Orly, le grand oublié des Assises du transport aérien (au grand bénéfice des compagnies françaises, Air France, Corsair, Aigle Azur...)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  860  mots
L'aéroport d'Orly a accueilli 32 millions de passagers en 2017, un trafic en hausse de 2,6% par rapport à 2016
Le gouvernement ouvre, mardi 20 mars, les Assises du transport aérien pour tenter de définir une stratégie nationale pour ce secteur. La question stratégique du déplafonnement d'Orly ne sera pas traitée, alors que pour certains observateurs il y avait une fenêtre de tir idéale.

Les Assises du transport aérien s'ouvrent ce mardi 20 mars pour définir des mesures à prendre pour améliorer la performance du transport aérien français. Réunissant les différents acteurs de ce secteur, ces Assises ont certes l'objectif d'améliorer la compétitivité du pavillon français, mais nourrissent également des ambitions plus globales en abordant des questions d'aménagement du territoire, de continuité territoriale, de développement durable, bref de construire une stratégie du transport aérien comme le demandent depuis des années les compagnies tricolores.

« Il est important de mener sous différents angles, avec tous les acteurs du secteur, une réflexion sur le transport aérien français, afin de préparer une stratégie nationale du transport aérien », déclarait début le 8 mars Élisabeth Borne dans une interview accordé à La Tribune.

Orly, un enjeu stratégique

À ce titre, il apparaît donc curieux que la question du déplafonnement de l'aéroport d'Orly ne figure pas au menu des Assises. Difficile en effet de penser que le plafonnement du deuxième aéroport parisien et français, qui ne tourne qu'à la moitié de sa capacité, ne soit pas considéré comme un enjeu stratégique, vu son rôle clé pour la connectivité et l'emploi du sud de l'Île-de-France (un million de passagers supplémentaires génère 1.000 emplois), mais aussi pour l'aménagement du territoire cher à Élisabeth Borne dans la mesure où un grand nombre de villes françaises sont d'abord reliées à Paris par le biais d'Orly, à commencer par les lignes d'obligation de service public (OSP) qui partent toutes de cet aéroport. Le tout avec un niveau de bruit qui a considérablement fondu depuis la mise en place de ce plafonnement à 250.0000 mouvements en 1994 du fait notamment du remplacement des avions les plus anciens (il y avait encore des Mercure et des B727 en 1994) par des avions modernes, notamment des Airbus de la famille A320 ou des Boeing B737 de nouvelle génération.

Renouvellement des flottes

Pour certains partisans du déplafonnement, il y avait aujourd'hui une fenêtre de tir historique pour rehausser le plafond du nombre de mouvements d'avions, en s'engageant sur une nouvelle baisse du niveau sonore au cours des prochaines années par rapport à aujourd'hui. En effet, avec l'arrivée sur le marché des A320 et des B737 remotorisés (Neo pour les Airbus et Max pour les Boeing), qui vont progressivement remplacer les avions existants, la baisse du niveau sonore est assurée sur le long terme.
Et, selon les mêmes observateurs, cette diminution du bruit aurait pu être échangée contre une augmentation progressive du nombre de créneaux horaires de décollages et d'atterrissages.

« Il fallait profiter du renouvellement des flottes à venir. Le jour où il sera achevé, il sera impossible d'ouvrir le débat », explique un professionnel du secteur, qui rappelle que depuis 1994, les riverains ont profité à eux seuls de l'amélioration de la performance des avions.

«Il n'y a pas eu de partage de ces gains », fait-il remarquer.

Dossier sensible

Pour le gouvernement, le sujet est jugé trop risqué. À fleur de peau sur le sujet, les riverains sont sur le qui-vive.

« Le sujet n''est pas d'actualité et ne sera pas abordé aux Assises. C'est un dossier extrêmement sensible, et nous ne pouvons pas recréer de la crispation autour de ce sujet. Il y a à Orly des enjeux de nuisances sonores, mais aussi de nuisances visuelles dont il faut tenir compte », expliquait dans nos colonnes Élisabeth Borne.

La sensibilité de ce dossier n'est plus à prouver. Mais il peut paraître étonnant qu'un gouvernement qui n'hésite pas à s'attaquer à la réforme de la SNCF en acceptant un conflit long, n'ose pas aborder ce sujet, au moins en mettant autour de la table les différents protagonistes. Elisabeth Borne n'a-t-elle pas dit le 15 mars dernier à propos de la SNCF:  « J'ai du mal à comprendre qu'il y ait des sujets ont ne peut pas parler alors même qu'ils s'imposent comme des évidences »?

Visiblement, le déplafonnement d'Orly n'en est pas une. Pour autant, même si le sujet n'est pas abordée, d'autres partisans du déplafonnement n'en tiennent pas rigueur à la ministre. Selon eux, cette question s'imposera d'elle-même avec la perspective d'un doublement du trafic aérien d'ici à 15 ans dans le monde.

En attendant, le statu quo profite bien aux compagnies aériennes françaises, et notamment à Air France et à sa filiale low-cost Transavia. En donnant par exemple la possibilité à Ryanair de s'implanter à Orly, à Easyjet, Norwegian et autres compagnies low-cost de s'y renforcer, une ouverture de l'aéroport du sud parisien serait un coup terrible pour la compagnie française, mais aussi pour Corsair, La Compagnie, XL Airways et même Air Caraïbes et French Blue qui auront pourtant bien besoin de créneaux à l'avenir pour se développer. De-là à dire qu'en écartant Orly des débats des Assises, l'État a déjà donné un gros coup de pouce aux transporteurs tricolores et au plus gros d'entre eux, il n'y a qu'un pas que certains n'hésiteront pas à franchir.