Transport routier : la Pologne conteste les smic imposés par la France et l'Allemagne

Par latribune.fr  |   |  523  mots
Le salaire horaire minimum en Pologne était de 2,50 euros de l'heure en 2015, contre 9,61 euros en France et 8,50 euros en Allemagne.
Pas moins de onze pays européens ont saisi la Commission européenne. Motif de leur plainte : les transporteurs routiers livrant en France et en Allemagne se verront appliquer les règles sociales en vigueur dans chacun de ces deux pays, notamment en ce qui concerne le salaire minimum de leurs chauffeurs.

Soutenue par 10 autres Etats européens, la Pologne a saisi le 7 juin la Commission européenne, lui demandant de sanctionner la France et l'Allemagne pour empêcher ces deux pays d'imposer des règles "disproportionnées" dans le transport routier européen. Dans le document présenté lors d'une réunion des ministres européens des Transports mardi à Luxembourg, et dont l'AFP a eu copie, la Pologne vise explicitement "la loi Macron et le décret sur le transport routier" en découlant, ainsi que "le salaire minimum allemand" en vigueur depuis 2015 (8,50 euros de l'heure, contre 2,60 euros en Pologne).

Pour mémoire, le décret français permettra d'imposer une rémunération à hauteur du smic horaire aux employeurs de conducteurs étrangers qui livrent ou déchargent en France et de renforcer en parallèle la lutte contre la concurrence sociale déloyale, rappelle l'Officiel des transporteurs. C'est la loi Macron et son article 281 qui en fixe les modalités.

"Impact négatif sur le fonctionnement du marché intérieur"

Varsovie, qui redoute que ces "charges inutiles" n'entraînent "des pertes financières indues et significatives" pour les transporteurs, affirme :

"Ces règles sont disproportionnées et pourraient avoir un impact négatif sur le fonctionnement du marché intérieur"

"Nous pressons la Commission de prendre les mesures urgentes et nécessaires (...) pour assurer le bon fonctionnement du marché européen", conclut le gouvernement polonais.

Selon un participant présent à cette réunion, dix autres pays ont pris la parole pour soutenir cette incitative: sept anciens pays de l'Est (Hongrie, République Tchèque, Lituanie, Lettonie, Estonie, Bulgarie, Roumanie), ainsi que l'Espagne, le Portugal et l'Irlande.

Créer les "conditions d'une concurrence loyale"

La France, représentée par le secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies, a rétorqué que "la meilleure façon de faire fonctionner le marché et de respecter la concurrence, c'est d'abord de respecter les règles". Le décret sur le transport routier, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet, "vise à faire respecter l'application du droit communautaire en créant les conditions d'une concurrence loyale, tout en limitant la charge administrative", a-t-il ajouté.

Le texte prévoit notamment que les routiers étrangers devront être payés au smic lorsqu'ils circuleront sur le territoire français. Les conducteurs devront en outre emporter avec eux leur contrat de travail et une "attestation de détachement", nouveau laisser-passer valable jusqu'à six mois. Euractiv rappelle que, le 11 mars, des transporteurs d'Autriche, de Pologne et de Hongrie ont déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle allemande contre le salaire minimum allemand. Une plainte constitutionnelle relayée, fin mars, par un mouvement de chauffeurs de camions polonais qui avaient manifesté contre ce salaire minimum en bloquant des routes et accusant le gouvernement allemand d'enfreindre la loi européenne et de vouloir fragiliser les entreprises de transport est-européennes.

(Avec AFP)

---

> Lire aussi Dentressangle relaxé dans l'affaire des routiers polonais et roumains sous-payés: le parquet fait appel (France Info, 26 mai 2016)

[ VIDEO ] Transport routier de marchandises européen et dumping social (par France Ecologie Energie, 4'20, en VF, 2014)