SNCF : convoqué par la ministre, Pépy met son mandat à la disposition du gouvernement

Par latribune.fr  |   |  958  mots
Elisabeth Borne convoque de nouveau les dirigeants de la SNCF le 8 janvier
Suite à de nouveaux dysfonctionnements observés dans plusieurs gares parisiennes en ce début de vacances scolaires, Elisabeth Borne a convoqué les dirigeants de SNCF Mobilité et de SCNF Réseau pour le 8 janvier. Faut-il s’attendre à un changement de gouvernance ?

Cette-fois ci sera-t-elle celle de trop ? Ulcérée par les derniers cafouillages survenus ces derniers jours en pleine période de fêtes de fin d'année la ministre des Transports Elisabeth Borne a convoqué les patrons de SNCF Mobilités et Réseau Guillaume Pepy et Patrick Jeantet pour qu'ils s'expliquent. Dans le courrier qu'elle leur a adressé ce 27 décembre, elle évoque la "succession d'incidents importants et médiatisés" survenus ces derniers jours dans les gares parisiennes. Dans une interview au Parisien ce vendredi 29 décembre, Guillaume Pépy assure "Mon mandat est à la disposition du gouvernement. Mon boulot, avec Patrick Jeantet, c'est de trouver des solutions. Le temps n'est pas aux états d'âme".

Samedi 23 décembre, une grande pagaille a laissé des centaines de voyageurs en gare de Bercy "en raison d'une affluence de voyageurs bien supérieure à la capacité des trains". Mardi 26, c'était une panne électrique qui perturbait la gare Saint-Lazare.

"Tous ces incidents n'ont pas le même niveau de gravité. Pourtant, pour beaucoup, et notamment pour les voyageurs touchés par ces incidents, la répétition de ces situations apparaît incompréhensible et suscite une légitime exaspération", a souligné Elisabeth Borne dans son courrier.

Patrick Jeantet déjà reçu début décembre

Ce n'est pas la première fois que Patrick Jeantet sera reçu au Ministère. Début décembre déjà, suite à la panne géante due à un "bug informatique" qui avait paralysé la gare Montparnasse le 3 décembre, elle lui avait demandé de lui présenter une « nouvelle organisation et un nouveau management de la gestion des grands travaux ». Du 29 juillet au 1er août déjà, Montparnasse avait été paralysé par une panne similaire en plein chassé-croisé estival.

Des incidents sans doute en partie liés au grand programme de rénovation (remplacement des aiguillages, réfection des voies...) a été lancé en début d'année afin de renouveler des installations vieilles de 30 ans, quand l'âge moyen des infrastructures allemandes et de 15 ans seulement. Notamment concentré sur l'Ile-de-France, ce programme comprend de nombreux chantiers, dont 1600 déjà entamé, et correspond à un investissement de 46 milliards d'euros sur 10 ans. SNCF Réseau avait donc lancé « immédiatement un audit de ses programmes de tests et de remise en service à la fin des grands chantiers.»

Vigilance pour les retours de vacances

Cette fois, ce sont les deux dirigeants qui sont convoqués, pour qu'ils puissent "tirer ensemble le bilan de ces incidents" et qu'ils présentent leurs "analyses et les actions engagées", selon le courrier de la ministre.

"Vous vous attacherez à montrer dans quelle mesure le plan de rénovation du réseau (en cours), auquel le gouvernement apporte son soutien, ainsi que le programme « robustesse & information » que vous avez initié permettent d'apporter les réponses suffisantes pour restaurer la confiance dans le système ferroviaire", a-t-elle écrit.

En attendant, Elisabeth Borne a appelé la SNCF "à la plus grande vigilance dans la préparation et le suivi (...) des grands retours".

La priorité au TGV et travaux responsables de la situation

Comment expliquer une telle série noire ? De nombreux observateurs estiment que la priorité donnée aux lignes à grande vitesse (LGV) qui ne transportent que 2% des passagers et ont bénéficié de 30 milliards d'euros entre 1990 et 2015, est largement responsable de cette obsolescence des infrastructures.

"Nous rénovons le réseau tout en faisant circuler en Ile-de-France l'équivalent d'un avion A380 toutes les sept secondes, a part par ailleurs précisé Guillaume Pépy dans son interview au Parisien. Ces gigantesques travaux en pleine exploitation comportent des risques de bugs, d'incidents électriques, des risques de travaux qui ne sont pas suffisamment préparés", explique encore le président du directoire.

Mais en plus de l''obsolescence de ses installations et des travaux, la SNCF souffre d'un lourd déficit en matière d'information.et de communication Une tare particulièrement regrettable en période de crise.

"Nous devons unifier les diverses sources d'information pour éviter que les clients reçoivent des explications différentes selon qu'ils parlent dans une gare avec des agents, qu'ils regardent les panneaux ou qu'ils naviguent sur les sites et les applications", a d'ores et déjà reconnu Patrick Jeantet.

Changement de gouvernance en vue ?

Difficile pour le gouvernement, devant cette reproduction d'incidents, de rester les bras croisés, ni même de s'en tenir à des convocations à répétition. Le patron de SNCF Réseau pourrait-il servir de fusible comme d'aucuns l'anticipent ? Certes, Guillaume Pépy vient de rappeler que "son mandat" était " à la disposition du gouvernement", mais dans la perspective d'une probable réforme du régime spécial des cheminots à laquelle Emmanuel Macron ne se cache pas de réfléchir, les relations privilégiées du président du directoire avec les syndicats constituent un atout précieux.

"Une chose est sûre, la responsabilité de tel ou tel incident ne pèse pas sur un seul homme, elle pèse sur des choix stratégiques qu'a fait notre pays avec la SNCF, celui de privilégier les grandes infrastructures (...) et de négliger les trains du quotidien", a réagi Christophe Castaner,  patron de La République en marche et secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, sur BFM TV.

Le remplacement du directeur des ressources humaines (DRH) Jean-Marc Ambrosini par un tandem composé de Benjamin Raigneau - jusque-là DRH adjoint - et d'Alain Picard - directeur général de la branche SNCF Logistics -, annoncé vendredi 22 décembre, ne doit sans doute lui non plus rien au hasard, à quelques semaines de la présentation d'une stratégie nationale des mobilités.