Travail dominical : le décret qui va relancer la polémique à Paris

Par Jean-Christophe Chanut et Marina Torre  |   |  1041  mots
Ambiance ! Emmanuel Macron, ministre de l'Economie à propos de la maire de Paris : "Si elle avait été en capacité d'ouvrir les commerces le dimanche dans les zones les plus attractives, nous n'aurions pas eu à mener cette réforme."
Le décret définissant le principe des zones touristiques internationales est paru au JO ce jeudi 24 septembre. Les périmètres exactes de ces zones à Paris seront connus fin septembre. Mais son interprétation continue de faire polémique entre le ministère de l'Economie, Emmanuel Macron, et la maire de Paris, Anne Hidalgo.

Une définition, mais pas encore de carte officielle. Le gouvernement a publié ce 24 septembre au "Journal officie"l le décret établissant les modalités d'application de la disposition sur le travail dominical. Voilà un texte qui ne va pas améliorer les relations déjà passablement tendues entre la maire de Paris, Anne Hidalgo, et le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron.

Il définit notamment ce que devront être les zones touristiques internationales (ZTI), quartiers où les magasins seront autorisés à ouvrir tous les dimanches de l'année ainsi que le soir jusqu'à minuit. Les critères retenus sont les suivants :

  • 1° Avoir un rayonnement international en raison d'une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs;
  •  2° Etre desservie par des infrastructures de transports d'importance nationale ou internationale;
  • 3° Connaître une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France;
  •  4° Bénéficier d'un flux important d'achats effectués par des touristes résidant hors de France, évalué par le montant des achats ou leur part dans le chiffre d'affaires total de la zone.

La délimitation précise des premières zones concernées doit encore être officialisée par un arrêté ministériel qui sera publié fin septembre. Il sera cosigné par les ministres en charge du travail, du tourisme et du commerce... Et donc pas par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron. Pourtant, les services d'Emmanuel Macron sont depuis plusieurs mois très impliqués dans ce "zonage", d'où les polémiques avec la Mairie de Paris qui souhaite une interprétation restrictive de la définition des ZTI

Pour autant, Le Parisien a déjà publié le 23 septembre une carte représentant les 12 premières zones finalement arrêtées par le gouvernement dans la capitale. Elle diffère très peu d'une première liste diffusée en août. En voici la nouvelle liste:

  • Montmartre (désormais sans le boulevard Barbès)
  • Haussmann
  • Porte-Maillot-Place des Ternes (L'avenue Wagram est intégrée dans la zone)
  • Champs-Elysées-Avenue Montaigne
  • Beaugrenelle (une partie de la rue Saint Charles est intégrée)
  • Saint-Germain
  • Rennes-Saint Sulpice
  • Olympiades (13e arrondissement)
  • Saint Emilion-Blibliothèque
  • le Marais (sans la place de la République, mais avec le haut du Marais et l'Île Saint Louis)
  • les Halles
  • Saint Honoré-Vendôme
Ci-dessous, la première mouture de la carte proposée au mois d'août pour une concertation. 

 

Le dimanche divise au PS

Ces zones touristiques internationales (ZTI)  proposées remplissent-elles pour autant les critères indiqués dans le décret ? La définition du décret laisse le champ ouvert à l'interprétation, en particulier les notions "d'affluence exceptionnelle de touristes" ou de "flux important d'achats".

C'est justement ce qui divise l'exécutif et la maire de Paris. Anne Hidalgo a d'ailleurs contesté les propositions de Bercy dans une lettre au ton très sec adressée début septembre au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron. Elle lui reproche en particulier une "réforme de société [imposée] sans implication des acteurs locaux".

Ce à quoi le ministre a répond dans le Parisien de ce 24 septembre:

Si elle avait été en capacité d'ouvrir les commerces le dimanche dans les zones les plus attractives, nous n'aurions pas eu à mener cette réforme. Elle n'a pas souhaité que nous échangions. C'est son choix (...) Je comprends que les équilibres politiques de la Ville de Paris aient rendu impossible pour sa maire de conduire cette évolution, mais ce n'est pas mon débat. Tous les maires d'arrondissement ont été consultés, de même que la maire de Paris.

En d'autres termes, curieusement, le ministre de l'Economie reproche à Anne Hidalgo, non seulement de tenir ses engagements vis-à-vis de sa "majorité plurielle" - Anne Hidalgo gère la ville avec l'appui du Parti communiste et des écologistes d'EE-LV -, mais aussi de tenir ses engagements pris lors de la campagne des municipales. En effet, en 2014,  la candidate PS s'était clairement prononcée pour une une ouverture dominicale restreinte afin de ne pas pénaliser les petits commerces déjà ouverts le dimanche et qui vont se prendre en pleine figure la concurrence des grandes enseigne.

"Le pouvoir réglementaire se met à violer ses propres textes"

Par ailleurs, l'interprétation du texte telle, qu'elle est traduite par les zones citées plus haut, laisse toujours les représentants syndicaux des magasins parisiens dubitatifs. "Sur le fond, il pourrait être légitime de définir ces zones en fonction par exemple du chiffre d'affaires réalisé par les magasins auprès de la clientèle internationalle. Ce qui est contestable, c'est l'application qui sera faite de ce décret. Le pouvoir réglementaire se met à violer ses propres textes", juge Karl Ghazi, représentant CGT, interrogé par La Tribune. A la CFDT aussi, on est très dubitatif et on ironise "En quoi la Place de la République, avec ses magasins de canapés, peu-être considérée comme une ZTI, sous prétexte qu'il y a un grand hôtel installé là?"

Dans la ligne de mire, en particulier: la présence dans les zones qui pourraient être retenues des centre commerciaux Italie 2, Beaugrenelle et Saint-Emillion Bibliothèque dont la nature "internationale" de l'attractivité est loin d'être démontrée.  Le collectif regroupant les syndicats parisiens du commerce (CGT,CFDT,FO,Sud et UNSA) , le Clic-P, appelle à nouveau à la grève le 15 octobre prochain. A la mairie de Paris, on reproche aussi au ministère de l'Economie une interprétation trop large qui va permettre de façon déguisée de généraliser le travail dominical et en soirée.

La bataille politique est loin d'être terminée. Car, même si les nouvelles zones où les magasins peuvent ouvrir plus tard et sept jours sur sept sont définies par décret , il reste encore à en définir les modalités dans chaque entreprise. Des accords de branche ou au sein des magasins devront donc notamment décider de la façon dont seront compensés financièrement les jours travaillés, comme le prévoit la loi. Les syndicats attendent aussi des créations d'emplois.