En dépit des perturbations, Air France-KLM vise les bénéfices en 2022

Prudent jusqu'ici, Air France-KLM ne s'avançait pas sur des prévisions annuelles. C'est désormais chose faite, le groupe vise un résultat d'exploitation positif sur l'année. Une première depuis 2019. Pour y arriver, il va devoir jongler entre une reprise forte et un redéploiement de capacité, mais aussi composer avec des perturbations marquées et des incertitudes sur la fin d'année. Le retour à 90 % du niveau d'offre de 2019 devrait même arriver plus tard que prévu.
Léo Barnier
Air France-KLM poursuit sa montée en puissance et son retour à la rentabilité, malgré des vents contraires.
Air France-KLM poursuit sa montée en puissance et son retour à la rentabilité, malgré des vents contraires. (Crédits : Regis Duvignau)

« Air France-KLM a enregistré de très bons résultats, meilleurs qu'attendus avec une reprise plus forte que prévue », s'est félicité Ben Smith à l'occasion des résultats semestriels, le 29 juillet. Et il n'en fallait pas plus au directeur général du groupe pour afficher ses ambitions sur l'année, malgré des perturbations importantes cet été et un fort niveau d'incertitude pour l'automne. Il a confirmé qu'il visait un résultat d'exploitation « nettement positif » pour le troisième trimestre actuellement en cours, et surtout « positif » sur l'ensemble de l'année. Cela constituerait une performance inédite depuis le début de la crise sanitaire. Cela laisse aussi entrevoir un bon niveau de confiance de Ben Smith, lui qui refusait jusqu'ici d'afficher des prévisions au-delà de septembre. Et si le dirigeant se montre confiant, c'est que son groupe a bien tourné depuis le début de l'année. De fait, au premier semestre, ses compagnies ont plus que triplé leur trafic par rapport à l'an dernier et transporté plus de 37 millions de passagers. Et l'augmentation s'est accélérée entre le premier et le deuxième trimestre.

La reprise du trafic s'est avérée bien plus forte que l'augmentation de capacité, bien que celle-ci ait crû de 75 %. D'où une amélioration des taux de remplissage, qui ont atteint 80 % sur les six premiers mois de l'année. Là aussi, l'amélioration s'est accrue entre avril et juin, où les avions ont été remplis à 85 %, soit un écart de moins de quatre points avec 2019. Cette période a aussi été marquée par la remontée en puissance des classes Première et Affaires. Leur taux d'occupation a dépassé celui de 2019 en mai et en juin, et atteint des niveaux historiques selon Ben Smith, même si cela s'est déroulé avec une capacité encore réduite. Celle-ci se situait à 75 % du niveau de 2019 au premier trimestre et à 82 % au deuxième, en ligne avec les prévisions.

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Les prix remontent et les recettes s'améliorent

La hausse du remplissage s'est conjuguée avec une amélioration des yields (rendements), déjà ressentie au premier trimestre. Dopés par la demande estivale, ceux-ci sont désormais nettement meilleurs que 2019 pour l'ensemble du réseau, dans les classes économiques comme premium. Pour le deuxième trimestre, ils étaient ainsi supérieurs de 15 % par rapport au niveau d'avant la crise, et cette tendance devrait se maintenir sur le reste de l'année. Cela s'est traduit par une hausse de la recette unitaire de 92 % par rapport à 2021. Et là aussi, elle dépasse désormais les niveaux de 2019. Assez légèrement sur le semestre entier, mais fortement sur le deuxième trimestre.

Steven Zaat, directeur financier d'Air France-KLM, souligne que cette combinaison d'augmentation de trafic et de hausse de recette unitaire ont permis à Air France-KLM de faire mieux que doubler son chiffre d'affaires. Bien que la croissance soit moins rapide que celle du trafic, celui-ci se situe à 11,2 milliards d'euros sur le semestre. Ce qui représente 86 % du niveau de la très bonne année 2019. Sur le deuxième trimestre seulement, le groupe est revenu à ses niveaux d'avant crise, en dépit d'une capacité encore limitée.

Portée par son activité, Air France-KLM dégage un Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements) de plus de 1,15 milliard d'euros pour un bénéfice d'exploitation de 36 millions d'euros sur le semestre. Sur le deuxième trimestre uniquement, son résultat d'exploitation atteint 386 millions d'euros, ce qui lui permet de dégager une marge de 5,8 %, quasiment équivalente à celle de 2019 comme ne manque pas de le faire remarquer Steven Zaat. Le directeur financier souligne ainsi un résultat exceptionnel, compte tenu, notamment, de l'explosion de la facture carburant, mais aussi des perturbations qui ont affecté la reprise.

