Sécurité : le BEA appelle Air France à « remettre le respect des procédures au centre de sa culture »

Par latribune.fr  |   |  625  mots
(Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)
Dans un rapport très sévère publié mardi, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) s' inquiète d' « une certaine culture installée chez certains équipages d'Air France qui favorise une propension à sous-estimer l'apport d'une application stricte des procédures pour la sécurité » et appelle la compagnie aérienne française à « remettre le respect des procédures au centre de la culture de sécurité de l'entreprise ».

A quelques semaines du début du procès d'Airbus et d'Air France sur le crash de l'AF447, qui avait fait 228 victimes en juin 2009, la compagnie aérienne tricolore fait l'objet de plusieurs critiques sur la sécurité des vols et notamment sur le comportement de certains pilotes.  Alors qu'un syndicat de pilotes minoritaire, Alter, a récemment tiré la sonnette d'alarme concernant la « fatigue chronique » des pilotes, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) s'est en effet inquiété dans un rapport publié mardi d' « une certaine culture installée chez certains équipages d'Air France qui favorise une propension à sous-estimer l'apport d'une application stricte des procédures pour la sécurité » et appelle la compagnie aérienne française à « remettre le respect des procédures au centre de la culture de sécurité de l'entreprise ».

Dans son rapport, l'autorité française responsable des enquêtes sur les accidents d'avions fait état de plusieurs incidents lors desquels les règles de sécurité ont été ignorées par les pilotes d'Air France. Par exemple, lors d'un vol entre Brazzaville (Congo) et Paris le 31 décembre 2020 quand une fuite de carburant détectée en altitude a conduit l'équipage à dérouter l'avion vers l'aéroport de N'Djamena (Tchad) mais sans observer la procédure de sécurité « FUEL LEAK » qui prévoit la coupure du moteur du côté de la fuite.

« Un incendie évité par chance »

« La coupure du moteur (...) a volontairement été omise par l'équipage », observe le BEA. « Cette décision a ainsi créé un risque important d'incendie et entraîné une diminution importante de la marge de sécurité du vol, l'incendie ayant été évité par chance », précise le rapport.

Si le BEA souligne le nombre « extrêmement limité » de vols Air France donnant lieu à des enquêtes, elle dit avoir observé « au travers d'un certain nombre d'enquêtes récentes (...) que les équipages concernés avaient pu (...) s'affranchir d'effectuer certaines procédures de façon conforme ».

Le BEA mentionne un double incident les 28 et 30 mars 2017 lors duquel un même équipage a effectué une montée en vol trop rapide. Le 12 septembre 2020, un Airbus A318 « s'est affranchi des procédures opérationnelles afin de réaliser une arrivée rapide en piste à Paris-Orly ».

« Lors de l'approche finale, l'équipage avait très peu de ressources pour faire face à un éventuel imprévu », insiste le BEA.

Le manuel d'exploitation des vols interpelle le BEA

Le bureau d'enquête s'interroge sur certaines phrases figurant dans le manuel d'exploitation des pilotes Air France comme : « sait s'écarter des procédures en concertation avec l'équipage lorsque la sécurité l'exige » ou « improvise face à l'imprévisible pour obtenir le résultat le plus sûr ».

Air France a assuré à l'AFP prendre en compte l'ensemble des recommandations du rapport, précisant que certaines étaient déjà mises en oeuvre.

La compagnie s'engage par exemple à « fournir aux pilotes des outils leur permettant de rejouer et d'analyser leurs vols », comme le préconise le BEA.

Air France affirme en outre qu'un audit sera engagé d'ici quelques mois « au sein de l'ensemble de la compagnie » afin de « compléter le cas échéant certaines analyses de ce rapport ».

Ce n'est pas la première fois que les pilotes sont pointés du doigt sur le non-respect des procédures. Il y a 13 ans, en octobre 2009, quelques mois après l'accident du vol Rio-Paris, la direction d'Air France avait, dans un courrier adressé à tous les pilotes, fait état d'incidents majeurs récents imputables au non-respect des procédures de vols de certains pilotes ».

(Avec AFP)

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