Des chercheurs proposent d'obliger les producteurs d'énergies fossiles à enterrer des tonnes de CO2

Par latribune.fr  |   |  825  mots
En 2022, les concentrations CO2 relevées dans l'atmosphère ont atteint un nouveau record. (Crédits : Leon Kuegeler)
Selon une équipe de chercheurs, les producteurs d'énergies fossiles devraient être forcés à capturer et éliminer de l'atmosphère le CO2 émis par l'utilisation de leurs produits en le stockant sous terre. Il s'agit d'empêcher ces carburants fossiles « de causer le réchauffement climatique ». L'urgence est là : les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées sur Terre.

Rendre responsable les producteurs d'énergies fossiles de la gestion des déchets issus de leurs produits, c'est l'idée soutenue par une équipe de chercheurs qui propose, dans un article scientifique, d'étendre à l'industrie du pétrole, du gaz et du charbon le principe de responsabilité élargie des producteurs (REP).

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L' article des chercheurs, publié par le journal Environmental Research Letters, est selon Myles Allen, co-auteur de l'étude et professeur à l'université d'Oxford, « une réponse à la crise climatique actuelle et à ce qu'elle nous apprend sur les défis climatiques ». Il explique : « nous allons devoir empêcher les carburants fossiles de causer le réchauffement climatique avant que le monde ne cesse de les utiliser , une seule manière d'y arriver, mettre sous terre une tonne de CO2 pour chaque tonne générée par l'utilisation continue des énergies fossiles ». Il reviendrait ainsi aux producteurs de fossiles de s'assurer de l'élimination du CO2 émis lors de l'utilisation de leurs produits, avec la mise en place progressive d'une « obligation de reprise du carbone », avancent les auteurs.

Le C02 serait capturé à la source ou recapturé dans l'air pour être stocké sous terre

Le CO2 serait ainsi capturé à la source ou recapturé dans l'air pour être stocké sous terre, avec une obligation croissante pour atteindre jusqu'à l'équivalent de 100% du CO2 émis à l'horizon 2050, date visée pour la neutralité carbone. La capture de CO2 dans l'air existe déjà mais à très petite échelle, faute de financement adéquat : la plus grande installation de ce type, en Islande, n'élimine actuellement en un an que ce que l'humanité produit en quelques secondes.

Rediriger les sommes gagnées par le secteur des fossiles vers des solutions au problème climatique

Mais la situation changerait si le secteur des fossiles était contraint d'y recourir massivement, arguent les auteurs, d'autant que cette industrie s'est considérablement enrichie depuis un an avec la flambée des cours. « On doit discuter de la manière de rediriger ces sommes colossales, qui sont actuellement simplement injectées dans la rente des énergies fossiles, vers une solution au problème climatique », plaide Myles Allen. Hugh Helferty, co-auteur de l'étude et ancien du géant pétrolier ExxonMobil, estime que l'industrie est « capable » de reprendre le CO2. « Ce qui lui manque c'est le modèle financier et la motivation. Il faut réglementer », a-t-il avancé.

Dans son dernier rapport de référence, le groupe d'experts de l'ONU sur le climat (Giec) estime aussi que le monde devra recourir au captage et stockage du CO2, quel que soit le rythme auquel il parvient à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. L'urgence est là : en 2022, les concentrations CO2 relevées dans l'atmosphère ont atteint un nouveau record de « 417 partie par million (ppm) » avec une augmentation annuelle « d'environ 2,1 ppm, soit un taux similaire à celui des dernières années », note le programme européen sur le changement climatique Copernicus (C3S).

Zoom - Les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde

Les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde, dépassant toutes de plus d'un degré les températures de l'ère pré-industrielle, selon le rapport annuel du programme européen sur le changement climatique Copernicus (C3S) publié mardi. Au niveau mondial, l'année écoulée se classe au cinquième rang, seulement battue par des années récentes, et a encore été marquée par un cortège de phénomènes extrêmes qui illustrent les conséquences du réchauffement climatique. En dépit de l'influence refroidissante du phénomène climatique La Niña, l'année 2022 est « environ 1,2°C » plus chaude que la période 1850-1900, avant que la révolution industrielle ne produise ses effets sur le climat, affirme le C3S. En Europe, continent où le réchauffement observé est le plus rapide, 2022 se classe comme la « deuxième année la plus chaude », mais les mois d'été constituent un nouveau record pour tout le continent, très largement battu en Grande-Bretagne et aggravé par un déficit de pluie exceptionnel en Espagne, France ou Portugal. De « grandes parties du Moyen-Orient, d'Asie centrale et de Chine, de Nouvelle-Zélande, d'Afrique du Nord et de la Corne de l'Afrique » ont aussi établi un nouveau record annuel, acte le C3S.

Outre les températures, la planète a subi une avalanche d'événements extrêmes, rappelle le rapport: inondations historiques au Pakistan après une vague de chaleur printanière exceptionnelle, canicules et méga-feux de forêts en Europe de l'Ouest, canicules estivales aussi dans le centre et l'est de la Chine, inondations dévastatrices au Nigeria, sécheresse dans la Corne de l'Afrique.

(Avec AFP)