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 Air France-KLM n'échappe pas aux perturbations

« La forte reprise à laquelle nous assistons cet été met à l'épreuve l'ensemble du transport aérien. Bien qu'Air France-KLM se soit préparé à des niveaux de demande proches de ceux d'avant la pandémie, nos compagnies ne sont pas épargnées par les difficultés opérationnelles observées dans le monde entier », a de son côté déclaré Ben Smith. Dénonçant un manque d'anticipation de certains acteurs de l'industrie, qui devrait encore avoir des conséquences pendant plusieurs mois, le directeur général affirme que son groupe était prêt mais reconnaît avoir tout de même subit des difficultés opérationnelles.

Aux Pays-Bas, KLM et Transavia Holland ont été perturbées par les importantes difficultés rencontrées par l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol pour gérer le retour des flux massifs de passagers. Au printemps, le gestionnaire de la plateforme a demandé aux compagnies de réduire leur nombre de passagers sur certaines périodes très chargées, puis a demandé de limiter les taux de remplissage cet été. Une mesure qui a finalement été renforcée par KLM afin de disposer de davantage de souplesse pour gérer ses clients retardés.

De son côté, Air France affirme avoir réussi à maintenir une exploitation stable avec 99,4 % des vols opérés en juin et juillet, mais exclut de ce calcul les quatre jours de grève des pompiers d'aéroport à Roissy entrainant des annulations de vol. De même, Transavia France a dû composer avec le mouvement social d'une partie de ses personnels lors du pont du 14 juillet.

Ces perturbations ont généré un coût supplémentaire de 70 millions d'euros pour indemniser les passagers au deuxième trimestre, sans compter le manque à gagner. Le montant devrait également être significatif au troisième trimestre. En y ajoutant la hausse des taxes et redevances, notamment à Schiphol, Air France-KLM a affiché des coûts unitaires supérieurs à ceux de 2019 en dépit des importantes réductions opérées sur les effectifs et la masse salariale.

La hausse de la facture carburant est aussi venue impacter les coûts. Ils ont plus que triplé par rapport à 2021, en partie du fait de la reprise d'activité, mais aussi à cause de l'explosion des prix depuis le début de la guerre en Ukraine. En dépit d'une activité encore moindre qu'en 2019, Air France-KLM a payé 459 millions d'euros en plus pour le seul second trimestre. Et la situation pourrait encore un peu plus cet été.

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Une fin d'année pétrie d'incertitudes

Si les résultats se sont fortement améliorés par rapport à 2021, voire sur certains points par rapport à 2019, le dégagement d'un bénéfice d'exploitation annuel n'est donc pas encore gagné. Au-delà des éléments déjà abordés, Ben Smith reconnaît que la fin d'année va se dérouler dans un environnement plus complexe avec une inflation croissante et un contexte macroéconomique incertain, et affirme que le groupe va continuer ses efforts pour augmenter sa résilience.

Une fois l'été passé, la demande, jusqu'ici exceptionnelle, risque d'être rattrapée par cet environnement. D'autant que traditionnellement, le trafic affaires prenait le relais du trafic loisirs pour assurer la continuité de l'activité. Air France-KLM note une progression significative dans la reprise de ce segment ces derniers mois : en juin, il avait retrouvé 65 % de son trafic et 70 à 75 % de ses revenus d'avant la crise. Mais l'écart reste très conséquent.

Un écart se retrouve aussi dans les niveaux de réservations des prochains mois. Ils sont inférieurs à ceux de 2019 à la même date. Ainsi, à fin juin 2019, 80 % des sièges offerts au troisième trimestre avaient déjà été réservés, et 36 % pour le quatrième trimestre. A fin juin 2022, ces chiffres tombent respectivement à 78 et 31 %, en dépit d'une capacité encore sensiblement inférieure. Même constat sur le moyen-courrier avec un écart de sept points pour le trimestre en cours, et quatre points pour le suivant. Steven Zaat reconnaît volontiers cet écart, mais impute cette différence principalement au fait que la crise du Covid a réduit les délais de réservation avec des décisions d'achat plus tardives.

D'ailleurs, discrètement, le groupe a quelque peu modéré sa hausse de capacité sur l'été. Alors qu'il prévoyait initialement de remettre en ligne 85 à 90 % de la capacité d'Air France et de KLM par rapport au niveau de 2019, il indique désormais que la fourchette se situe entre 80 et 85 %, comme au deuxième trimestre. Le retour vers les 90 % n'est désormais attendu qu'en fin d'année.

Léo Barnier

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