Paris veut interdire tous les moteurs thermiques... Et après ?

Par Nabil Bourassi  |   |  958  mots
Les besoins de mobilité des franciliens seront immenses à horizon 2030. L'interdiction d'accès aux moteurs thermiques pourraient empêcher les classes populaires d'accéder à la ville de Paris.
La ville de Paris a annoncé qu'à l'horizon 2030, les moteurs essence seront interdits à Paris, soit six ans après celle des diesels. Elle explique que les voitures électriques seront alors la norme. Cette décision implique néanmoins un certain nombre de contraintes tant en termes d'impact environnemental que pour les budgets publics. Cette mesure pourrait également ne pas suffire à répondre aux immenses besoins de mobilité des franciliens...

Voilà encore une annonce fracassante qui va faire hurler automobilistes et constructeurs de voitures, dont Anne Hidalgo a le secret, et dont elle a même fait une véritable marque de fabrique. La maire de Paris a annoncé qu'à l'horizon 2030, la capitale n'acceptera plus de voitures essence. Autrement dit, après l'interdiction prévue en 2024 des voitures diesel, Paris ne laissera plus aucun véhicule à motorisation thermique rouler dans ses rues.

Pas d'interdiction, mais une "trajectoire"

Selon la Ville de Paris, cette annonce fait écho au projet de Nicolas Hulot d'interdire toutes les motorisations thermiques en 2040.

« Cet objectif du gouvernement concerne l'ensemble du territoire français, zones rurales incluses. Si l'on veut qu'il soit atteint, cela implique que la sortie du diesel et de l'essence intervienne plusieurs années avant en zone urbaine, et en particulier dans les grandes villes », écrit la municipalité dans un communiqué de presse.

En revanche, la ville réfute le terme « d'interdiction » et préfère évoquer une « trajectoire qui semble à la fois crédible et soutenable ».

« Pour y parvenir, Paris compte sur le développement des alternatives et sur le renforcement des aides financières incitant les particuliers et les professionnels à acheter des véhicules propres », précise le communiqué.

La ville de Paris rappelle ainsi que les constructeurs automobiles sont désormais nombreux, sinon suffisants, à proposer des solutions de voitures électriques ou, du moins, des plans produits à cet effet. Elle compte également sur des alternatives comme les solutions de nouvelles mobilités : le vélo, l'autopartage, les voitures en libre-service...

Les critiques vont pleuvoir

La décision de la Ville de Paris devrait rencontrer les mêmes critiques successives qui émaillent la politique de transport parisienne depuis plusieurs années. Les municipalités de petite couronne vont encore dénoncer une politique parisiano-parisienne dont ils devront, eux, assumer les conséquences. Les automobilistes déploreront, de leur côté, une politique qui pénalise les classes les plus populaires dont l'accès à des voitures propres est encore difficile.

Les constructeurs automobiles, enfin, répéteront encore que, pour l'heure, le bilan carbone de la voiture électrique, dans son ensemble, est loin d'être optimal. Selon certains spécialistes, le bilan CO2 d'une voiture électrique (en prenant en compte la fabrication des batteries avec l'exploitation des terres rares) est à peine inférieur à celui d'une voiture thermique.

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De plus, la généralisation du tout électrique impliquera d'investir massivement dans les infrastructures de recharge, mais également dans le réseau électrique. Sans parler du coût des subventions à l'achat de voitures électriques.

Quid de l'hybride rechargeable ?

La ville de Paris ne précise pas non plus ce qu'elle entend par voiture essence puisque désormais les voitures hybrides rechargeables permettent une autonomie 100% électrique sur 50 km, et probablement 100 km à horizon 2030. Cette solution est parfaite en milieu urbain, il n'empêche que ces voitures possèdent toujours un moteur thermique, plus pratique pour les longues distances. Seront-elles interdites ? Et quel contrôle pour vérifier qu'elles roulent bien en électrique dans Paris intra-muros ?

Pour beaucoup, la Ville de Paris a fait de la voiture l'ennemi, quelle que soit sa forme. Elle prend trop de place dans le tissu urbain et induit des nuisances autant sonores que sanitaires. D'ailleurs, la question des embouteillages ne sera pas mieux résolue si le parc est converti en voitures électriques. Or, les besoins en mobilité des franciliens devront trouver des solutions soutenables et compétitives.

Le covoiturage, une réponse adéquate et économique ?

La capillarité des transports publics ne suffira pas à desservir toutes les zones urbaines, notamment en banlieue, alors même que leurs besoins en mobilité sont immenses. La voiture partagée, notamment sur des trajets courte distance, pourraient ainsi permettre de pallier la problématique dite « des derniers kilomètres ».

Selon les propres mots de Christophe Najdovsky, adjoint à la maire de Paris chargé des transports, si le taux d'occupation d'un véhicule passe d'une moyenne de 1,2 personne comme actuellement à 1,7 personne, « on aura résolu l'ensemble des problèmes de trafic ». Selon les startups spécialisées dans le covoiturage courte distance, cette solution pourrait même permettre d'atteindre un ratio de 2,5 personnes. Celles-ci rappellent que cette solution a l'avantage de ne rien coûter aux deniers publics, contrairement aux 10 milliards dépensés chaque année par l'ensemble des collectivités locales franciliennes dans les transports en commun, des dépenses qui pourraient exploser s'il fallait équiper davantage encore la région en transports en commun.

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La Ville de Paris a bien sûr développé quelques solutions de mobilité, au premier rang desquelles Autolib. Ce service permet de circuler à Paris en voiture électrique, et les stations sont désormais disséminées en petite et parfois même en grande couronne. La hausse de l'autonomie des voitures électriques pourrait, à terme, permettre d'augmenter encore le rayon d'action de ce système. Le changement de concession pour le vélo partagé au profit de la startup Smoove va offrir aux Parisiens des vélos à assistance électrique ce qui permettra d'augmenter les distances parcourues, ou du moins d'élargir son public.

De la concertation pour un écosystème multimodal

En réalité, il sera difficile d'apporter des réponses uniques aux problèmes de mobilité. La multimodalité sera le vrai mantra d'un écosystème de mobilités vertueux et mature et qui s'inscrira nécessairement dans une concertation multilatérale. Pour l'heure, la Ville de Paris est accusée de multiplier les annonces spectaculaires et coercitives... Cette communication devra évoluer si on veut éviter de tomber dans le piège du débat politicien clivant...