), dans un cadre associant les représentatifs de toutes les catégories de personnel de l'entreprise. Il n'y a aucune provocation à vous confirmer que c'est dans ce cadre que doivent être négociées ces évolutions, conformément à la loi. Procéder autrement créerait sans aucun doute des tensions internes que nous ne voulons pas voir renaître et porterait atteinte à la cohésion interne », a-t-il signifié en proposant un autre scénario.

 « Une autre démarche serait d'envisager des négociations plus larges, incluant, dans un « gagnant-gagnant », des évolutions de rémunération avec des changements de système de rémunération, des mesures de productivité et d'efficacité ou de périmètre. C'est la voie qu'ont choisie d'autres compagnies, en particulier Lufthansa que vous citez. Il me paraît envisageable d'entrer, si vous le souhaitez, dans une discussion de ce type, dont l'objet serait d'examiner de nouvelles mesures encourageant la croissance en incluant une discussion sur les grilles de rémunération pilotes, en niveau comme en structure. »

De quoi agacer les syndicats, selon plusieurs pilotes.

« Toucher à la structure de la rémunération, c'est toucher au contrat, c'est-à-dire à tout ce qui concerne la productivité, le découpage des rotations, etc. C'est une quasi-déclaration de guerre », explique l'un d'eux.

"Si les grilles ne progresent pas, le métier se dévalorise" (un pilote du SNPL)

La réponse de la direction risque en effet d'énerver les pilotes qui, même si leur niveau de vie a progressé pour l'essentiel d'entre eux entre 2012 et 2017, ne veulent absolument pas mélanger les hausses liées à l'ancienneté et celles des grilles salariales. «Si les grilles ne progressent pas, le métier se dévalorise », explique un pilote.

Les pilotes de Lufthansa ont en effet arraché de belles augmentations de salaires, mais ont dû accepter en retour que l'essentiel de la croissance du groupe, pour ne pas dire la quasi-totalité, se fasse au sein des autres compagnies du groupe, aux coûts moins élevés, comme la low-cost Eurowings...

« Les pilotes de Lufthansa ont gagné la bataille de la rémunération, mais pas celle du périmètre. Nous avons gagné celle du périmètre, et pas celle de la rémunération », analyse un pilote.